Peut-on parler de tout et des TIC"E" en particulier ?

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Ayant reçu ce jour cette invitation du site Skhole « Le Samedi 27 Novembre prochain, de 14h à 17h, se tiendra une séance publique de discussion autour du thème « Ecole et société de la connaissance », au Théâtre de la Colline à Paris. Ce débat est co-organisé par skhole.fr et l’association Ars Industrialis, et y participeront notamment Christian Laval, Denis Kambouchner, Philippe Meirieu et Bernard Stiegler. », j’ai été impressionné par le nom des participants à ce débat et attiré par le contenu.
Après consultation, sur Internet, des références de ces participants, et ayant quelque peu travaillé dans le domaine, je me suis demandé ce qu’il y avait derrière ce débat, dont je pressens, rien que par les positions « idéologiques » des participants, qu’il sera surtout une confrontation « spectaculaire ». J’ai poursuivis la lecture du message et voici ce que j’y ai lu :
« A cette occasion, seront abordés en particulier les enjeux de l’introduction des « nouvelles technologies » dans les systèmes scolaires, d’un point de vue sensible tout à la fois aux menaces et aux chances portées par ces évolutions. Cette séance poursuivra ainsi des réflexions entamées notamment dans le cadre de notre dossier « Penser l’école à l’ère du numérique ». »
Ayant lu le dossier évoqué et ayant surtout relevé une certaine naïveté, voire une certaine méconnaissance du sujet dans une partie des propos lus, j’ai donc tenté d’aller plus loin dans ma réflexion et j’en suis arrivé à cette réflexion : peut-on parler de tout, et si oui dans quelles conditions ? La philosophie, mère de toutes des sciences est fondée, historiquement à travailler toutes ces questions, puisque c’est le fondement même de la philosophie que d’interroger. Mais que l’homme politique, le philosophe, le scientifique, le sportif… puissent, eux, parler de tout, au nom de leur visibilité personnelle et de leur supposée proximité avec un sujet mes pose question et me semble relever de quelque chose de connu : l’exercice médiatique. Connaissant bien les travaux de ceux qui étudient la question des TIC en éducation et en particulier dans le système scolaire, je me suis demandé ce que ce genre de débat, comte tenu de la proximité très relative des membres de ce débat avec le sujet TIC, pouvait apporter à la construction des connaissances, renvoyant là les animateurs au titre même de leur thème.
Partant de cet aphorisme de Georges Clémenceau, « La guerre est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires », je me suis demandé si les spécialistes du domaines n’avaient pas un peu leur mot à dire, et donc en ait déduit que les organisateurs du débat avaient donné leur réponse dans la définition et l’organisation de celui-ci : ils ont appliqué en partie cet aphorisme. Au delà de la dérision de ce propos, la question du spectacle intellectuel doit être posée et ce d’autant plus qu’Internet apporte sa pierre à l’édifice d’une manière nouvelle.
En amont du spectacle intellectuel, il y a des personnes, hommes et femmes (ici uniquement des hommes !) qui ont chacun un parcours, un itinéraire qui les a amenés à être sollicités sur une question comme celle posée ici. Si toute personne peu donner une opinion, un avis, sur n’importe quel sujet, il s’agit toujours d’un point de vue, autrement dit d’un « regard sur » émis de « quelque part ». Cette précision est nécessaire afin de d’aborder la question essentielle de l’autorité du propos. On observe sur Internet le même phénomène que dans les médias traditionnels : « l’expression de l’autorité ». Jadis Coluche commentant dans son spectacle les propos tenus dans la presse relevait souvent qu’on parlait des « milieux autorisés » qui, selon lui « s’autorisaient » à parler entre eux. En tournant en dérision ce phénomène il illustrait d’une certaine manière ce propos. Si les spécialistes sont toujours possiblement suspect, les autorisés ne le sont-ils pas autant ? Dans son dernier livre, Patrice Flichy, à propos des amateurs, évoque cette question de l’émergence d’une nouvelle parole, justement celle des amateurs. Or il observe à juste titre que ni les spécialistes (les experts) ni les autorisés ne sont réellement menacés par ces amateurs, ils sont simplement invités à réfléchir à la place de leurs propos et donc à leur autorité ! On peut donc espérer que chacun des intervenants saura préciser son « point de vue » (question d’éthique professionnelle) et qu’il ne s’autorisera pas à aller en dehors des limites de ce terrain.
Malheureusement, le monde scolaire, tout comme les TIC, sont des objets suffisamment partagés socialement pour que chacun se permette une parole globale dessus. Et les intellectuels n’y échappent pas, au risque de se ridiculiser comme certains politiques pris au piège (http://www.numerama.com/magazine/17306-peut-on-reguler-la-neutralite-du-net-sans-rien-connaitre-a-internet.html).
Si dans un texte précédent, nous évoquions le risque de la nouveauté, ici nous voudrions évoquer le risque de l’ignorance. En exposant ainsi des propos et les mettant en débat (dont on connaît, vu les participants, la vigueur), nous nous retrouvons dans ce que jadis Pierre Bourdieu dénonçait dans « Télévisions ».  Le problème de ce type de débats c’est qu’il comporte dans un de ses attendus, le mot « enjeux ». Dès lors que ce mot apparaît, tout le monde peut en parler et être autorisé à parler puisque les enjeux peuvent être lus comme liés aux personnes qui en parlent. Ainsi n’importe qui peut parler des enjeux des TIC. Mais jusqu’à quel point ? La tentation de celui qui parle, « collaborateur » de celui qui lui donne la parole est bien d’aller au delà de ce point. Sans juger par avance, de manière injuste, la proposition, des organisateurs, que ce billet puisse au moins alerter ceux qui le liront, sur l’existence de ce débat, mais aussi les questions qu’il pose au delà du seul intérêt ordinaire d’information, car les débats sur les TIC à l’école ne peuvent être abordés légèrement, et surtout sans relation réelle avec les objets du débat. C’est en particulier un point qu’il me semble nécessaire de rappeler : la subtilité de l’entrelacement des TIC et du monde contemporain rend difficile tout propos qui ne s’appuie pas sur un travail rigoureux approfondi et personnel de pratique et d’analyse (les deux ensembles). Souhaitons que chacun des participants saura en tenir compte…
L’école, le système scolaire non plus, ne sont pas des objets ordinaires. Il serait bon que de temps à autres on s’en souvienne et qu’on évite d’en parler de loin… de trop loin…
A débattre
BD

1 Commentaire

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  1. Ce que Clémenceau veut dire, c’est que dans certains domaines, il ne suffit pas d’avoir raison ou d’être un spécialiste. Dans le cas de l’école, comme pour la guerre, il faut emporter l’adhésion générale – et le problème devient donc politique – surtout lorsqu’on vit en démocratie.
    Comme la sphère est politique, les acteurs s’empoignent à coup de « spécialistes », « démagogiques », « incompétents », « positions réactionnaires » ou « pédagogistes », etc.. Débat par nature même non tranchable, car en matière d’éducation, il n’y a pour l’instant pas de science – ou si peu. Les positions adoptées par les acteurs ne sont pas réfutables, au sens de Popper.
    C’est un débat où il n’est pas prouvé que les « experts » aient raison, ni que les « amateurs » aient tort. La seule chose de sûre, c’est que les experts, s’ils veulent faire avancer les choses, doivent se battre sur le terrain politique, c’est à dire participer au débat et, si possible, s’y montrer plus convaincants que les « amateurs ».
    L’art de convaincre n’a rien à voir avec la vérité et il est au moins aussi bien répondu chez les amateurs que chez les experts. Tache difficile donc.

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