Ethique pour TIC (à l'école et plus…)

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La pression monte progressivement. Les questions vont rapidement se poser. On n’y échappera pas. Et pourtant il faudra « faire avec ».
Du quoi parle-t-on ? De l’inexorable envahissement des moyens informatiques dans l’ensemble de la société et donc aussi dans le monde scolaire. Notre propos est ici de repérer, à partir de quelques exemples de cet envahissement, les éléments qui peuvent permettre de donner des repères pour une éthique de la responsabilité de l’éducateur et du responsable éducatif, en particulier dans le contexte scolaire.
Depuis de nombreuses années chaque élève du secondaire se voit doté d’un numéro unique, et plus récemment avec Base élèves premier degré (à cette page des informations complémentaires : http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2877), la BNIE est donc cette base qui permet de suivre chaque élèves sur système informatique. Plus récemment, l’informatisation des services administration scolaire a vu son champ d’application évoluer et se déplacer vers de nouvelles fonctionnalités au delà du suivi des parcours. Parfois intégré aux applications initiales, parfois simplement en lien d’opérabilité, ces applications ouvrent progressivement des perspectives dans le suivi de l’assiduité scolaire, les sanctions, les résultats scolaires (notes), les évaluations (livret de compétences), l’orientation (portfolio)…
Plus récemment, l’émergence du web social (2.0) a mis en évidence la possibilité que chaque jeune, chaque adulte, puisse développer une expression personnelle dans des espaces plus ou moins réglementés et contrôlés. Le développement au sein des applications informatiques « espaces numériques de travail » de possibilités d’expression similaires à celles qui se rencontrent sur le net, ouvre de nouvelles perspectives, parfois reprises dans certains projets plus structurés (portfolio d’orientation, d’apprentissage… par exemple). Certains envisagent même la transposition de réseaux sociaux dans ces ENT, allant parfois jusqu’à imaginer la possibilité de prolonger ces produits (type twitter, facebook…) jusque dans des usages sur terminaux mobiles, smartphones, tablettes.
Les évolutions actuelles peuvent certes rester à la porte du monde scolaire, comme certains le pensent. D’autres, au contraire ont déjà engagé des expérimentations avancées de ces outils. D’autres enfin tentent de fixer des limites (règlements intérieurs, chartes informatiques…) qu’il leur faut en permanence questionner, faire évoluer, tant les possibilités techniques nouvelles ouvrent des brèches parfois insoupçonnées. L’impression d’inéluctabilité de ces évolutions, au moins dans la vie quotidienne personnelle et professionnelle est-elle transposable au monde scolaire ? Il semble que la réponse négative soit évidente, mais l’observation des faits entame largement cet allant de soi. Il suffit d’observer l’évolution des discours sur la place des TIC depuis quarante années pour comprendre que dans le monde scolaire aussi, il y a une forme d’inéluctable qui se propage. En d’autres termes, même si c’est à distance, le monde scolaire adopte massivement les TIC, non pas au coeur de l’acte pédagogique en premier, mais dans l’environnement quotidien de celui-ci; et le cercle se rétrécit chaque jour un peu plus. Et c’est le sens pris par le pouvoir politique qui en introduisant réglementairement le livret de suivi du socle, le cahier de texte numérique et peut-être bientôt les ENT etc…  donne de plus en plus de poids au numérique pour le pilotage de l’acte d’enseignement.
Si l’on admet que les observations ci-dessus sont justes, la question qui se pose n’est pas de savoir quelles directions prendre pour l’usage des TIC, mais plutôt quel cadre structurant poser au sein du système scolaire pour permettre aux jeunes dont celui-ci a la responsabilité. Or sur ce point on perçoit une gène et une difficulté à définir ce cadre ou plutôt de définir une dynamique (car cadre est statique) d’accompagnement structurant. Et en premier lieu, ce n’est pas à propos de l’action sur les jeunes qu’il convient de travailler et réfléchir, mais en écho à l’évolution de l’environnement, à la façon dont chaque acteur en responsabilité dans le système, du bas en haut de la hiérarchie, participe à la mise en place de cet environnement et donc des choix éthiques qu’il met en action dans ses décisions. On peut illustrer ce questionnement avec plusieurs exemples presqu’inventés(bien imparfaits, mais des lecteurs de ce blog pourront enrichir les cas): ce recteur qui envoie un courrier à des établissements pour leur signifier qu’ils ne mettent pas en place le B2i de façon satisfaisante; cet inspecteur pédagogique qui reproche à un enseignant ses activités sur Internet avec ses élèves; ce chef d’établissement qui fait remarquer aux enseignants son désaccord sur les moyennes des élèves après avoir observé sur le logiciel de gestion des notes ce qui se passait, avant le conseil de classe; cet enseignant qui remarque que l’élève est plus présent sur le web non scolaire que sur l’ENT et qui le lui reproche; ces enseignants qui découvrent les propos (peu amènes) des élèves sur leur travail par hasard sur facebook ou sur un blog personnel…
La multiplicité des situations est telle (et nous n’avons pas abordé la question du rapport à l’information) que l’on peut mettre en priorité la nécessité d’ouvrir dans les établissements scolaires, mais aussi dans les autres échelons de la hiérarchie, une vraie réflexion sur l’éthique de la responsabilité dans un contexte envahit par les TIC. Ce travail en continu, doit être d’abord initié. Il doit donc s’engager en premier lieu au sein des équipes par un vrai travail sur les pratiques réelles (et non pas celles dont on parle habituellement) dans ce contexte. Ce travail doit viser à mettre à jour les situations vécues (comme par exemple les notes, le suivi des sanctions, le travail personnel, le livret de suivi etc…) dans la plus grande exhaustivité de l’usage des TIC au sein de la structure. A partir de cet inventaire il est nécessaire de mettre en exergue pour chacune de ces situations les questionnements qui y sont associés. De ces questionnements peut émerger une sorte de classification par domaines ou par axes conceptuels qui permettrait d’organiser la réflexion. Pour commencer celui-ci quelques pistes peuvent être proposées :

  • Quelle prise en compte de l’antériorité, de l’histoire de l’autre ?
  • Quel type de regard je m’autorise sur le travail de l’autre ?
  • Quelles traces je décide de faire produire par l’autre pour quel projet ?
  • Quelle confidentialité je préserve sur les informations que j’ai obtenues au sujet des autres ?
  • Quelle exposition de moi même je m’autorise ?
  • Quels propos je tiens en ligne sur les autres ?
  • Quels liens je fais (je construis techniquement aussi) entre des informations disparates au sujet d’une personne ?
  • Quelle distance critique je mets avec les outils qui me rapportent les traces de l’autre ?
  • Quels dispositifs je construis pour regarder l’autre (à son insu ou pas)
  • Quel pouvoir je donne à l’autre sur mes projets pour le suivre dans ses traces numériques ?
  • ….

A poursuivre bien sûr
BD

3 Commentaires

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    • ROGUE sur 29 septembre 2010 à 18:23
    • Répondre

    Ce sont des questions que l’on apprend à se poser aux élèves en philosophie… C’est que je fais, et pas seulement parce que je suis personne ressources TICE en plus de prof. de philosophie. C’est ce que nous faisons tous. Et je peux vous dire que les élèves sont beaucoup plus conscients des aspects positifs et négatifs du web 2.0 que vous ne semblez le penser, ou en tout cas que ne le laisse transparaitre votre article.
    http://evelyne-rogue.co/

    1. Si vous regardez l’ensemble de mon texte, vous avez du percevoir que je faisais allusion à l’ensemble du système et pas seulement aux jeunes et aux enseignants. Il y a actuellement des dérives liées à des allant de soi qui doivent être questionnées. Ayant eu l’occasion d’enseigner (très peu) la philosophie je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que la philosophie aille dans ce sens. Le problème est pour moi celui de la conscience (pas être seulement être conscient) et de la responsabilité devant des évolutions techniques qui sont souvent considérées comme évidentes alors qu’elles ne le sont pas autant. Lisez Ellul, Simondon, Latour, Arrendt, Popper etc… et vous conviendrez avec moi que le chantier est vaste et éternellement recommencé.

    • S.FORNERO sur 26 janvier 2011 à 22:27
    • Répondre

    Je partage tout à fait les idées développées ici. Je m’interroge en particulier sur cette pratique relativement nouvelle (mais qui s’impose de plus en plus aux établissements s’ils ne veulent pas être ringardisés) qui consiste à donner aux parents un accès internet aux notes ( en direct ou en différé) de leur enfant, en zappant plus ou moins l’instance du conseil de classe, qui jusque là leur donnait du sens ( parfois même un sens très différent aux mêmes notes selon les circonstances et le profil du jeune).
    J’aimerais savoir ce qu’en pensent les nouveaux usagers. On avance « le droit d’information des parents ». J’y vois un surcroît de valeur accordée aux notes, une pression nouvelle sur les enseignants (mettez des notes! Les parents attendent), et aussi sur les enfants, qui n’auront même plus la liberté de choisir le bon moment pour annoncer certaines mauvaises nouvelles…bref j’ai du mal à voir quels sont les intérêts de ce nouvel espace numérique pour les parents ( les associations de parents sont demandeuses)…si certains peuvent m’éclairer. J’ai cherché sur le net des rapports ou articles, je n’ai rien trouvé.
    merci à Bruno ou aux autres lecteurs.
    Sylvie Fornero

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