Arrêtons les Visio ! Préparons la rentrée !

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Et voilà ce qu’on a observé au printemps 2021 : chacun a voulu y aller de sa visio dès les premiers jours de confinement. Bien sûr, personne ne s’attendait à un troisième confinement, sauf les pirates russes qui ont attendu le bon moment pour attaquer le CNED. Et puis il y a eu les ENT, Pronote, on s’est rué sur le numérique, semble-t-il. Et du coup ça a bloqué. Chacun y est allé de son explication jusque sur les plateaux de télévision (le directeur du CNED sur BFM TV)… Il fallait sauver le soldat continuité pédagogique avec le numérique !

Sauf que : le ministère ne voulait pas d’un nouveau confinement; les enseignants, pris par les activités du quotidien et sans formation réelle n’ont pas pu anticiper; les opérateurs (nationaux ou territoriaux, publics et privés) n’ont pas non plus réellement anticipé le « tsunami » et bien sûr, la question des infrastructures est revenue sur le devant de la scène, accompagnée de celle des usages. Pour le dire autrement, aux deux bouts de la chaîne, il y a d’un côté cette boîte noire (pour une grande partie de la population) des systèmes et dispositifs qui nous donnent accès à tous ces moyens et ressources, et de l’autre l’usager, celui ou celle qui se trouve confrontée à l’obligation de mettre en oeuvre des moyens techniques pour faire face à la situation.

Et la rentrée 2021 2022 se profile et sent déjà le souffre des incertitudes : incertitude sanitaire en premier lieu, son corollaire l’incertitude organisationnelle avec le « comodal » obligatoire pour les élèves non vaccinés, cas contact, et encore davantage contaminés (https://www.education.gouv.fr/annee-scolaire-2021-2022-protocole-sanitaire-et-mesures-de-fonctionnement-324257). Ajoutons à cela d’autres incertitudes :
– La fin d’une partie des BRNE (Banque de Ressources Numériques Educative) à la rentrée 2021, comme prévu, car elles sont prévues pour 5 ans et que l’on arrive à la fin de la première vague
– La question plus générale des ressources dont on sent bien qu’il y a en ce moment une interrogation forte sur la manière de les faire « utiliser » et donc de les mettre à disposition
– La restructuration de Canopé conformément à ce qui a été annoncé pour la formation à distance des enseignants
– La question des « socles numériques » qui constituent une sorte de base pour les équipements des établissements
– L’avenir des TNE : alors que les deux premiers départements sont à peine en train de mettre en oeuvre (avec retards et difficultés) le projet, on parlait au printemps d’extension à 10 ou 12 autres départements.
– Les interrogations des collectivités territoriales qui expriment de plus en plus leur souhait de demander des « comptes » à l’Éducation nationale pour les sommes engagées….
– etc…

Et puis, il y a le grand rêve du retour au temps d’avant… Porté d’abord par le ministre lui-même, la volonté de maintenir l’école ouverte (critiquant d’ailleurs les pays qui ont complètement fermé leurs écoles pendant de longs mois) fait écho à ce souhait de revenir à la « normale ». Porté aussi par une grande partie de la population, enseignants compris, qui a en tête ce modèle scolaire traditionnel basé sur le présentiel en classe à l’exclusion de toute autre modalité. On peut penser que, dans ce contexte, les moyens numériques vont être mis de côté pendant un temps. Reviendra alors, peut-être, le bon temps d’avant, mais le numérique en moins. Car de toute manière on est encore loin du compte en matière d’équipement et d’infrastructures, sans compter la pauvreté d’une vision éducative de la réalité d’une société largement numérisée et dont les pouvoirs publics veulent renforcer la présence et le développement (cf les discours des responsables politiques et analystes de l’avenir de la France).

La vidéoconférence puis la visioconférence ne sont pas des technologies nouvelles. On en connaît l’intérêt et les limites depuis longtemps… (https://youtu.be/bnWVoph70LE). Aussi les enseignants qui ont découvert cette situation de travail ont rapidement saturé et mesuré les limites, tout comme les élèves et leurs familles. Cependant, il y avait des dispositifs à construire au sein desquels la visioconférence pouvait avoir sa place, mais à condition de ne pas transposer le présentiel en distanciel. C’est d’ailleurs sur cette illusion que se sont construits les discours lors du premier confinement. Illusion bien sûr, mais surtout cécité. En effet nombreuses sont les personnes qui utilisent des outils comme skype ou whatsapp pour faire des visio avec des proches. Or c’est justement cette nouvelle proximité permise par la technique qui s’est transformée en renforcement de la distance entre l’enseignant et l’élève ou l’étudiant.
Un récent reportage télévisé sur la rentrée universitaire a été très illustratif de cette ignorance. Que montrent les images de ce reportage : on voit un enseignant faire un cours magistral devant un amphithéâtre d’une part, d’autre part, on voit des étudiants ayant chacun un ordinateur portable devant lui, sorte de mur physique entre l’enseignant et les étudiants. Ainsi, le modèle de l’enseignement universitaire serait le cours magistral. On voit aussi du côté des étudiants, les mêmes qui utilisent l’ordinateur en cours l’utiliser en bibliothèque universitaire. Quelle proximité dans ces cours, quelle distance dans ces manières d’apprendre. Ce modèle universitaire à l’air d’avoir la cote auprès des médias, ignorants de toutes les autres modalités qui sont réellement mises en oeuvre, même si souvent c’est plus simple de « faire cours en amphi »….
Des universités ont compris depuis longtemps qu’on pouvait faire autrement et que l’utilisation « intelligente » des vidéos enregistrées et des visioconférences permettaient des assouplissements au sein de dispositifs articulant synchrone et asynchrone. Malgré tout, le modèle dominant reste ancré dans l’inconscient collectif et les représentations sociales. Mais l’université n’est pas l’école. Et là le modèle scolaire est encore plus contraignant. C’est pourquoi les visioconférences ont été considérées comme les roues de secours du confinement sanitaire. Faire « comme si », ce n’est pas faire « comme ». Tout le monde l’a compris et aucun enseignant ne souhaite y revenir. Quant au comodal, c’est encore pire, si cela ne s’accompagne pas d’un vrai travail d’intégration pédagogique et technique. Pédagogique car un élève à distance n’est pas un élève en présence; technique parce que en comodal il y a aussi la place du groupe classe qu’il faut faire exister pour les élèves distants. Même si les robots de téléprésence (les skype à roulette) peuvent aider, ils sont encore beaucoup trop limités pour s’intégrer dans un dispositif technique comodal plus large… il y a encore des voies à explorer….

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