De l'enseignement à l'apprentissage, de l'apprentissage à l'autodidaxie

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L’une des évolutions les plus importantes que porte le développement des usages des TIC dans toutes les sphères de la société concerne le rapport au savoir. En 1989, la loi d’orientation mettait l’élève au centre de l’école. On voyait ainsi au cours des quinze années qui ont suivi se développer une réflexion général pour le passage du paradigme de l’enseignement à celui de l’apprentissage (Michel  Develay   De l’apprentissage à l’enseignement ESF – Pédagogie/Recherche 2004), appuyé par un développement des TIC (Intégrer les nouvelles technologies de l’information. Quel cadre pédagogique ? Jacques Tardif, ESF, 1998,).
Le rapport au savoir, questionné par toutes les évolutions de la société, est au centre de travaux qui vont de Joffre Dumazedier (vers une civilisation des loisirs, Seuil, 1962) à Philippe Carré (L’apprenance, vers un nouveau rapport au savoir Dunod 2005) et qui prolonge la question initiale en proposant non seulement de réfléchir sur la dimension scolaire de l’apprentissage, mais aussi de réfléchir au parcours d’apprenant que chacun mène au long de sa vie de manière formelle aussi bien qu’informelle et non formelle. La place des TIC est évidemment importante dans ces réflexions, mais pas isolément. En effet c’est aussi les relations au travail, aux autres, à la famille… qui évoluent en même temps.
La question posée actuellement n’est plus celle des structures permettant d’apprendre, mais plutôt celle des sujets dans une société dans lesquelles il est de plus en plus indispensable d’apprendre par soi-même, les systèmes institués étant de plus en plus concurrencés par un environnement de plus en plus riche en sources de toutes natures, et en particulier sans repères qualitatif aisément identifiables. La lecture enrichissante du livre de S Enlart et M. Bénailly, la fonction formation en péril (Editions Liaisons 2008) invite à aller dans ce sens et de réfléchir de plus en plus à la façon dont on peut permettre à chacun de penser son propre apprentissage.
« Ceux qui savent transformer deux clics en un chemin d’apprentissage sont encore peu nombreux » (p.86) nous proposent les auteurs confirmant ainsi leur propos initial concernant la société de la connaissance ne le saura que pour ceux qui disposeront des outils adaptés. Le système scolaire et universitaire sont ils actuellement en mesure de proposer quelque chose qui aille dans ce sens pour la majorité d’entre nous. Il faut bien reconnaître que la réponse reste principalement négative.
Considérons simplement le fait que la compétence « Apprendre à apprendre » qui figure dans le référentiel européen des compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie est absente du référentiel du socle commun de connaissances et de compétences (c’est d’ailleurs la plus flagrante divergence) en dit long sur l’approche française dans ce domaine. Considérons aussi la difficulté de nos établissements scolaires à mettre en place le B2i ou encore le cadre européen des langues et surtout à les intégrer réellement à la certification du diplôme national du brevet (quoiqu’en disent les chiffres…), il y a là des signes peu encourageant.
Il est certain que si l’on a conscience réellement de cette évolution, et si l’on veut garder le pouvoir/savoir, alors il ne faut pas que tout le monde puisse accéder à cette compétence. Rappelons nous Platon et l’écriture et plus tard les questionnements au XIXè siècle sur la diffusion des journaux populaires, ou encore la diffusion des oeuvres de Rabelais à la renaissance au XVè siècle pour nous rendre compte qu’à chaque période la diffusion de l’information en direction du plus grand nombre est source d’inquiétude pour le pouvoir.
Ainsi Internet est aujourd’hui le vecteur d’une interrogation d’autant plus forte que l’on est arrivé au bout (ou presque) du processus de libre diffusion : chacun peut écrire ce qu’il veut et le mettre immédiatement à la disposition de tous. Et alors !!! Voilà que les institutions commencent à mesurer l’impact formidable de ce fait, mais rechignent à penser autrement le rapport au savoir que ce que la période antérieure leur a appris. Il est temps que l’institution éducative réagisse et réfélchise à la figure de l’autodidacte qu’elle va être dans l’obligation de promouvoir au risque de prendre une position que d’aucuns pourront lui contester, d’en haut du pouvoir comme en bas de la rue…
A suivre et à débattre
 
BD

3 Commentaires

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  1. Trop rien à ajouter, sinon que je me repais de cette endurante réflexion jour après jour… Je ne vois pas qu’on puisse piloter l’intégration des TICE depuis le sommet de l’état, je ne vois pas qu’on puisse l’imposer, pas plus que l’interdire… Reste à attendre et espérer que des expériences aient lieu dans le cadre d’une certaine autonomie des établissements, là où la profession voudra bien en prendre son parti

  2. Là où la profession voudra bien…
    De blog à blog, voici mon dernier billet que je partage volontiers avec vous.
    http://lewebpedagogique.com/ostiane/2009/02/24/forum-de-linnovation-educative/
    A bientôt

  3. @Christian : je partage votre point de vue. Mais que signifie TICE ? Je milite pour que le E signifie « expression » car il me semble que les TIC forment des consommateurs et relais d’informations mais pas des producteurs. On ne forme pas des citoyens en mesure d’utiliser les technologies numériques pour s’exprimer. Ce serait une catastrophe si le E signifiait « enseignement ». Retraité depuis dix ans, le collaborateur qui a pris mon relais pour recruter s’est de suite fixé une règle de choix : « je ne demande pas aux candidats ce qu’ils ont appris en classe mais ce qu’il ont appris en dehors du système scolaire de leur propre initiative ».
    « Là où la profession voudra bien ». La profession ne se sent-elle pas au service des jeunes et de la collectivité ? Ne doit-elle pas se laisser piloter par les besoins des élèves et de la communauté qui les accueillera en son sein pour qu’ils y jouent leur rôle en s’y épanouissant ? Bénévole dans une équipe de formateurs, je lutte, y compris contre mon penchant naturel, pour ne pas chercher notre confort au détriment du service attendu. C’est déstabilisant, risqué et demande des efforts permanents… au point que je vais bientôt arrêter.
    JYR

  1. […] De l’enseignement à l’apprentissage, de l’apprentissage à l’autodidaxie L’une des évolutions les plus importantes que porte le développement des usages des TIC dans toutes les sphères de la société concerne le rapport au savoir. En 1989, la loi d’orientation mettait l’élève au centre de l’école. On voyait ainsi au cours des quinze années qui ont suivi se développer… […]

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