Le discours du nouveau DNE, analyse critique des propos d’Audran Le Baron, Ludovia 2021.

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En clôture de Ludovia 2021, Audran Le Baron a tenu publiquement quelques propos qu’il faut analyser.
1 – En premier lieu, il évoque son credo de « l’expérience utilisateur ». Ce propos n’est pas nouveau pour ce haut fonctionnaire qui avait déjà évoqué cela il y a plusieurs années (2016…). Malheureusement, outre la mode actuelle de cette thématique, on s’aperçoit qu’il y a deux approches de cette fameuse expérience. La première est celle du monde du marketing qui cherche à comprendre le client pour mieux lui vendre un produit. La deuxième est celle de la recherche et plus largement des pionniers de cette approche qui s’est rendu compte que le monde de la conception de produits techniques est souvent celui des ingénieurs, des inventeurs, mais trop peu celui des personnes auxquelles les produits sont destinés. L’histoire des magnétoscopes est un bel exemple d’incompréhension, parmi d’autres, de l’usager. Alors qu’un rapport sur l’illectronisme met en évidence le peu de considération des développeurs pour les personnes auxquelles les produits qu’ils conçoivent sont destinés, on peut généraliser cette inquiétude et comprendre que le Directeur du Numérique pour l’Éducation la prenne à son compte… Mais attention il arrive dans un terrain qui est déjà travaillé depuis de nombreuses années avec plus ou moins de bonheur comme en témoignent les évolutions des ENT depuis 2003.
Rappelons ici qu’en 2013, Jean François Cerisier et l’équipe du C2e de l’Université de Poitiers avaient organisé leur colloque annuel intitulé : « UX design : l’expérience utilisateur au service de l’apprentissage ? » (https://uptv.univ-poitiers.fr/program/campus-europeen-d-ete-2013etnbsp-ux-designetnbsp-l-experience-utilisateur-au-service-des-apprentissagesetnbsp/index.html)

2 – Quelle vision de la pédagogie est présentée par ce nouveau responsable ? À l’écoute de son propos (à 4 minutes 30), on entend cette affirmation  » la répétition est à la base de la pédagogie ». Si son auteur reconnaît qu’il ne vient pas de ce monde de l’éducation, il est étonnant de constater que sa seule référence pédagogique soit celle-là. Cela montre bien que le choix de cette personne à ce poste va orienter le travail de la DNE sur autre chose que la pédagogie. D’ailleurs après avoir ressassé à plusieurs reprises la question de l’expérience utilisateur, Monsieur le Baron a essayé de balayer ce qui est en cours et, pour l’instant, soutenu par le ministre. Autrement dit la question centrale de cette nomination est ailleurs et surtout il faudra attendre une année d’exercice pour voir si un discours solide, marquant visée et stratégie, va être tenu, au-delà des propos du ministre et après analyse de l’existant…

3 – Quand un responsable nouvellement nommé arrive en poste, il ne peut que reproduire ce qui est déjà en place, et ses équipes se font fort de lui fournir les éléments de langage qui conviennent. Pour l’analyse approfondie, il faudra attendre. Car, en effet les propos sont parfois magiques : ainsi en est-il des quelques dispositifs qu’il évoque :
– TNE : tout va bien, une réussite (d’après les remontées) et le focus sur « équipement, ressources, formation (enseignants et parents) » Ce dernier point (les parents) restant flou, d’autant plus que les textes officiels de TNE sont on ne peut plus prudents sur ce thème (parents volontaires).
– Les socles numériques, semblent être un nouveau Graal de l’équipement. La crise a révélé l’indigence, il faut y remédier. Bien sûr, les collectivités sont désignées comme associées car, au final, c’est elles qui vont devoir assurer le financement et la maintenance… Dommage qu’il n’y ait pas un gagnant gagnant qui pourrait situer les apports de l’Éducation Nationale et la manière de les évaluer… en commun avec les collectivités
– Achat des ressources par les équipes ? C’est aussi une tentative de réponse à des échecs désormais identifiés des politiques de distribution de ressources ou de moyens financiers pour y accéder. On a du mal à imaginer, alors qu’il n’en est jamais question dans le propos, que les inspections ne soient pas impliquées dans l’accompagnement des équipes dans ce domaine.
– Enfin deux dispositifs en cours de déploiement : GAR et Educonnect. Cela permet au DNE de boucler sur l’expérience utilisateur, car ces deux dispositifs sont à l’évidence le produit d’une réflexion plus générale pour simplifier d’une part la connexion des élèves, des familles, des personnels aux services numériques (identification) et, d’autre part unifier l’accès aux ressources après identification… automatique (GAR).

En conclusion, un DNE qui arrive de l’extérieur tente de se mettre dans le bain. Il n’a pas été recruté pour sa connaissance du monde de l’éducation, mais de celui de l’informatique. Aussi il faut lui reconnaître, au-delà du formel de ce discours, sa première approche logique. Mais il faut attendre la suite et en particulier de voir si ce credo de l’UX est bien au coeur de son travail et, si oui, de quelle manière ! Quand on sait ce que son ministre a su faire en écartant les gêneurs (cf. le CNESCO par exemple)… on peut penser que ce ne sera pas aussi simple, à moins de s’en tenir au strict domaine technique.

1 Commentaire

    • landais sur 13 octobre 2021 à 18:19
    • Répondre

    L’approche vers les utilisateurs est intéressante dans le discours du DNE. Mais lorsqu’on y prête attention, on observe que les utilisateurs qu’il cible ce sont avant tout les élèves et les parents. Il ne dit mot des enseignants et des chefs d’établissements. Est ce parce que son parcours professionnel précédent l’avait mis en prise directe avec les usagers, sans filtre, ni médiateurs ?
    Je vous rejoins sur le point qu’il va découvrir l’hétérogénéité des situations dans tous les dossiers qu’il traitera : ENT, ressources, portail et plateforme

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