De bonnes et moins bonnes raisons pour préciser la place du numérique en éducation (et pas uniquement dans l’enseignement)

Print Friendly, PDF & Email

Les éducateurs sont confrontés à des dilemmes nombreux au coeur de leurs situations, de leurs métiers, de leurs fonctions. Parents, enseignants, éducateurs spécialisés et bien d’autres personnels d’éducation sont face à un phénomène qui s’est imposé mais en passant en dehors des mailles du filet des craintes, des peurs, des méfiances et autres croyances ou conviction, voire même de travaux scientifiques plus ou moins solides. Car, qu’on soit d’accord ou non, les moyens numériques se sont imposés en environ soixante années dans tous les aspects de la vie.

Nous avons comparé cela à un « perturbateur endocrinien » qui se serait infiltré et qui en modifie de nombreux aspects. Il faut situer ces moyens dans un cadre plus large et parfois bousculé, celui d’une culture mondialisée qui associe technique, économie et humain. Malgré certaines réticences voir oppositions parfois radicale, l’ampleur de ce développement numérique est tel qu’il faut aussi s’interroger aussi bien sur les actions concrètes à mener pour que chacun puisse se situer, comprendre, prendre part, orienter, faire évoluer que d’en comprendre les effets sur nos sociétés et la planète. Pour ce faire, la fonction éducative et pédagogique est essentielle et doit permettre d’ouvrir des voies pour que le numérique ne soit pas pilotée uniquement par des « intérêts » et des « intentions » que nous ne serions pas en mesure d’identifier et de modifier. Car éduquer c’est permettre à chacun de « s’affranchir » du risque d’esclavage, d’asservissement, de soumission, de dépendance. C’est la responsabilité que, malheureusement, les politiques ne veulent pas énoncer, au nom des fondamentaux de l’éducation d’avant qu’il faudrait uniquement privilégier, au risque de passer à côté d’un phénomène social total qui désormais touche aussi au fondamentaux.

Nous proposons d’explorer ce qui peut encourager ou freiner une éducation au numérique à partir d’une série d’assertions commentées :

 

Ce qui incite à éduquer au numérique : pourquoi cela peut-il être déterminant !

 

1 – Rechercher et trouver et évaluer une information

Si poser une question par un moteur de recherche peut sembler suffisant pour trouver une information, un usage régulier et une analyse des algorithmes ainsi que des capacités de ces logiciels révèle rapidement leurs limites à répondre correctement et à ouvrir l’utilisateur sur une démarche d’évaluation des réponses proposées. La naïveté et la facilité sont deux éléments clés qui augmentent l’acceptation des réponses fournies et l’envie de ne pas aller voir plus loin. Éduquer la recherche d’information est donc essentiel

2 – Évaluer les informations recueillies dans les espaces de partage de toute nature

L’utilisation de plus en plus courante des espaces de partage en ligne (réseaux sociaux numériques et autres serveurs de documents vidéos, audios, etc…) interroge sur la nature et la qualité des informations accessibles. Les communications courtes sont devenues premières par rapport aux documents approfondis et longs. Ce sont les « titres » qui attirent l’attention de l’usager ne l’incitant pas à approfondir.

3 – Connaître les éléments techniques sous-jacents aux pratiques numériques ordinaires

Développer la compréhension minimale des environnements informationnels et communicationnels peut sembler difficile pour la plupart des utilisateurs. Cela est accentué par le milieu professionnel qui dispose de son langage et de ses habitudes peu accessibles au grand public. Les exemples de fragilités numériques observés sont révélateurs pourtant de la nécessité d’une compréhension minimale permettant une certaine autonomie dans les usages et pour faire face aux dysfonctionnements qui peuvent survenir. Ne pas être bloqué par des situations inattendues peut s’avérer important dans de nombreuses situations de la vie quotidienne, personnelle et professionnelle

 

4 – Participer à l’espace social enrichi et élargi par les moyens numériques

L’espace de socialisation s’est rapidement et soudainement ouvert à l’ensemble de la population à cause de la généralisation des moyens numériques. Dès lors, concevoir et diffuser des informations, échanger au sein d’un groupe de relation et au-delà est une ouverture possible. Les faits montrent une large adhésion à ces nouveaux moyens, dérives de toutes sortes comprises. C’est pourquoi il est nécessaire de développer la capacité à participer à de tels échanges en prenant en compte les moyens techniques et en respectant, outre la loi, une éthique de la vie sociale.

 

5 – S’exprimer et élaborer des contenus pour les partager

Être « auteur » est à la portée de chaque humain. Mais la diffusion et le partage des productions sont aussi devenus accessibles sous des formes multimodales. Outre la maîtrise technique de ces formes, il y a aussi la capacité à organiser un contenu pour le rendre « lisible ». Le monde scolaire limite souvent les productions des élèves à des formes simples. S’il veut accomplir ses missions, il ne peut que s’emparer de ces nouvelles possibilités pour permettre aux jeunes de participer de manière constructive à ce monde

 

6 – Développer son potentiel d’autoformation en utilisant les ressources accessibles

L’autoformation, rêvée par certains avec l’avènement d’Internet après avoir fait rêvé d’autres avec le livre et l’imprimerie, n’a jamais été première dans les sociétés structurées. Celles-ci on surtout construit un encadrement (la forme scolaire) au sein de laquelle l’autoformation a très peu de place. Éduquer, c’est donner aussi une place à la capacité d’autoformation du jeune en lui donnant accès aux ressources et en construisant des dispositifs autonomisants.

 

7 – Participer à des débats, des controverses, et construire des argumentations

L’inquiétude est grande, lorsque l’on parcourt en ligne des débats, des commentaires… Au fil du temps on s’aperçoit qu’il semble de plus en plus difficile de débattre et d’aborder les controverses. D’une part chacun peut avoir des certitudes, d’autre part chacun cherche plutôt à aller vers ce qui conforte ses opinions, ses connaissances, ses croyances. Apprendre à être acteur de débats et de controverses est essentiel dans une société qui se veut démocratique. Encore faut-il que les espaces de débats permettent cela et que l’on apprenne à entendre les arguments et les analyser.

 

8 – (Se) définir un cadre éthique, déontologique, dans les usages personnels et professionnels du numérique

Chacun de nous est souvent tenté au quotidien de « fronder », d’explorer les bordures de ce qui est reconnu comme acceptable dans la société. C’est à ces frontières que se situe la nécessité d’une attitude déontologique et éthique. Il est nécessaire de repérer les limites des usages pour pouvoir les mettre à bonne distance. Les comportements éthiques ne sont pas moralisateurs, ils sont à l’articulation entre les dangers du numérique, l’omniprésence de ces nouveaux moyens, et la façon dont ils peuvent servir le développement humain.

 

9 – Reconnaitre la variété des écrans qui nous sont imposés ou que nous utilisons et leurs attractivité

Se passer des écrans, ne fût-ce qu’une semaine ne suffit pas à comprendre et limiter leur impact. Même si cela peut ouvrir les yeux, force est de reconnaître que la variété des écrans qui peuplent notre quotidien sont influents et nous attirent. Imposés aux enfants dès leur plus jeune âge, il est indispensable de mieux connaître leurs différentes formes et de comprendre comment ils se rendent aussi attractif. La possibilité de les choisir ou pas et d’en maîtriser les usages est désormais indispensable

 

10 – Comprendre la notion de progrès et de développement au travers de l’évolution de l’informatique et du numérique

L’histoire récente de l’informatique désormais devenue numérique est aussi celle d’un développement continu de techniques. Cette dynamique semble être acceptée par tous comme allant de soi, étant bonne pour les humains presque incontestable. Or les logiques sous-jacentes, et en particulier la notion de progrès, ne sont pas sans conséquences sur nos milieux de vie. Une idéologie d’un « bon progrès » doit être déconstruite afin d’être en mesure d’en identifier les intérêts mais aussi les dangers.

 

11 – Comprendre les enjeux économiques et industriels qui sont sous-jacents au développement technique du numérique

Suivre l’évolution du numérique c’est aussi soulever les questions sous-jacentes, industrielles, économiques. L’évidence du numérique, rappelée par les pouvoirs politiques de toutes origines, ne doit pas cacher les intérêts non seulement économiques, mais aussi politiques. De la transformation du quotidien personnel à l’activité professionnelle, ces dimensions sont toujours présentes et il est nécessaire de les percevoir et de les comprendre pour agir avec discernement

 

12 – Connaître et maîtriser l’impact environnemental des pratiques personnelles du numérique

Il semble nécessaire d’avoir une compréhension systémique des effets du développement des moyens numériques sur l’environnement (au sens large) dans lequel nous vivons. Si le plus souvent on parle de protection de la planète, il ne faut pas négliger la nécessité de penser aussi l’humain, composante de la planète. Si le numérique nécessite des ressources issues de la terre, il transforme aussi notre relation avec elle et aussi entre nous. Cette dimension doit être systémique et multifactorielle.

 

13 – Ne pas abandonner la jeunesse au monde informationnel sans les outiller

Refuser d’aborder le numérique dans le monde scolaire est une sorte d’abandon qui amène à livrer les jeunes au monde sans qu’ils aient les moyens de le transformer. Condorcet écrit en 1791 : « L’inégalité d’instruction est une des principales sources de tyrannie ». On ne peut que s’interroger sur l’instruction nécessaire à donner aux jeunes à propos du numérique.

 

 

Les craintes exprimées face au numérique, à l’école et ailleurs.

 

1 – Trop d’écrans ? Que penser de 3 – 6 – 9 – 12 ? Limiter la consommation d’écrans en faisant référence au cadre de « 3 – 6 – 9 – 12 » (Académie des Sciences 2013)

Lorsque l’Académie des sciences a permis en 2013 la publication d’un document sur la consommation d’écrans, elle a été rapidement relayée suite aux propos de Serge Tisseron transformés en association. Ces propos tentent de cadrer les usages des écrans selon l’âge et donc la supposée capacité des humains jeunes à faire face. On comprend aisément que cette proposition vise à faire face à une problématique plus large qui concerne l’évolution de la parentalité et donc des actions éducatives intra-familiales

 

2 – Quels écrans ? Vidéos, Réseaux Sociaux, etc… Eviter la domination de certains écrans susceptibles d’être addictifs : Vidéos, Réseaux Sociaux, etc…

La plupart des études et enquêtes abordent les « z’écrans » de manière très partielle et avec des méthodologies critiquables. Ce qui est le moins étudié, parce que le plus difficile à faire, c’est le contenu des écrans et leur usage. Parfois fait de manière un peu superficielle, cette question des utilisations réelles mérite d’être approfondie. Il y a de grandes différences entre lire un article de presse, regarder des vidéos à la chaîne, échanger des messages avec des proches etc… Pour parvenir à y voir clair, il faut pouvoir utiliser des données de traçage précises, et encore parfois faut-il y ajouter une observation directe. Fustiger les écrans sans préciser ce qui en est fait est un problème de fond qui interroge sur les intentions de ceux qui mènent ces enquêtes (comme celle récente qui mettait de côté les smartphones…). D’autant plus que tous les écrans et leur utilisation ne relèvent pas des mêmes implications cognitives.

 

3 – L’expression de soi et des autres en ligne : extimité ? Limiter l’expression de soi et des autres en ligne : éviter l’extimité ?

On est impressionné de voir à quel point les humains ont besoin d’interagir et aussi souvent de se montrer pour exister. Entre la mégalomanie et l’exhibition, il y a de la place pour des comportements acceptables socialement. Toutefois, on peut s’interroger sur ce que nous mettons en ligne et sur l’intention que nous avons en le faisant. S’il faut aussi prendre en compte les cercles de diffusion de ces messages en lien avec les algorithmes des services en ligne, il est toujours étonnant de voir des personnes mettre en ligne des contenus plus ou moins personnels. Le terme extimité (issu priincipalement de la psychanalyse) est celui qui représente le mieux cette attitude. Souvent reprochée aux jeunes par les adultes, l’expression de sa vie privée n’est pas qu’une affaire de jeunes mais plus largement celle d’une population. Quelles sont les conséquences de cette extimité pour soi et pour les autres ? L’inquiétude concernant ces comportements a été vive à certaines époques, mais sa généralisation est le signe d’une banalisation qui doit être interrogée.

 

4 – La parole en ligne : quelle valeur, quelle force ? La parole en ligne est-elle contrôlable : quelle valeur, quelle force a un propos ?

Le web permet à chacun de s’exprimer. Cette possibilité est très récente, car le contrôle de la parole publique a été très largement limité avant l’avènement d’Internet. Le droit à la parole est encadré par des lois qui en définissent les limites. L’avènement du web et le relatif anonymat qu’il semble permettre a amené certaines personnes à s’autoriser toutes sortes de propos. Tous les propos sont « à égalité » sur le web. Cependant, certains pays ont choisi de limiter et d’encadrer les prises de parole. C’est ce comportement de certaines autorités qui renvoie au fait que de nombreux dérapages ont lieu dans divers espaces d’expression et en particulier dans les réseaux sociaux numériques. Autour de cette parole « libre », des peurs s’expriment et les éducateurs de toutes sortes sont appelés à y faire face.

 

5 – La « cyber violence », le cyberharcèlement et autres : une autre parole. Le développement de la « cyber violence », et du cyberharcèlement s’impose comme un norme du discours public.

Très médiatisée, la cyberviolence incarnée souvent à l’école par les différentes formes de harcèlement fait partie des craintes qui s’expriment de plus en plus fréquemment. Les possibilités offertes par le web semblent servir de chambre d’écho à des pratiques de paroles violentes, de menaces et autres formes de chantage qui s’exercent dans des relations entre des personnes. Le relatif anonymat qui semble possible, mais aussi le fait qu’un effet de meute peut amener les individus à ne pas reconnaitre leurs responsabilités sont des moteurs importants de ces comportements. Les relations humaines semblent de plus en plus souvent dépasser les limites d’échanges et de débats tenus dans un climat serein pour glisser vers le conflit ou l’affrontement.

 

6 – Les ondes, wifi, 4G, 5G. Les ondes, wifi, 4G, 5G. sont parfois considérées comme mauvaises pour l’humain

La difficulté des travaux de recherche sur la nocivité des ondes de toute nature trouve sa traduction dans les controverses qui y sont associées. Les études longitudinales semblent indiquer une très faible nocivité prouvée en regard de ce que certains affirment. Mais, comme pour de nombreux domaines de recherche, la vérité définitive n’existe pas. Seul peut être énoncé « en l’état actuel des connaissances », ce qui évidemment fait le lit d’une approche de la précaution très négative qui énonce, « si l’on ne sait pas à l’avenir, alors il ne faut pas faire aujourd’hui ! ». Dans ce domaine des ondes, il y a d’autres éléments à prendre en compte : les ondes issues du cosmos, les autres ondes issues des activités humaines etc… La complexité de l’analyse impose donc une grande modestie.

 

7 – La question de la sobriété numérique. La question de la sobriété numérique est à prendre en compte

Apparue au début des années 2020 dans la sphère médiatique, mais en réalité bien plus ancienne, la sobriété numérique s’est imposée dans l’espace public. Alors que les termes « modération » ou « tempérance » auraient pu être plus précis et adaptés, on a préféré le terme sobriété qui s’est appliqué à de nombreux domaines. Même si l’histoire de ce terme est compliquée, ce qui nous intéresse ici c’est le double langage qu’il permet : on utilise, mais on fait attention. En quelque sorte, c’est une bonne conscience appliquée au principe de précaution. C’est toute l’ambivalence de nos attitudes humaines qui est présente dans ce terme. Plus encore c’est aussi un simple effet de langage et de mode, ce que l’on appelle les « éléments de langage » qu’il convient d’employer en société…

 

8 – Effet environnemental de la consommation des moyens numériques et informatiques. L’impact du numérique sur l’équilibre énergétique et écologique de la planète

La question de l’effet environnementale de la vie humaine devrait pourtant se poser autrement que dans la division entre l’humain et la nature, car l’humain est un élément de la nature, mais avec cette particularité qu’il est en situation de domination par rapport à toutes les autres formes de vie sur terre. Il convient dès lors de chercher à savoir dans quelle mesure une « invention technique » transforme l’ensemble du monde naturel et bien sûr l’humain lui-même. L’informatique et les moyens numériques s’inscrivent dans la continuité de ces questions de cette relation difficile. La rapide généralisation de l’informatique et la massification numérique ont apporté des transformations multiples. L’étude de l’impact de ces transformations ne peut se limiter à la fameuse empreinte carbone qui n’en est qu’une partie. Si nous considérons que nous ne sommes qu’un élément de l’environnement, alors il faut aussi prendre en compte les effets sociaux, économiques, psychologiques….

 

9 – Déshumanisation par remplacement par des robots. Le risque de déshumanisation de nos sociétés du fait du remplacement de l’humain par des robots et des technologies de la distance

Depuis « les temps modernes » de charlot jusqu’aux robots humanoïdes qui nous sont proposés actuellement, il y a une idée fondamentale qui est celle du « remplacement » de l’humain par la machine. Certains ont déjà prédit cela pour les tâches physiques répétitives, désormais c’est aussi le cas pour les tâches plus intellectuelles. Ce qui est sous-jacent à ces évolutions, c’est une forme de déshumanisation, c’est-à-dire que la relation à la machine pourrait être première par rapport à la relation entre humains. Cette peur n’est certes pas nouvelle, mais elle va tendre à s’amplifier avec l’évolution des savoirs techniques dans ce domaine. La robotique peut aussi bien se concevoir au service de l’humain que contre lui. Le test de Turing fait, en cette fin d’année 2022 l’objet d’attention renouvelée du fait de l’apparition d’automates conversationnels de plus en plus puissants. Ai-je affaire à un humain ou non ? Nombre d’activités sont interrogées par ces évolutions liées à l’automatisation et la robotisation des activités.

 

10 – Déploiement de l’Intelligence artificielle. Le déploiement de l’Intelligence artificielle peut inquiéter du fait de sa puissance

Le retour de l’intelligence artificielle dans l’espace publi et médiatique s’accompagne des mêmes débats que plus largement les technologies. Cependant, la particularité est cette « boîte noire » symbolisée en particulier par le deep learning. Le déplacement vient du fait que l’algorithme de ce deep learning génère une forme de raisonnement (et de comportement) non prévisible par le programmeur. C’est ce qui accentue le côté magique mais aussi les craintes qui s’expriment. Tâches complexes comme la traduction, la reconnaissance optique, etc… viennent s’ajouter à la panoplie portée par l’Intelligence Artificielle et enrichir l’imaginaire machinique des humains : je ne comprends pas la machine, elle me fait peur.

 

11 – Productivité humaine et pénibilité numérique. L’augmentation de la productivité humaine crée une pénibilité numérique liée aussi à l’accélération

Le progrès technique s’est accompagné, du fait en particulier de l’industrialisation, d’une augmentation de la productivité humaine en permettant d’alléger l’humain de certaines tâches en les remplaçant par des machines. Ainsi, la pénibilité de certains métiers s’est trouvé transformée grâce ou à cause de l’évolution des techniques. D’une part, certaines tâches pénibles ont pu disparaître ou s’amoindrir, et, d’autre part, certaines tâches fondées sur les moyens numériques ont révélé de nouvelles pénibilités : travail devant des ordinateurs, accélération des processus et des tâches, etc… On a pu parler des problèmes visuels, mais aussi musculaires, attentionnels, etc…. qui sont autant de perturbateurs des activités traditionnelles de l’humain. L’utilisation intensive des moyens numériques touche aussi bien la sphère professionnelle que la sphère privée et sociale. Transformations multiples aux conséquences parfois imprévues, comme ce que l’on a commencé à entrevoir lors de la crise sanitaire.

 

12 – Tracking et surveillance des personnes.Le développement du tracking et de la surveillance des personnes peut amener à une société sous contrôle (mais de qui ?)

La crainte d’être surveillé n’est pas non plus nouvelle, les archives de certains services secrets en sont la preuve avant même que la NSA américaine ne soit mise en question. La Commission Informatique et Liberté (CNIL) a, dès 1978 été créée pour justement envisager la relation entre les humains et les technologies de l’information et de la communication. La loi de 1978 dans son article premier exprime ainsi l’objet : « L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.  » Depuis cette loi a été modifiée enrichie, encore récemment en lien avec le RGPD européen et il est probable que des réajustements auront lieu en fonction des jurisprudences qui seront effectuée. Ainsi en est-il de la vidéo-surveillance qui est souvent contestée mais qui semble être largement utilisée dans certains pays. Plus finement, la surveillance invisible, par des moyens informatiques se généralise pourtant (cookies et autres logiciels de traçage) et la peur de cette nouvelle forme de surveillance ne peut être négligée.

 

Et pour conclure

En conclusion de la présentation de ces deux approches nous refusons de les opposer. Elles sont les deux faces d’une même problématique qui dépasse l’école et qui s’inscrit dans l’ensemble de la société. On pourra trouver des éléments pour poursuivre la réflexion en lisant les travaux de Hartmut Rosa sur la résonance et la pédagogie qui l’accompagne (Pédagogie de la résonance, Le Pommier 2023). Cet auteur nous amène à repenser nos relations avec les autres humains, mais aussi avec notre milieu que nous espérons pouvoir contrôler et maîtriser. C’est dans ce cadre théorique qu’actuellement, je développe mes réflexions et analyses.

Annexe : les intitulés de chacune des propositions de réflexion et d’action

Reproches et oppositions

  • 1 – Trop d’écrans ? Que penser de 3 – 6 – 9 – 12 ? Limiter la consommation d’écrans en faisant référence au cadre de « 3 – 6 – 9 – 12 » (Académie des Sciences 2013)
  • 2 – Quels écrans ? Vidéos, Réseaux Sociaux, etc… Éviter la domination de certains écrans susceptibles d’être addictifs : Vidéos, Réseaux Sociaux, etc…
  • 3 – L’expression de soi et des autres en ligne : extimité ? Limiter l’expression de soi et des autres en ligne : éviter l’extimité ?
  • 4 – La parole en ligne : quelle valeur, quelle force ? La parole en ligne est-elle contrôlable : quelle valeur, quelle force a un propos ?
  • 5 – La « cyber violence », le cyberharcèlement et autres : une autre parole. Le développement de la « cyber violence », et du cyberharcèlement s’impose comme un norme du discours public.
  • 6 – Les ondes, wifi, 4G, 5G. Les ondes, wifi, 4G, 5G. sont parfois considérées comme mauvaises pour l’humain
  • 7 – La question de la sobriété numérique. La question de la sobriété numérique est à prendre en compte
  • 8 – Effet environnemental de la consommation des moyens numériques et informatiques. L’impact du numérique sur l’équilibre énergétique et écologique de la planète
  • 9 – Déshumanisation par remplacement par des robots. Le risque de déshumanisation de nos sociétés du fait du remplacement de l’humain par des robots et des technologies de la distance
  • 10 – Déploiement de l’Intelligence artificielle. Le déploiement de l’Intelligence artificielle peut inquiéter du fait de sa puissance
  • 11 – Productivité humaine et pénibilité numérique. L’augmentation de la productivité humaine crée une pénibilité numérique liée aussi à l’accélération
  • 12 – Tracking et surveillance des personnes.Le développement du tracking et de la surveillance des personnes peut amener à une société sous contrôle (mais de qui ?)

Nécessités et choix

  • 1 – Rechercher et trouver et évaluer une information
  • 2 – Évaluer les informations recueillies dans les espaces de partage de toutes natures
  • 3 – Connaître les éléments techniques sous-jacents aux pratiques numériques ordinaires
  • 4 – Participer à l’espace social enrichi et élargi par les moyens numériques
  • 5 – S’exprimer et élaborer des contenus pour les partager
  • 6 – Développer son potentiel d’autoformation en utilisant les ressources accessibles
  • 7 – Participer à des débats, des controverses, et construire des argumentations
  • 8 – (Se) définir un cadre éthique, déontologique, dans les usages personnels et professionnels du numérique
  • 9 – Reconnaître la variété des écrans qui nous sont imposés ou que nous utilisons et leurs attractivité
  • 10 – Comprendre la notion de progrès et de développement au travers de l’évolution de l’informatique et du numérique
  • 11 – Comprendre les enjeux économiques et industriels qui sont sous-jacents au développement technique du numérique
  • 12 – Connaître et maîtriser l’impact éco-environnemental des pratiques personnelles du numérique
  • 13 – Ne pas abandonner la jeunesse au monde informationnel sans les outiller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.