Retour vers le futur… de l’informatique au numérique dans la société

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Garder des vieux livres est parfois signe de vieillissement. Reprendre ces vieux livres pour les mettre en perspective nombre d’années plus tard est signe de rajeunissement… ou plutôt d’actualisation, de mise en perspective en regard de l’évolution vécue. Contrairement à la science fiction qui essaie d’imaginer le futur, ici il s’agit de comprendre comment le présent d’une époque est parfois une anticipation involontaire du futur. C’est le cas, au moins partiellement de ces deux ouvrages collectifs du CREIS (Centre de Coordination pour la Recherche et l’Enseignement en Informatique et Société). Société et Informatique, Delagrave,1984, L’informatisation quotidienne Delagrave, 1986. Ici nous nous limiterons au deuxième livre (c’est le seul à notre disposition qui apporte un regard suffisamment panoptique de l’informatique dans le quotidien, posant ainsi les bases de ce qui va devenir un « fait social total » (Marcel Mauss) sous le terme numérique à partir des années 2000.

Cette association créée en 1984 a rejoint l’association Terminal créée en 1979 et poursuit son existence comme en témoigne leur site : https://www.lecreis.org/ ainsi que le site de la revue Terminal : http://www.revue-terminal.org/. L’intérêt de revenir sur cette période est de tenter de comprendre comment les analyses des années 1980 sont instructives sur ce qui se passe aujourd’hui : quelles dynamiques sous-jacentes ? Quelles intentions développées ? etc…

Nous vous proposons ci-dessous, après le sommaire du livre, la lecture de la préface de Jean Yves Chateau, l’introduction du collectif d’auteurs qui ont contribué à cet ouvrage.

1 – SOMMAIRE

Introduction. L’envahissement informatique conduit à des avis contradictoires : admiration béate des uns et dénigrement systématique des autres. Une attitude critique fondée sur l’analyse des conséquences de cet envahissement est l’orientation retenue par les auteurs de l’ouvrage .….

A chacun son outil de gestion. Les projets d’’informatisation des entreprises du tertiaire sont souvent menés sans la participation réelle des intéressés. Leur engagement est pourtant la condition de réussite des projets ressens

Un nouveau secteur à conquérir pour l’informatique de gestion : l’artisanat. L’informatique est aux portes des artisans. Seuls, ils semblent bien démunis face aux choix informatiques et aux enjeux dont ils sont l’objet

Meunier, tu dors, ton ordinateur va trop fort. Aux 1 300 meuniers dispersés et de taille inégale, l’informatique promettait monts et merveilles. Quelle « solution informatique adaptée » leur organisation professionnelle propose-t-elle ?

L’informatique appliquée à la production industrielle. L’informatisation de la production automobile bouleverse l’organisation du travail et la gestion de la production. La fragilisation des systèmes industriels exige de nouvelles qualifications encore mal définies.

Disques durs et pipettes : la biologie branchée. L’hôpital informatise nombre de ses fonctions. L’analyse d’une application en biologie médicale met en évidence le déplacement des enjeux

Pourquoi pas dans l’agriculture ? La diffusion du machinisme agricole dans nos campagnes a modifié les mentalités face à l’innovation technologique. L’informatique s’engouffre dans cette brèche ; pour quels bénéfices ?

Le contrôle de l’activité des médecins par la méthode des profils. L’accroissement des capacités de calcul multiplie l’usage des statistiques. Les résultats ne correspondent pas toujours aux objectifs : voici un exemple de la perversité d’instruments performants

La vulnérabilité du pays est-elle accrue par l’informatique ? Les systèmes de défense nationale reposent sur des stratégies où l’information tient un rôle prépondérant. Les machines de traitement des informations sont-elles en mesure d’éviter une confrontation qui pourrait être la dernière ?

Une télématique dissidente. Refuser, pour une collectivité locale, de rentrer dans les schémas préétablis que propose la Direction Générale des Télécommunications et choisir soimême son matériel et ses applications, c’est véritablement, en matière télématique, entrer en dissidence. Difficile certes, mais réalisable ss

Un exemple de télématique interactive. Une municipalité développe une application interactive de réservation par télématique avec pour objectif, une meilleure adaptation aux besoins des différents partenaires. Mais la mise en œuvre ne permet pas de répondre complètement aux objectifs

Des ordinateurs, pour quels projets pédagogiques ? A partir de trois études de cas, la première dans les lycées, la seconde dans une classe Freinet et la troisième relative à l’entraînement à la lecture rapide, l’auteur met en évidence l’intérêt de l’utilisation de l’informatique, à condition de ne pas substituer systématiquement l’ordinateur aux outils existants

L’ordinateur à la maison : secrétaire, pédagogue, robot ou gadget ? Le micro-ordinateur domestique est-il inutile ou porteur de nouveaux projets qui restent à concevoir ? La question se trouve compliquée par son implication dans les stratégies contradictoires des divers membres de la famille =…

Le droit sur ordinateur, La multiplication des banques de données nous interroge sur leur utilité réelle. Qui en fera usage ? Le spécialiste ou le profane ? À quel coût ? Leur complexification ne contraint-elle pas à la médiatisation d’un professionnel ? nn nrrrrrnrrsscrnsccesseccecseeee

La télévision assistée par ordinateur. Les besoins de traite. ment d’informations ne cessent de croître face au développe. ment des nouveaux médias. Les chaînes de télévision s’ap. puient sur l’informatique pour répondre à cette demande, bousculant les métiers de l’information ss

Le paysan sahélien devant les nouvelles technologies de l’in. formation. Dans une région où la pluviométrie est particulièrement irrégulière, la maîtrise du facteur climatique peut aider à améliorer la production agricole. Photographies satel. lite et traitement informatique des données contribuent à cette recherche. Pour quels résultats pratiques ?

S’approprier l’informatique ? Imposée, proposée ou attendue, l’informatique est au centre de formidables enjeux de pouvoir, de savoir et de travail. Condamnés à l’informatique, les utilisateurs pourront-ils s’approprier ce nouvel outil ?

2 PRÉFACE

L’informatisation de la société se poursuit jour après jour, et devant ce mouvement de plus en plus vaste et son train toujours accéléré, chez beaucoup il y a une inquiétude légitime.

Qu’on ne la confonde pas avec l’angoisse devant ce phénomène, qui est le sentiment de refus de ceux qui, à la fois, n’en veulent rien savoir et font, dans leur condamnation, comme s’ils savaient.

L’inquiétude de ne pas savoir est l’état d’esprit de quantité de citoyens, qui entendent parler, dans la presse quotidienne ou hebdomadaire écrite, ou télévisée, du développement de l’informatique dans la société, tantôt de manière critique, tantôt (bien plus souvent, depuis quelques années) de manière si laudative qu’ils ne peuvent que soupçonner l’exagération, et même l’exagération puérile, dans bien des cas.

Cette inquiétude fonde une exigence de savoir qui devient encore plus impérieuse, lorsque, précisément, le lieu où se transmet le savoir, et, plus encore, où se forme le besoin de savoir, le goût de la vérité et le pouvoir de juger, l’école, fait l’objet d’un projet général d’introduction de l’informatique.

À peu près tout le monde a le sentiment, plus ou moins fort, qu’on peut faire et qu’il faut faire quelque chose de l’informatique à l’école. Oui, mais quoi ? Telle est encore la question, puisque d’âpres disputes, rendues possibles par une grande pauvreté d’études objectives, sur les formes qu’il est souhaitable et utile qu’elle prenne, partagent toujours chercheurs et décideurs. Le caractère préoccupant et terriblement complexe des conditions d’un développement réussi d’une industrie informatique des matériels et des logiciels qui ait une ampleur nationale, ne favorise pas, pour le moment, la qualité de la réflexion éducative sur ce sujet. Le risque, alors, est la simplification des positions et le partage simple entre ceux qui refusent tout en bloc et ceux qui acceptent tout en bloc, ou, du moins, veulent faire la promotion de tout ce qui peut fonder une industrie et un commerce.

Ainsi se trouvent profondément liées la réflexion sur un dévelop. pement de l’informatique à l’école, digne et digne de l’école, et celle sur les conditions et les formes de l’informatisation de la société en général. L’école est plus qu’un simple exemple de ce mouvement plus large : l’informatisation des autres domaines fait partie des causes (de plusieurs manières) de l’introduction de l’informatique à l’école, et elle devrait être un sujet dont on instruise les élèves.

Car l’unanimité quasi-complète du discours industriel et commer. cial, médiatique et politique, actuel, manifeste une confiance, un triomphalisme et un volontarisme à l’égard de l’informatisation de la société tels qu’ils ne peuvent que réveiller chez le citoyen le besoin de procéder à un examen objectif, ou au moins honnête et documenté de la question.

Mais des moyens de s’informer là-dessus, de manière globale, pour réfléchir et pour juger sans peur et sans illusion, il n’en existe guère, si l’on n’a pas l’idée ou le temps de lire les publications spécialisées et de collationner les renseignements ponctuels qui s’égrènent dans la grande presse au long des ans.

Donner, à tous ceux qui en découvrent le besoin, la possibilité d’un accès facile aux informations et aux réflexions concernant l’informatisation de la société, telle est l’ambition de notre collection Culture informatique, et, en particulier, de ce livre que nous publions aujourd’hui, l’Informatisation quotidienne, qui fait suite à Société et Informatique.

Le premier publié, tentait de dresser le tableau des divers problèmes que pose à la vie sociale le développement de l’informatique. Celui-ci reprend l’examen de la question à partir d’exemples concrets, empruntés à des domaines divers : artisanat, médecine, production industrielle, école.

La méthode est celle de l’analyse de cas — son intérêt est de permettre une réflexion qui évite de courir trop vite aux généralités et aux opinions univoques, mais qui prend avant tout la forme d’une enquête sur les faits.

Les idées qui s’en dégagent sont plus sensibles et paraissent plus fortes, mais il est vrai que la valeur des généralisations auxquelles elles poussent, dépend de la représentativité des exemples choisis. Leur justification comme idées générales ne peut donc se trouver entièrement dans cet ouvrage, mais rend nécessaire de se reporter aux analyses de problématique générale contenues dans Société et Informatique, ainsi que dans un livre, à paraître dans notre collection, qui envisagera globalement la question de l’introduction de J’informatique à l’école.

Car il est vrai que, particulièrement lorsqu’il s’agit de l’école, l’étude rapide de deux ou trois exemples est une méthode qui peut paraître risquée et imprécise plus encore que dans d’autres domaines.

En effet, le caractère obligatoire de l’école, et, pour bonne partie, de ce qui y est enseigné, induit facilement le sentiment que ce que l’on observe dans une classe, doit se retrouver à peu près dans la majorité des autres, sur le territoire national. Or cela n’est pas aussi net qu’on le croit souvent ; mais, s’agissant de l’informatique, dans l’état actuel des choses, c’est encore beaucoup plus inexact. L’informatique est encore peu développée à l’école, comme pratique réellement éducative ; les tentatives qui s’y observent sont d’une diversité qui va jusqu’à la contradiction — comme les exemples rapportés en sont un témoignage ; elles manquent souvent de maturité pédagogique et de cohérence dans leurs principes, ce qui rend malaisé d’en reconnaître la signification et la valeur véritables et même, tout simplement, la nature propre!.

Le risque est grand, et pour ainsi dire naturel, dans ces conditions, devant un exemple d’utilisation de l’informatique à l’école, d’en méconnaître la particularité, lorsqu’on a à le caractériser, à l’évaluer ou à en tirer des leçons générales. Cet ordre de problème exige une analyse globale, où l’on s’efforce d’en reconnaître tous les éléments déterminants, ainsi que leuf organisation et leur hiérarchisation. C’est ce que tentera un prochain livre de cette même collection.

Celui que nous publions aujourd’hui montre, quant à lui, la diversité des applications de l’informatique dans l’ensemble de la vie économique et sociale. Grâce au caractère concret, vivant et souvent passionnant de ses analyses, il donne une idée sensible de la diversité et d’une certaine homogénéité des problèmes qui s’y rapportent, et il devrait contribuer à développer chez ses lecteurs le pouvoir et le goût de l’examen critique sur ce sujet. :

J.-Y. Chateau

——…,

1. Même dans le cas de LOGO, qui semble une des applications pédagogiques les plus populaires, en France et de façon internationale, il est inexact (et donc source d’illusion et de confusion) de croire que ce terme puisse caractériser des Pratiques pédagogiques homogènes.
Ne parlons pas du sigle « E.A.O. » (Enseignement Assisté par ordinateur) qui, après avoir désigné l’enseignement programmé sur ordinateur, peut recouvrir Maintenant tout et le contraire de tout, au gré de ceux qui croient qu’on peut Sauver des faiblesses réelles en amollissant les concepts.

3 INTRODUCTION

INFORMATIQUE : L’ENVAHISSEMENT

Micro-ordinateur, puce, minitel, cartes à mémoires, fichiers, robotique, dessin assisté par ordinateur, logiciel, bureautique, didacticiel, commande numérique, basic, systèmes experts, intelligence artificielle, télématique… jour après jour, des termes de ce genre, se rapportant à l’informatique, sont véhiculés par les médias.

Affiches, radios, télévision et journaux vantent les mérites de tel bien de consommation « à micro-processeur ». Les résultats du sondage de l’institut X sont traités par ordinateur. Pour connaître nos chances de succès professionnels ou amoureux au cours de la journée qui vient, nous pouvons consulter les prévisions de l’ordinateur de madame Saturne. A l’agence Y, les réservations se font en utilisant un « terminal » relié à un « ordinateur central ». De multiples revues informatiques sont diffusées dans les kiosques. L’informatique-vacances se vend bien et, à côté de la planche à voile, de l’équitation ou du bronzage, le célèbre club Z nous propose de devenir en huit ou quinze jours un expert en basic.

UNE RÉVOLUTION ?

Le harcèlement publicitaire, nos expériences quotidiennes et les discours des responsables économiques et politiques, finiront-ils par nous persuader que nous sommes en train de vivre une véritable révolution ? Devons-nous croire que le développement des nouvelles technologies de l’information va miraculeusement résoudre nos problèmes de société ? À écouter certaines affirmations : s’il y a des chômeurs, apprenons-leur l’informatique et ils trouveront un emploi ; si des problèmes se posent à l’école, multiplions les ordinateurs ; si les industries sont en crise, il suffit de les moderniser, d’accroître leur productivité en utilisant l’informatique ; s’il existe des problèmes de communication dans notre société, que vive la télé. matique !

Ainsi, irrésistiblement entraînés vers un « système technicien », nous nous interrogeons avec inquiétude : allons-nous réussir à le maîtriser ? Nous ne restons pas indifférents face à cette tendance inflationniste de l’informatique ; adoptant une attitude critique, nous refusons les tentations de l’admiration béate ou du dénigrement systématique.

L’ADMIRATION BÉATE

L’informatique a contribué d’une manière importante aux progrès réalisés ces dernières années en recherche fondamentale et appliquée et permis le développement d’applications spectaculaires dans de nombreux domaines touchant notre vie professionnelle ou notre vie quotidienne (espace, médecine, gestion, fabrication, communication..). Il est difficile de ne pas être en admiration devant toutes ces prouesses techniques et les « marchands d’informatique » l’ont bien compris. Les responsables d’entreprises sont sollicités quotidiennement pour bénéficier des dernières réalisations des constructeurs de matériels ou des auteurs de logiciels. Dans l’informatique grandpublic, une formidable campagne publicitaire se développe car « il ne s’agit plus de contenter les « fanas » avec des produits hautement sophistiqués qui les plongent dans des ravissements proches de l’extase, il s’agit de dénicher les bataillons de consommateurs en leur faisant valoir l’utilité d’un produit qui, a priori, n’est pas évidente »’.

Nous pourrions être tentés de nous ranger du côté de ceux qui contribuent à fond au développement de ce processus d’informatisation de la société. Le populaire « on n’arrête pas le progrès », trouve une justification évidente dans l’affirmation de la nécessaire modernisation de notre économie et l’indispensable virage technologique à prendre par nos entreprises. Le problème est de savoir comment ce virage sera négocié et à qui il profitera. Il a évidemment un effet non seulement sur le profit des entreprises mais aussi sur le volume de l’emploi, l’organisation du travail, le contenu des tâches, les qualifications et le rythme de travail ; de plus en plus, c’est notre mode de vie même qui sera touché.

1. CREIS : Société et Informatique, Delagrave, 1984.

LE DÉNIGREMENT SYSTÉMATIQUE

À l’opposé, un rejet en bloc de l’innovation technologique et une condamnation sans appel de l’informatique et de toutes ses applications semblent aussi peu réalistes que les luttes que certains menèrent au siècle dernier contre les chemins de fer. Cette attitude extrême, rencontrée quelquefois, traduit de façon amplifiée l’inquiétude, voire l’anxiété, que beaucoup manifestent devant l’extension progressive des domaines touchés par l’informatique. La demande croissante à l’égard des différentes actions de sensibilisation, d’initiation, de démystification de l’informatique en sont une illustration.

Cette inquiétude n’est pas sans fondement. Outre la réaction naturelle que nous ressentons en présence d’une nouveauté qui envahit notre espace quotidien, la présentation de l’informatique qui est faite généralement au grand public n’arrange rien. Il est tellement commode de rendre l’ordinateur responsable de certaines décisions en oubliant tout simplement de rappeler qu’il n’est qu’un instrument, perfectionné certes, mais non intelligent, capable seulement d’effectuer les traitements qu’on lui demande de faire à partir d’informations qu’on lui fournit. D’autre part, le nombre important d’expériences malheureuses effectuées par certains, notamment des responsables de petites et moyennes entreprises, lors de leur premier essai d’informatisation, a permis l’augmentation du nombre des sceptiques.

L’ATTITUDE CRITIQUE

A l’heure actuelle, ceux qui sont détenteurs d’une certaine connaissance en informatique ont un pouvoir sur les autres. C’est donc cette connaissance qu’il nous faut acquérir. Cela ne veut pas dire que nous devons tous devenir des informaticiens ! Il n’est pas nécessaire d’être informaticien pour réussir à comprendre les réalités de l’informatique. Il est par contre indispensable d’apprendre à observer, à étudier les faits dans toutes leurs dimensions. Ce n’est qu’à l’école de ces faits, en analysant les situations dans lesquelles se développent les applications informatiques, qu’on peut arriver à évaluer ce que peut faire l’informatique, ce qu’elle ne peut pas faire, qui a le pouvoir de décision, pourquoi il l’a, qui pourrait l’avoir, où se situent les contraintes techniques, sociales ou économiques.

Par cette approche, on pourra se rendre compte, entre autres, que le discours des avantages est fréquemment tenu, mais que tout le monde n’accède pas au discours des inconvénients. Par exemple, s’il est indéniable que des gestes répétitifs, monotones, voire pénibles ont été supprimés dans certains secteurs de production par l’utilisation qui est faite de la robotique dans notre société, nous assistons parallèlement à l’élargissement du fossé qui sépare le travail de conception du travail d’exécution ; le premier requiert en effet une qualification technique d’un niveau de plus en plus élevé alors que le second se transforme progressivement en travail de surveillance et d’entretien quelquefois répétitif.

« La visée opérationnelle de l’informatique tend constamment à simplifier, réduire, limiter, condenser, restreindre. »’. Les traitements informatisés nécessitent une présentation standardisée de l’information, La communication, souvent mise en avant par les promoteurs de systèmes télématiques, ne s’effectue que par inter. médiaire d’un codage extrêmement simplificateur, ce mot « communication » est-il bien adapté ? On pourrait dénoncer de même l’ambiguité de l’expression « intelligence artificielle ». L’informatique, si nous n’y prenons pas garde, peut participer, au même titre que la publicité, à une forme de normalisation de la société.

UN LIVRE DE PLUS…

Les rayons des librairies et des bibliothèques sont garnis de livres et de revues qui expliquent cé qu’est un calculateur, un système informatique, un langage d’ordinateur, un programme ou comment devenir un « super basic man » en dix leçons. Le but de ce livre est différent. Le Centre de Coordination pour la Recherche et l’Enseignement en Informatique et Société (CREIS) apporte sa contribution par un questionnement critique face à cette « informatique » chaque jour plus envahissante tant dans la vie courante que dans la vie professionnelle.

Dans un premier livre, Société et Informatique, des membres du CREIS montrent combien la réalité de l’informatique est « complexe et récalcitrante », difficile à cerner. Ils insistent sur la nécessité d’écouter d’autres discours que ceux qui sont habituellement propagés par les médias et les détenteurs de pouvoirs politiques, économiques et sociaux. Pour cela ils font référence à ceux qui utilisent ou subissent l’informatique. Afin de mieux illustrer ce propos, le CREIS présente dans un second volume une série d’exemples concrets empruntés à des domaines très divers : artisanat, médecine, production industrielle, école.

Cet ouvrage s’adresse à toute personne qui, dépassant le stade de consommateur ou de témoin passif, désire s’interroger et essayer de découvrir l’informatique telle qu’elle est vécue. Il est destiné en particulier aux formateurs qui, au-delà de l’enscignement de techniques ou de savoirs informatiques, souhaitent amener leurs auditeurs à une réflexion critique sur la manière dont ces techniques sont introduites, utilisées, perçues.

1. J.-P. Bouhot, O. Le Gendre : « La conquête de l’Ouest est terminée » in L’’informatique professionnelle, n° 21, mars 1984.

Nous ne prétendons pas fournir à des pédagogues des « études de cas » directement exploitables dans une action de formation, Notre ambition est seulement de présenter quelques expériences en essayant de faire ressortir quelle est la diversité des enjeux, ou sont les responsabilités, quelle réalité a été mise en place par rapport aux objectifs visés, sur quoi il est possible d’agir, où sont les contraintes, les marges de manœuvre, etc.

SES AUTEURS

Sociologue, psychologue, économiste ou informaticien, chaque rédacteur participe, souvent depuis plusieurs années, aux travaux du CREIS. Il a choisi son sujet par rapport à une expérience personnelle d’introduction de l’informatique dans un domaine qu’il connaît particulièrement. De ce fait, la liste des sujets abordés ne recouvre pas tous les domaines d’application de l’informatique. Contrairement aux descriptions habituellement proposées, il a essayé de présenter non seulement les aspects techniques d’un systeme mais aussi son environnement social, non seulement les objectifs des concepteurs mais aussi ceux des autres groupes, notamment celui des usagers.

Chacun a rédigé son texte dans son style propre. Il lui a simplement été demandé de se situer en tant que témoin ou acteur d’un cas réel. En effet, quand on parle à des personnes non averties d’informatique, il est facile de les mystifier ; pour qu’elles se rendent compte de toute la dimension de la réalité et puissent exercer leur sens critique, il faut essayer de les placer au cœur de cette réalité et leur montrer comment la vivent utilisateurs et usagers, comment leurs conditions de vie peuvent en être modifiées. La barrière de compréhension technique existe mais un effort de description concrête peut permettre de la faire céder, nous l’avons tenté. Au lecteur, en confrontant ces études avec ses expériences et ses observations personnelles, de tirer ses conclusions et de se forger une opinion.

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