De l'après à l'avant… avenir du cahier de texte

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Dans la tradition enseignante, le remplissage du cahier de texte, bien qu’obligation réglementaire inscrite dans la loi (circulaire du 3 mai 1961), a parfois du mal à s’effectuer correctement et dans des délais satisfaisants… Le texte officiel, datant de 1961, n’a pas été revu à ce jour, ce qui, compte tenu des réalités de fonctionnement des établissements scolaire n’est pas sans poser quelques questions. Outil puissant de rappel à l’ordre des enseignants dans la cadre de la forme scolaire, le cahier de texte résiste sérieusement à tout mise en question… même sans débat, il est un objet symbolique (vert de préférence, mais pas toujours) qu paysage de la classe et de l’établissement.
 
Voici qu’apparaît bientôt l’obligation d’un cahier de texte en ligne (cf les annonces prévisionnelles du ministère sur ce sujet). Dans les arguments employés pour la mise en ligne du cahier de texte figure la visibilité de son contenu par les parents. Or cette simple disposition modifie radicalement l’esprit de cette circulaire qui distinguait le cahier de texte de la classe (stocké dans l’établissement et réservé à usage interne) et le cahier de texte individuel (outil de l’élève pour faire lien avec la famille).
 
Il faut ici évoquer de manière plus précise ce qui peut faire question : la visibilité vers les parents et les familles. Traditionnellement c’est l’élève qui faisait le passage, désormais les parents consulteront directement sans passer par l’élève. Cette évolution n’est pas sans signification ni pour les enseignants ni pour les élèves et encore moins pour la construction de leur autonomie. Les élèves perdent dans cette évolution « un droit de passage » et ainsi toute possibilité de tromper la vigilance parentale. Les enseignants, de même, vont se voir obligés de tenir à jour… leur cahier de texte, au risque aussi de se voir questionnés par les parents. L’établissement scolaire va ainsi donner à voir, et c’est nouveau, un droit de regard à l’extérieur sur ce qui se passe dans la classe, sans passer par l’intermédiaire de l’élève, ni même des enseignants et de leurs responsables qui se voient déposséder d’une partie de leur espace privé, désormais devenu public.
 
On imagine aisément que d’aucuns pourraient trouver à redire d’un coté comme de l’autre. Les parents pourraient ainsi surveiller les enseignants, les enseignants contraindre davantage les élèves, les élèves se retrouver pris au piège, et les responsables des établissements et de l’enseignement obligés de partager leur prérogatives de contrôles. On pourra aussi envisager que les élèves ne tiennent plus de cahier de texte individuel puisque le collectif suffira… Imaginons un instants un parent écrivant directement à l’IPR (voire au delà) suite à la lecture du cahier de texte dont il estime le contenu non satisfaisant. 
 
L’arrivée du cahier de texte en ligne n’est pas innocent, il déplace des frontières. Il est donc indispensable d’en redéfinir le but et le fonctionnement, et donc de réécrire la circulaire sur le fond. De plus il convient de redéfinir le rôle de chacun des acteurs autour de cet objet et de son contenu. Enfin il faut absolument préciser l’importance que prend le cahier de texte pour les élèves, non pas sur le plan réglementaire sur celui de la fonction pédagogique formative : en quoi tenir soi même son cahier de texte ou pas s’inscrit dans le cadre du développement de l’autonomie de l’enfant ?
 
Quelques expériences de cahier de texte en ligne nous ont montré qu’une des pratiques possibles de la mise en ligne du cahier de texte consisterait à l’utiliser non pas en aval (outil de compte rendu) mais en amont, pendant et en aval du temps de cours. En amont, il contiendrait la prévision de l’enseignement à venir, pendant il expliciterait les adaptations, en aval, il donnerait le compte rendu de ce qui est effectué. On pourrait ainsi observer (au moins partiellement) le lien entre le prescrit (personnel et officiel) et le réalisé effectivement.
 
Quelques enseignants qui ont commencé à remplir leur cahier de texte en amont ont pu observer que cela était efficace pour les élèves, pour peu que ceux-ci aient eu l’obligation et la possibilité de consulter le cahier de texte ainsi rempli avant de venir en classe. Dans cette perspective la fonction du cahier de texte change radicalement : d’outil de contrôle institutionnel, il devient un outil réellement pédagogique intégrant le contrôle, mais dans un plan beaucoup plus large.
 
Souhaitons que les responsables de l’institution scolaire ne s’emparent pas de ce sujet sur le mode technique (comme cela se profile pour l’instant) mais qu’il y ait une véritable réflexion pédagogique incluant une précision de la mission de l’enseignant.
 
A suivre et à débattre
 
BD

1 Commentaire

    • C. Perrin sur 2 septembre 2009 à 07:46
    • Répondre

    Bonjour,
    Un dispositif de plus qui va accentuer les inégalités entre élèves possédant un ordinateur et les autres (eh oui, il en existe encore…)et un nouveau moyen de pression de la part du gouvernement : les parents doivent avoir un droit de regard sur le travail des enseignants. Dans quelle autre profession des cadres sont-ils évalués par des non-professionnels (ici, les parents) ?

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