Des smartphones, ils en ont, alors on les utilise…

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Impressionnant le nombre d’enseignants qui déclarent inviter leurs élèves à utiliser leur téléphone portable (ou plutôt leur smartphone) en classe. Alors que le téléphone mobile est interdit dans la loi  » Article L511-5  Créé par LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 – art. 183 (V) : « Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite. » Le site du service public précise cependant que « À l’école et au collège, l’utilisation du téléphone portable pendant les heures de cours est interdite. L’élève ne peut donc pas l’utiliser ni en remplacement de sa calculatrice, ni pour consulter. Il pourra le faire pendant les heures d’interclasse ou de récréation, sauf mention contraire du règlement intérieur. » (http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F21316.xhtml consulté le 22 octobre 2014). Rappelons ici que pour le lycée, c’est le règlement intérieur qui fait foi.
Ici, à l’inverse de la démarche BYOD (Bring Your Own Device) traduite par AVAN (Apportez vos appareils numérique), il ne s’agit d’inviter les élèves à apporter leur matériel, mais plutôt de constater qu’ils l’amènent, malgré les règlements. Du coup les acronymes proposée ne conviennent pas. Ils Vivent Avec Leurs Appareils Numériques (IVALAN) semble plutôt être le cas. Ce fait, qui n’est pas nouveau est cependant une question qui interroge chacun dans sa pratique, mais aussi l’institution académique dans sa globalité.
On ne peut que constater que nombre d’enseignants enfreignent la loi en faisant utiliser l’appareil photo du téléphone mobile de leurs élèves, encouragés parfois même par des inspecteurs. A moins que la loi, mais ce n’est pas précisé, limite l’interdiction à la fonction téléphonique. Ou alors que la loi s’applique pour les téléphones mobiles, mais pas pour les smartphones, non indiqués dans une loi qui a déjà plus de quatre années au cours desquelles les choses ont bien changé. Pour le téléphone mobile et smartphone, 90% des 12/17 ans sont équipés en 2013. Pour les smartphone les équipements changent rapidement puisque on passe de 17 à 39% de la population de plus de 12 ans équipée personnellement en 2013. Cette loi a été édictée suite au Grenelle de l’Environnement et vise à protéger les enfants des ondes. Il est vrai que l’on peut penser que seule l’utilisation en locale serait autorisée dans la classe.
Quatre types d’utilisations du smartphone se développent au sein des établissements : sécuritaire, communicationnelle, informationnelle, scolaire.
La pratique sécuritaire est celle qui justifie l’interdiction de confiscation puisqu’il s’agit de permettre à l’enfant de prévenir ou d’être prévenu en cas de difficulté. La pratique communicationnelle est typique de la pré adolescence et de l’adolescence qui apprécie le groupe de pairs et qui souhaite échanger avec eux aussi bien en présence qu’à distance, dans une sorte de continuité relationnelle. La pratique informationnelle est celle qui consiste à conserver des traces sur son smartphone : traces de navigations sur internet, trace d’activités diverses à l’aide de l’appareil photo, de l’enregistreur. Ainsi certains élèves n’hésitent plus à photographier un tableau, un travail pour ensuite le réutiliser. La pratique scolaire est celle qui nous amène à cette réflexion. En effet c’est la pratique initiée ou proposée par l’enseignant. Elles sont variées et s’articulent en général bien avec une activité ordinaire de la classe à laquelle elles apportent un plus.
Ce que les équipes redoutent le plus, ce sont les usages clandestins, en particuliers communicationnels. Et dans ce domaine il faut distinguer les usages sur temps de classe et les usages hors temps de cours, en CDI/CCC ou, en particulier, en internat. Dans ce dernier cas, certains responsables ont véritablement élaboré des projets d’usage riches et variés, en réponse à des usages clandestins difficiles, voire impossibles à contrôler. D’ailleurs les témoignages parlent de rapport de confiance avec les jeunes dans le cadre d’un accompagnement dialogué. Une émission de curiosphère de 2010 montrait ce qu’il en était dans un lycée de Monistrol du Loire. On y relevait la description d’usages clandestins en cours, mais pas d’usage incités. Nous avons donc bien une réelle évolution dans les pratiques. Nous passons progressivement à des pratiques intégrées au cours qui semblent d’ailleurs générer une diminution des pratiques clandestines.
Les pratiques qui se développent dans les classes sont assez riches et variées. Elles sont assez similaires selon que l’on a des smartphones ou des tablettes personnelles ou que l’on confie aux élèves des tablettes. Voici un aperçu de plusieurs de ces « manières de faire ».
– enrichissement de situations habituelles : recherche de définitions, traductions, références, utilisation de la calculatrice, de la fonction MP3, photos de travaux pour les élèves absents et ensuite déposés sur le cahier de texte numérique ou envoyés par mail.
– Pratiques d’enquêtes ou de recherche d’information, suivi de traitement et présentation (à l’instar de l’exposé)
– Traces de l’activité sous forme multimédia, audio, photo, vidéo
– Créations de contenus – reportages, courts métrage, animations, présentations, frises chronologiques enrichies…
– Analyse de situation et problématisation – à partir d’une situation, repérage de moments importants stockés sous forme de vidéo ou de photo donnant ensuite lieu à production et présentation à l’enseignant ou au groupe
– Communication hors la classe – travail en lien avec d’autres classes sous forme de défi, de travail collectif ou collaboratif, entraînement à l’expression orale et à la compréhension, ainsi qu’à l’écrit
On remarque que quelques écueils se dressent pour certains de ces usages : en premier lieu lorsqu’Internet est nécessaire, il faut que la connexion soit de bonne qualité (wifi, 4g) et non couteuse pour les élèves; ensuite, il est toujours important de pouvoir projeter le travail des élèves depuis leur appareil. Pour l’instant les solutions techniques sont encore peu standardisées mais elles se développent; Enfin on propose aux usagers de ces smartphones et tablettes de préférer les applications qui travaillent en locale à celle qui exigent des connexions à Internet ou encore les applications en ligne. En effet c’est la connexion qui pose le plus de problèmes de disponibilité et de rayonnements radioélectrique, de plus lorsque l’on utilise le smartphone dans des sorties hors de l’établissement, les connexions sont parfois difficiles à établir.
Désormais, il semble que nous ayons passé un cap. Même si une part de ces activités peuvent sembler illégales, ou tout au moins en bordure des règles, on s’aperçoit qu’il devient urgent de repenser les règles générales mais aussi les règlements intérieur. Faut-il totalement légiférer et encadrer ces pratiques ? Je ne le pense pas. En effet, nous assistons là à l’émergence de pratiques spontanées issues de pratiques sociales qui rencontrent des pratiques scolaires et à ce titre permettent au jeune de comprendre le lien, la continuité, mais aussi les limites des usages en contexte scolaire et en dehors. Or ces pratiques sont un signe de « bonne santé » du corps enseignant qui, loin des cénacles et autres célébrations de l’innovation ou autre, mettent en oeuvre des pratiques ordinaires (ou pas) qui correspondent à de véritables besoins éducatifs. Il nous faut espérer que l’institution saura profiter de ce mouvement pour ne pas le scolariser et ainsi renvoyer ces pratiques à des règles, des normes qui pourraient être ressenties comme venues d’en haut, alors que là, elles émergent réellement de questionnement quotidiens.
A suivre et à débattre
BD
PS merci aux enseignants qui ont témoigné et expliqué leurs pratiques

4 Commentaires

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  1. Bonjour. Il faut y ajouter l’utilisation des nombreux capteurs présents dans l’appareil : accéléromètre, gyroscope, capteur de champ magnétique, caméra et microphone qui peuvent être utilisés pour de nombreuses activités scientifiques. D’autre part, de plus en plus de capteurs externes (dont des thermomètres et des voltmètres) peuvent être également reliés à l’appareil par le port USB du smartphone ou connectés par wifi, celui ci ayant pour but de stocker et d’afficher les données recueillies et devenant de la sorte un système d’acquisition à bas coût.

    • Charles C. sur 29 octobre 2014 à 21:20
    • Répondre

    Pendant deux années, j’ai enseigné dans un collège de ZEP où effectivement les smartphones étaient plutôt abondants… A tel point que quand on en confisquait un (je sais c’est mal) certains élèves en avaient un autre le lendemain.
    Mais sorti de cet établissement, avec maintenant mes élèves « normaux » (qui suis-je pour parler de norme ?), l’usage des smartphones n’est pas aussi répandu. Croyez-vous normal qu’on puisse/doive exiger des élèves qu’ils friment avec leur bidule tout-puissant et participent « de façon innovante » au cours, devant ceux qui n’ont qu’un bête téléphone qui téléphone, point ?
    Le smartphone est à l’élève ce que la décapotable de sport ou le soutien-gorge amplifiant est à l’adulte : un moyen puéril d’en imposer, de faire croire qu’il existe, qu' »il en a ».
    En réponse au titre de votre article : NON, ils n’ont pas tous un smartphone.

    1. NON je n’ai pas dit tous !
      Par ailleurs la possession de biens technologiques dans notre société est un marqueur social auquel peut de gens résistent, c’est d’ailleurs ce que les commerçants souhaitent. Que doivent alors faire les éducateurs ? S’il ne s’agissait que de frime, cela ne se traduirait pas par ces usages, adultes et jeunes, si intensifs.
      Il est hors de question d’imposer cet usage tout comme il est hors de question de l’ignorer. Et c’est ce qui rend la tâche de l’éducateur encore plus difficile.
      B Devauchelle

  2. On ne peut pas dire « le smartphone, c’est mal » et simultanément équiper des départements entiers de tablettes. Le smartphone est clairement une plate-forme de convergence pour l’équipement numérique des élèves et comme 100% ou presque des élèves en seront équipés, c’est pour l’EN une plate-forme à terme gratuite. L’interdiction du smartphone à l’école tient avant tout du conservatisme et de l’ignorance, comme l’a été l’interdiction du stylo BIC et de la calculette – et avec le même succès. Ce que devrait imposer l’EN aux constructeurs, elle en a la puissance, c’est la désactivation des fonctions potentiellement perturbantes du smartphone à l’école par géolocalisation. Impossible d’émettre un appel, impossible de recevoir de la pub, d’aller sur certains sites, désactivation de certaines fonctions et activation forcée de certaines autres, etc… dès lors qu’on est dans l’enceinte de l’école.

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