Quelques fonctionnalités techno-pédagogiques pertinentes ?

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L’observation et l’étude des usages des technologies de l’information et de la communication en contexte éducatif et plus particulièrement scolaire amène à dégager quelques fonctionnalités qui sont de plus en plus souvent requises par les usagers « ordinaires et avertis ». Ces usagers ne sont pas des personnes fascinées par les technologies, mais des personnes qui tentent de trouver des manières de faire qui leur semblent pertinentes en regard des situations rencontrées. Ce ne sont pas ce que l’on appelle souvent des « innovateurs », ils ne le revendiquent pas d’ailleurs, mais ce sont « les artisans du quotidien » ceux qui font que, progressivement, les pratiques changent et les usages s’installent.
Une fonctionnalité techno-pédagogique est une action permise par la technique employée dans un contexte donné et qui s’associe, de manière jugée pertinente par ses utilisateurs, à des pratiques pédagogiques ou didactiques. Lors d’entretiens et de rencontres avec des enseignants, il est souvent arrivé qu’ils évoquent ou qu’ils témoignent de ces « manières de faire ». Pas forcément contournement ou détournement, il y a là une sorte de socle possible pour la définition d’un cahier des charges d’usage, qui va au-delà des fonctionnalités techniques, mais qui prend en compte ce que souvent l’on ne fait pas, le lien entre fonctionnalité technique et fonctionnalité pédagogique (ou fonctionnalité contextuelle). Ce que l’on observe c’est que en premier lieu les fonctionnalités exprimées le sont dans le cadre de l’activité en place et sont appelées : « un outil », « un plus ». Sans discuter des termes, cela veut simplement signifier, et certains le soulignent, qu’ils pourraient faire sans, mais qu’avec c’est un peu différent, voire un peu mieux (au sens large et polysémique du terme). A un autre extrême, on entend parfois certains utilisateurs avancés aller à la recherche du « toujours plus ». Sentiment parfois d’une fuite en avant, ou d’un décalage avec l’actualité technologique médiatisée, le moteur de ces utilisateurs est l’avancée constante si ce n’est le progrès (mais là il faudrait préciser le terme et ses acceptions).
Ce sont donc les pratiques « ordinaires » ou en voie « d’ordinarisation » qui nous intéressent ici. Si elles supposent des infrastructures solides (cf. notre chronique n°31 du café pédagogique) et on sait que c’est une difficulté, elles supposent aussi que chacun puisse trouver dans l’environnement les éléments qui articulent infrastructure et pratique pédagogique. C’est d’ailleurs souvent cela qui est reproché aux ENT qui n’abordent qu’une partie du problème (quoiqu’en disent leurs concepteurs) et pour qui la pédagogie est plus souvent un problème qu’une solution (si tant est qu’il y en ait). En tout cas, le responsable d’établissement, et plus généralement les décideurs pourront trouver ici de quoi alimenter leur réflexion. Ni exhaustive, ni chronologique, ni hiérarchique la liste qui suit est un début à prolonger, enrichir et discuter bien sûr :
1 Produire ses propres documents, ressources, supports
En enseignement un des points essentiels de l’activité est la « production ». Que ce soit l’élève ou l’enseignant, ou encore les institutions et entreprises du secteur, chacun produit. Mais dans la classe, l’enseignant souhaite pouvoir fabriquer facilement ses « livres » (comme certains les nomment), ses textes, ses reportages multimédia, audio, vidéo etc… Le besoin d’avoir à sa disposition des logiciels/apps simple et de qualité est essentiel. Le succès du logiciel de Préao (Présentation Assistée par ordinateur), celui du traitement de texte sont une base incontournable. Les outils de « création de livre » sont présents depuis longtemps, mais leur accessibilité n’est pas toujours au rendez-vous. Ils doivent associer production et intégration de ressources externes de toutes natures, permettant de faire aussi de l’assemblage. Si des produits courants existent, ce que les enseignants souhaitent avoir c’est un produit qui leur permettent ainsi qu’aux élèves une production rapide et simple intégrant le potentiel multimédia passant d’un poste fixe à un TPMC (Terminal Personnel Mobile Connecté), et ce sans aller sur une application en ligne (problèmes d’infrastructure réseau/wifi trop souvent négligée)
2 Transmettre de l’information d’un terminal vers l’autre
Dans l’espace scolaire, la circulation de l’information est une base incontournable. Chacun doit pouvoir mettre à disposition des autres les documents et ressources qu’il produit, qu’il rassemble, qu’il assemble. Quel que soit le vecteur de circulation, il faut que l’auteur du produit puisse « décider » des accords de droit d’utilisation de son travail. La présence très fréquente d’utilisation de services grand public en ligne de partage et de diffusion montre qu’aujourd’hui les utilisateurs ont pris des habitudes de cette circulation, souvent associée aux réseaux sociaux chez les jeunes en particulier, moins chez les enseignants peu enclins à aller sur ces espaces ouverts.
Plus simplement au sein de la classe, faire circuler un document entre les membres de la classe et au-delà est essentiel. On me dira que cette fonctionnalité existe dans la plupart des ENT ou des logiciels de cahier de texte. Et pourtant on sent bien que ces solutions sont imparfaites (même si parfois le logiciel de cahier de texte est détourné pour cela).
3 Travailler à plusieurs sur le même document
Le travail collaboratif est le maître mot de ces dernières années (repris dans la note d’information de la DEPP du mois d’avril 2014) en matière de qualité des apprentissages. Et pourtant, comme le montre Jean Houssaye dans son dernier ouvrage sur la pédagogie traditionnelle, on est loin du compte. Travailler à plusieurs sur le même document c’est assez simple et pourtant c’est indispensable dès lors que l’enseignant veut faire faire une synthèse à la classe à partir de documents composites réalisés par les élèves eux-mêmes ou simplement rassemblés. Passer de mon travail personnel au travail collectif est un des enjeux essentiels de l’évolution des pratiques pédagogiques qui s’appuient sur les moyens numériques, alors il faut que ceux-ci le rendent simplement accessible. Nombre d’expérimentations menées ne parviennent pas à essaimer dans le paysage pédagogique, car ces pratiques sont encore éloignées de la forme pédagogique alors qu’elles sont habituelles chez nombre de jeunes qui travaillent en projet. Quand c’est au sein de la classe, on voit l’intérêt de cette fonctionnalité.
4 Communiquer à l’intérieur d’un cercle défini d’utilisateurs
Nombre d’enseignant continuent d’échanger pas messagerie électronique avec leurs élèves. Plusieurs utilisent aussi des réseaux sociaux. D’autres enfin s’en tiennent à l’ENT. Mais ce qui est demandé c’est surtout de pouvoir rapidement et simplement échanger au sein d’un groupe constitué, en direct ou en différé. L’apparition de la fonctionnalité « réseau social » dans certains ENT montre que cela est entendu, mais à la mise en oeuvre on sent bien qu’il y a encore des lourdeurs. Au sein de la classe, on voit bien que dans la suite de l’item précédent, la communication entre usagers (présents ou à distance) est un besoin. Mais dans la forme pédagogique, l’interaction reste souvent réduite et assimilée à du bavardage…
5 Afficher un document pour qu’il soit visible par tous
Pendant longtemps l’ordinateur a porté la marque de l’outil individuel. Avec sa mise en réseau et l’arrivée des TPMC, autour du wifi, le besoin de passer aux échanges s’est affirmé. Le déploiement des vidéoprojecteurs (voire des TBI), a montré qu’ils étaient « bienvenus » dans les salles de classe. Mais avec le déploiement des tablettes, chacun se retrouve devant son écran et n’a pas forcément l’attirance vers le tableau. Nombre d’enseignants souhaitent pouvoir afficher le travail individuel de chaque élève selon les besoins de la classe (en lien avec les deux précédents items). Si des solutions existent, certaines sont très compliquées et peu performantes. Il manque nettement un standard qui permettrait à chaque machine, qu’elle qu’elle soit de s’afficher sur le vidéoprojecteur de la classe (en passant ou pas par un ordinateur relais si nécessaire). On peut même estimer que cela peut permettre une production collective sur grand écran à partir d’écrans individuels
6 Piloter les usages du terminal de chacun des participants
Les MDM (Mobiles Device Manager, logiciel de pilotage de parcs de TPMC) sont issus à l’origine des services informatiques qui gèrent des « flottes » de machines et qui veulent simplifier les tâches de suivi et de maintenance. Avec leur arrivée dans les salles de classes (rappelons ces salles informatiques pilotées par logiciel maître) deux axes se sont développés : le contrôle/surveillance d’une part, la dynamisation pédagogique d’autre part. Dans le premier cas il s’agit simplement de mettre en place un processus disciplinarisant dans les machines. Dans le deuxième cas, il s’agit de faciliter les tâches de gestion de groupe classe, sans perdre les qualités pédagogiques de base. Cela va de l’échange de fichiers, de documents à l’échange de messages, en passant par l’installation de logiciel adapté, sans compter les possibilités d’échanges de toutes natures entre postes. (on se rappellera certaines fonctionnalités des nanoréseaux des années 1980 qui avaient déjà proposé cela). Dans la salle de classe, les possibilités offertes par ces produits vont de la préparation de cours puis diffusion, à la gestion des travaux des élèves en classe et à distance.
7 Accéder à des ressources de toutes natures
Lorsqu’un élève cherche une information, il va d’abord sur Internet avant d’aller voir dans les livres nous disent les enseignants documentalistes. De fait les livres sont difficiles d’accès, même dans un établissement scolaire, lorsqu’ils ne sont pas numérisés. De plus les achats d’écrans ont désormais remplacé les achats de livre chez nombre de contemporain, à domicile, qui ont rapidement compris la différence de coût !!! De plus les livres limitent l’information au texte et à l’image fixe, la photo. Or la culture s’est enrichie de pratiques multimédia, transmédias diront certains, et les élèves perçoivent bien ce décalage. C’est au moment où on en a besoin qu’une ressource doit être accessible, sans trop bouleverser l’organisation du travail. Désormais, lorsqu’une ressource est souhaitée, chacun s’empresse d’aller vers le vecteur le plus proche de lui. Cela suppose qu’en amont on prévoit cette disponibilité. Aller consulter une ressource n’est plus synonyme de déplacement au CDI (ou CCC) et de même aller dans ce lieu ce n’est pas accéder uniquement à des ressources c’est aussi travailler différemment que dans la salle de classe.
8 Gérer un stockage de ressources commun
Dans la suite de plusieurs points vus précédemment, la demande de stockage commun est apparue récemment. On parle souvent de « nuage » (Cloud), mais peu importe le moyen, ce qui importe c’est le stockage et sa gestion au sein d’un groupe classe, de plusieurs classes, d’un établissement. Lorsqu’un élève déclare qu’il est content que l’on sauvegarde les pages du TBI rédigées en classe, c’est bien qu’il souhaite pouvoir, comme l’enseignant d’ailleurs y retourner. Les ENT permettent certes des gestions de ressources, mais, pour des raisons de place, sont souvent limités. De plus c’est la gestion de ces ressources et la souplesse pour y accéder qui fait encore problème. De même si on pense l’établissement scolaire comme un lieu de connaissance collective, on peut se demander pourquoi les enseignants documentalistes ne récupèrent pas davantage de ces documents produits dans les classes pour les mettre à disposition des élèves. Cela passe le plus souvent par la relation directe prof/élève.
S’engager vers l’établissement scolaire, « lieu d’intelligence collective » pourrait s’enrichir d’une étude plus avancée de ces fonctionnalités techno-pédagogiques. On sent bien que la montée en puissance des ressources sur Internet amène inéluctablement à repenser la gestion de l’information communication dans l’établissement. Les ENT ont voulu circonscrire l’espace  scolaire, l’idée est aujourd’hui mise à mal. D’encadrement, ils doivent devenir fédérateurs, pas intégrateurs, surtout avec l’arrivée de plus en plus fréquente des équipements personnels des élèves dans l’établissement. Le risque à ne pas y réfléchir dès maintenant est de voir les élèves et les étudiants migrer vers d’autres plateformes ouvertes. Les Moocs ont donné le signal de départ, les classes inversées le prolonge, il est temps de repenser notre forme scolaire, décidément…
A suivre, enrichir et à débattre
BD

2 Commentaires

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  1. Faciliter ainsi les méthodes d’enseignement permet d’avoir plus de poigne dans la mise en oeuvre des programmes scolaires et au finish, on a une plus grande réussite des enfants.

    1. Mais quelle réussite ?

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