Socle et numérique : épisode 3, domaine 2

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A lire le domaine 2 proposé pour le « nouveau socle », on ne peut que penser au B2i. En séparant techniques usuelles de l’information et de la documentation et techniques et règles des outils numériques, l’approche est un peu différente et tente de distinguer davantage que ne le faisait le B2i, les champs de compétences. Ce domaine est particulièrement significatif de ce que l’accès à la culture à l’ère du numérique exige de chacun. Car, rappelons-le ici, il n’y a pas de culture numérique, mais bien une culture à l’ère du numérique, et comme pour le domaine 1, ainsi que pour l’ensemble de la proposition, les concepteurs du texte mettent en évidence ce fait : accéder à la culture, au « savoir-agir culturel », cela suppose d’articuler des compétences instrumentales et des compétences cognitives. Si les premières sont assez faciles à décrire, les secondes sont plus délicates.
Les compétences instrumentales sont celles sur lesquelles s’appuient nombre de promoteurs des enseignements disciplinaires autour du numérique. Plus ou moins fondamentales, selon l’approche retenue, ces compétences sont assez faciles à identifier parce qu’appuyées sur des indicateurs factuels. Cependant, que ce soit en recherche documentaire ou en utilisation des logiciels, il y a un véritable problème soulevé d’ailleurs de manière significative par les auteurs, à savoir que les compétences instrumentales n’existent pas davantage que les compétences cognitives si elles ne s’incarnent pas dans des contextes, si elles ne sont pas situées.
C’est pourquoi les compétences cognitives, au premier rang desquelles le sempiternel « apprendre à apprendre » enrichir du « comprendre » (mais comment imaginer qu’on puisse apprendre sans comprendre ?), sont elles aussi considérées comme devant être situées : « Les méthodologies du travail ne s’apprennent qu’en situation ». Séparer les compétences instrumentales des compétences cognitives est une nécessité pour la description mais un danger pour la mise en oeuvre comme on a pu le voir dans la réécriture des programmes du primaire de 2008, qui induisent le risque d’atomisation des apprentissages. Ici, les deux compétences non spécifiquement liées au numérique dans leur intitulé s’inscrivent en fait dans une dynamique qui est devenu évidente au travers des expérimentations menées autour des TICE, à savoir le projet et la collaboration d’une part, l’élaboration et la gestion de l’espace personnel d’apprentissage (EPA). Ces trois dimensions sont à la base de ce que l’on appelle la « capacité à se former tout au long de la vie ». En évoquant la nécessité de passer de l’individuel au collectif et inversement, les auteurs signalent clairement une évolution significative qui émerge au cours des trente dernières années : la montée de l’individualisme qui traduit la nécessité, dans nos sociétés contemporaines (post-modernes ?) de renvoyer à chacun une part de la responsabilité du collectif, et dans le même temps de rendre chacun responsable de sa propre trajectoire. Aucune force transcendante externe ne peut nous donner des excuses… Le numérique, parce qu’il magnifie le culte de l’individu au travers des réseaux sociaux et des médias de masse qui les relayent, est un « bouillon de culture ». Or pour surnager dans ces eaux parfois trouble, il faut davantage maîtriser sa relation personnelle à l’environnement social, économique et politique, mais aussi son engagement dans des stratégies collectives.
Malheureusement un oxymore apparaît dans l’expression de l’une de ces compétences cognitives (si on peut la définir ainsi) : la curiosité. Le libellé de la phrase qui l’évoque est spectaculaire tant elle se termine justement par ce qui est en opposition à la curiosité : le respect des consignes. Loin de moi l’idée qu’il faille inviter à ne pas respecter les consigner, mais bien plutôt l’idée qu’il ne faut pas associer l’un avec l’autre. On sent bien que cette curiosité dérange l’école et son organisation. D’ailleurs le sous domaine « organiser son travail pour l’efficacité des apprentissages » associe bien l’idée d’une rationalisation (organiser) à l’efficacité. On voit poindre là un des aspects très dérangeant du monde scientifique et technique et de ses langages qui formalisent le réel, à savoir qu’ils inviteraient à l’organisation et donc à l’efficacité. Si ce propos tient dans une vision court-termiste, elle ne tient pas dans une vision globalisante qui prendrait en compte la complexité.
On le pressent dans la lecture de ce deuxième domaine, il y a difficulté à accepter l’incertain, le non prévu, le complexe dans le monde des apprentissages. Peut-être ne faut-il pas donner trop de prise au doute dans la formation fondamentale. Une des visions éducatrices sous-jacentes à ce texte c’est, encore une fois, une grande part de rationalité (rappelant celle de Condorcet en 1791), considérée comme premier pas dans l’escalier de la connaissance. Les moyens numériques, du fait de leur langage binaire, semblent renforcer cette approche. Et pourtant les échecs successifs de l’intelligence artificielle et de ses dérivés devrait nous alerter sur cette part d’incertain, d’à peu près, que l’on observe chaque jour dans de nombreux domaines (regardons les connaissances dans le domaine sismique ou climatique par exemple). Il suffit d’observer les échanges sur les réseaux sociaux et de les rapprocher des échanges en présence physique pour se rendre compte que rapidement l’incertain, le non prévisible apparaissent dans les discussions. L’éducation des petits enfants doit-elle commencer par des torrents de certitude avant, beaucoup plus tard après le socle peut-être, mettre les personnes face à cet incertain ? On peut faire l’hypothèse que l’une des clefs de l’éducation soit justement dans le développement de la capacité (ne l’appelons pas compétence) à prendre en compte l’incertain dans la construction de ces connaissances. On accusera peut-être l’auteur de ces lignes d’une forme de scepticisme. Toutefois, comment penser l’esprit critique dans une telle vision rationnelle dans laquelle on veut uniquement lui donner la place « d’un récepteur et un utilisateur critique et honnête de l’information »
A suivre et à débattre
BD


Domaine 2 : les méthodes et outils pour apprendre
Les méthodes et outils pour apprendre, requis par les études et la formation tout au long de l’existence, ne constituent pas un enseignement en soi, mais doivent faire l’objet d’un apprentissage explicite, pendant la scolarité obligatoire, dans tous les enseignements et espaces de la vie scolaire.
Leur maîtrise progressive développe l’autonomie et le goût de l’initiative ; elle doit favoriser l’implication dans le travail commun, la recherche et la coopération.
Objectifs de connaissances et compétences pour la maîtrise du socle commun
   Maîtriser les techniques usuelles de l’information et de la documentation
L’élève connaît les principes de la production de l’information et de son accès (notions de sources,  de  documents,  auteur,  éditeur,  classement,  dépôt  légal,  droits…).  Il  a  abordé  des éléments d’histoire de l’écrit et de ses supports. Il s’est initié à l’usage des outils de recherche  et au traitement de l’information sur tous supports. Il sait confronter différentes sources d’information et s’interroger sur la crédibilité que l’on peut accorder à ces sources.
L’élève est initié à l’usage de l’internet, il maîtrise la navigation hypertexte, il est capable de créer des documents pour les adresser à divers destinataires. Il sait utiliser des sites collaboratifs, et garder la mémoire de ses travaux.
Il sait synthétiser et restituer l’information à l’oral et à l’écrit. Il est conscient de la complexité de ce champ dans les sociétés contemporaines et de la nécessité d’être un récepteur et un utilisateur critique et honnête de l’information. Il a compris que l’information ne suffit pas à la connaissance mais qu’elle en est une première étape.
L’élève connaît les principales techniques de production et de diffusion de l’information selon les supports, il a développé de l’intérêt pour la presse écrite et audiovisuelle et sait s’y repérer par la connaissance des codes. Il sait confronter les points de vue sur les événements, prendre conscience de la diversité des choix et des opinions, apprécier la validité d’une information.
– Maîtriser les techniques et les règles des outils numériques
L’élève connaît l’organisation matérielle et logicielle d’un environnement numérique : clavier, logiciels de bureautique (en particulier le traitement de texte) dont les logiciels libres.
Il est capable d’organiser et de traiter des données numériques à l’aide d’un tableur ; il peut exploiter et produire un document en combinant plusieurs types de composants (textes, sons, images, tableaux, liens…). Il sait utiliser un site collaboratif dans le cadre scolaire et connaît les règles de bienséance et de civilité de la communication et de la discussion numérique.
Il peut se servir de sa connaissance des outils et du fonctionnement des réseaux pour gérer, organiser, effectuer une bonne part de son travail scolaire, seul et en collaboration avec d’autres.
L’élève est sensibilisé aux principes de la propriété intellectuelle et de la création numérique. Il a acquis une conscience des potentialités des modes de communication numériques, de leur rôle dans la vie sociale et économique mais aussi des risques qu’ils présentent et de leurs limites. Il a en particulier appris à protéger ses données personnelles et son intimité, et à respecter celles d’autrui.
– Acquérir la capacité de coopérer et de réaliser des projets
L’élève a acquis autonomie et initiative en les exerçant régulièrement dans des activités de projets, sur des périodes progressivement de plus en plus longues, qui lui ont permis pour la réalisation de ces travaux de mettre en œuvre des compétences multiples. Il a aussi pu à cette occasion mettre en relation des compétences acquises dans des disciplines diverses  dans le cadre de tâches complexes.
La classe, l’école, l’établissement sont des collectivités riches de potentiel, d’entraide et de mutualisation des savoirs. L’élève sait travailler en équipe, écouter les autres, argumenter son point  de  vue,  négocier  et  rechercher  un  consensus,  accepter  une  répartition  du  travail. L’utilisation des outils numériques contribue à ces modalités d’organisation, d’échange et de collaboration.
– Organiser son travail pour l’efficacité des apprentissages
L’élève a acquis la capacité de se projeter dans le temps, d’anticiper une situation, de planifier une tâche. Il sait gérer les étapes d’un devoir, mémoriser de façon rationnelle ce qui doit l’être et organiser son travail en fonction des véritables enjeux d’un apprentissage. Il comprend qu’une tâche  scolaire  n’est  pas  une  fin  en  soi  et  qu’elle  est  presque  toujours  au  service  d’un apprentissage.
Pour y parvenir, l’élève a développé sa curiosité. Il s’intéresse aux connaissances et met en œuvre les capacités essentielles que sont l’attention, la mémorisation, la mobilisation de connaissances, de ressources physiques, la concentration, le goût de l’échange et du questionnement, le respect des consignes.
Il sait identifier un problème, proposer une démarche de résolution, mobiliser les connaissances nécessaires, rectifier une erreur, mettre à l’essai plusieurs solutions. Il attache une importance particulière aux corrections qui lui permettent de progresser.
Il mobilise des ressources documentaires, numériques ou imprimées, utilise de manière raisonnée les dictionnaires, manuels, revues et encyclopédies (y compris ceux que l’on trouve sur internet), les potentialités du traitement de texte et d’autres outils bureautiques courants.
L’élève  a  appris  à  se  constituer  des  outils  personnels  de  travail  efficace :  prise  de  notes (notamment manuscrites), brouillons, fiches, lexiques, nomenclatures, plans, croquis…., adaptés à chaque situation.
Champs d’activité correspondants
Apprendre à apprendre et à comprendre est un enjeu qui concerne l’ensemble des champs et des disciplines. Les méthodologies du travail ne s’apprennent qu’en situation. Mais il faut leur consacrer le temps nécessaire et les explicitations suffisantes. L’école ne peut exiger ce qu’elle n’a pas enseigné.
Un équilibre doit être trouvé entre des activités collectives et des activités individuelles ; la mise en commun des recherches, des pratiques et des difficultés permet de lever bien des obstacles.
En outre, savoir apprendre une leçon, rédiger un devoir, préparer un exposé, travailler à un projet, requiert l’usage de tous les outils à la disposition de l’élève, la fréquentation des bibliothèques et centres de documentation, l’usage de l’ordinateur. Le recours à ces outils et aux ressources de ces lieux doit donc faire l’objet lui aussi d’un apprentissage planifié.
L’élève,    par    des  mises  en  ligne,  la  publication,  l’exposition,  le  spectacle,  les  rencontres sportives …,  apprend à partager et à participer à des productions communes qui stimulent son intérêt.

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