Informatique et société numérique : un raté gouvernemental

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La création d’un module informatique et société numérique dans la réforme de la classe de seconde a de quoi satisfaire tous ceux qui souhaitaient une impulsion dans ce domaine. Même si des débats continuent d’agiter la communauté sur l’opportunité d’un tel enseignement, c’est un signal pour le lycée. Malheureusement cette option n’appartient qu’au parcours scientifique !!!
Michel Serres déclarait récemment qu’en opposant littéraires et scientifiques on créée des hémiplégiques intellectuels. Ce même Michel Serres dans sa conférence pour l’anniversaire de l’INRIA démontrait brillamment comment l’ordinateur était en train de devenir notre cerveau extérieur. Mais il ne disait pas seulement le cerveau des scientifiques.
N’apprenant rien du passé, le ministère oublie que l’option informatique avait été supprimée pour cause d’élitisme (les jeunes qui choisissaient cette option étaient ceux qui avaient le plus de chance de réussite scolaire) et remet donc cette option dans les sections à forte image élitiste. Non seulement il oublie cette dimension sociale, mais aussi il oublie que ce qui est en train d’advenir c’est une vie globale « environnée » de numérique et non pas un monde informatique.
Certes on reconnaîtra dans ce module la marque de la demande professionnelle d’une formation scolaire à l’informatique pour attirer des jeunes vers ces filières professionnelles (cf le rapport Syntec et la mission E éduc) en désaffection auprès de nombreux jeunes qui y voient un secteur trop volatile et peu en accord avec leurs aspirations sur l’informatique. Rappelons nous les jeunes qui choisissaient mécanique pour réparer leurs « brèles » (motocyclette) et qui faisaient l’étau limeur (mécanique générale) et les déceptions que cela engendrait. L’image (la représentation sociale) des métiers rejaillit fortement sur les choix possibles des jeunes. Si la formation scolaire créée une image du métier qui déçoit les jeunes, on entendra encore pendant longtemps les professionnels du secteur déplorer le désamour pour ces métiers (dont ignore souvent qu’ils font l’objet de départements universitaires – il existe des licences d’informatique à l’université – et pas seulement des BTS, des écoles d’ingénieur ou des IUT)
Mais où est donc passée cette ambition d’intégrer réellement la dimension culturelle nouvelle induite par le numérique dans le lycée ? Les enseignants documentalistes pourront eux aussi être très surpris de ce choix dicté par des intérêts professionnels plus que par un véritable souci de développement d’une culture numérique (appelée aussi digital litéracy, eCulture ou numéritie).
Quant au B2i lycée, est-il encore d’actualité ? Seule véritable chance de rendre transversale la question numérique (et de sa place réelle dans la société) et donc de lui donner une place réelle, le B2i n’apparaît à aucun moment dans cette réforme et encore moins dans les propos du ministre. De fait ce n’est pas l’enthousiasme du monde scolaire pour cet « étrange » objet qui peut donner du courage à un ministère….
Il nous faut rappeler ici notre conviction que la « culture numérique » est essentielle, au coeur du socle commun, mais qu’il faut encore y travailler et pas seulement en donnant des satisfecit à quelques groupes de pression. Mais bien plutôt en abordant la question sous la forme : comment le système scolaire et universitaire peut participer à l’acculturation numérique des jeunes et ainsi être fidèle à la mission d’un système éducatif qui est d’émanciper et de rendre autonome et conscients des jeunes qu’on lui confie. En laissant l’informatique prendre la place que l’on veut lui donner au lycée, on risque de réïfier l’objet en le scolarisant, de techniciser la pensée du numérique, au lieu de permettre à des jeunes d’en comprendre les réels enjeux. Mais peut-être que de nombreux adultes croyant être eux-mêmes au clair avec ces questions pensent que cela suffit…
A débattre
BD

3 Commentaires

2 pings

    • Guillaume Touzé sur 22 octobre 2008 à 15:29
    • Répondre

    Je voyais plutôt ce module dans les enseignements généraux ( du temps où ils étaient modulaires…) ou du moins dans la famille « sciences de la société », avec une forte composante de culture informationnelle. Un module CTIC…
    On peut lire sur le sujet : http://www.facebook.com/home.php?ref=home#/note.php?note_id=32459266730
    Quand au B2i, tant qu’on n’en parle pas, il reste, non?

  1. Le texte du ministère est explicite sur ce sujet.
    Les propositions d’Olivier le Deuff sont intéressantes. J’espère que nous aurons l’occasion d’échanger en faisant du lien entre TIC/info-doc et culture numérique dans le contexte académique
    Pour ce qui est du B2i, il n’est pas effacé, mais où en parle-t-on maintenant au lycée et dans la réforme ? Dans l’allusion aux ENT ?
    De nombreux dispositifs ont disparu sans être jamais réellement supprimé, mais simplement en étant enfoui sous d’autres… cf la mise à niveau informatique en seconde… créée à la rentrée 1999
    Bruno Devauchelle

    • Christophe sur 25 octobre 2008 à 11:41
    • Répondre

    Bonjour,
    je suis professeur en génie électrique, nous sommes surpris de voir ce module apparaitre pour les sciences. L’informatique à toujours eu un support la gestion, les maths, les sciences, la technologies » sciences de l’ingénieur » en pré bac ou post bac. Actuellement l’informatique est présentée et utilisée pour l’option IGC, l’informatique est utilisée et présentée par la MPI. Mais là on se cantonne a un peu beaucoup de bricolage…Le monde du numérique ce sont les espaces numérique de Travail (ENT) tel la plate forme CMS, pour nôtre part nous avons développer dans L’option Informatique et sytèmes de Production un module d’initation au ENT, les élèves ou même les professeurs peuvent créer un portail CMS. Les Portails CMS ou ENt ne sont pas une suprise ou une découverte pour les professeurs STI. Celà fait déjà plusieurs années qu’ils sont utilisées. Les rencontres TICE académique de la semaine dernière l’on bien démontré. Alors pourquoi démolir des années de travail d’équipe pédagogique STI pour réinventer des choses qui existe déjà celà manque sérieusement de concertation.

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