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La boite à mots : le numérique éducatif en langue de bois

Dans de nombreux milieux professionnels, un ensemble de termes et expressions constituent le signe d’une sorte de « capital culturel » spécifique. Le monde du numérique, pas plus ni moins que celui de l’éducatif, n’échappe à ce phénomène. Franck Lepage en a fait une brillante démonstration dans ce sketch tiré de son spectacle. A partir d’une quinzaine de mots il démontre combien il est possible de tenir un discours devant un public « qualifié » (ici des responsables politiques) sans avoir aucun message à faire passer, entre langue de bois et allant de soi. Car l’habileté de la démonstration repose sur l’idée que dans certaines situations il suffit de connaître quelques mots clés que l’on place habilement dans un discours vide pour passer pour savant et pertinent… Allez le vérifier en visionnant ce sketch (https://www.youtube.com/watch?v=oNJo-E4MEk8).
Le numérique éducatif n’échappe pas à ce phénomène. En voici deux illustrations : La première faite dans un échange avec Christophe Batier : https://youtu.be/uPXOK2eahrw. La seconde, sorte d’échauffement prémonitoire, a été faite en auto-vidéo quelques jours auparavant : https://youtu.be/7QTLC1MlwbA Dans les deux vidéos, bien plus maladroites que ce que peut monter Franck Lepage, j’illustre de manière maladroite le propos en montrant qu’avec les mêmes mots on peut tenir des discours opposés. Car ce qui est intéressant c’est justement de pouvoir, quand on est expert, consultant, formateur… de pouvoir tenir un discours ajusté à son public. On peut même imaginer tenir deux propos opposés au même public si l’on sent, en cours d’allocution, que la première idée est mal reçue et qu’il convient d’en changer : langue de bois sauce suprême ou préparation aux concours d’éloquence, de l’ENA ou de Science Po…
La boite à mot, est une petite boite en plastique qui contient, actuellement et de manière non exhaustive, 54 mots. Chacun de ces mots peut être extrait des discours, propos, conférences et autres tenu sur le numérique éducatif depuis quelques années. Chacun de vous peut s’emparer de cette boite et faire ainsi ce petit jeu. Dans un groupe, on propose à chacun des membres de prendre 10 à quinze mots (cinq pourraient suffire). Il ne faut bien sûr pas les regarder avant de les utiliser. Il est demandé ensuite à chacun, devant le groupe, d’improviser un discours pro, puis immédiatement après un discours anti. Entre les deux temps de la prise de parole, les cartes sont mélangées et le discours, s’il s’appuie sur les mêmes mots, ne les utilise pas dans le même ordre. A l’image de feu « l’école de fans », chaque membre du groupe peut attribuer une note de 1 à 4 a la prise de parole. Le gagnant étant celui a acquis le plus grand nombre de points.
On peut bien sûr imaginer des variantes. On peut bien sûr filmer les prestations et ensuite en faire d’habiles montages. On peut aussi faire le prix du meilleur aphorisme ou encore du meilleur trait d’humour.
En ce début de vacances scolaires et avant que Ludovia ne donne le signe de la rentrée, il est utile de s’entraîner à manier la boite à mots si l’on ne veut pas se retrouver dépourvu dans les échanges informels, les tables rondes, et dans les coursives de ces manifestations qui tout au long de l’année tentent de faire le lit du numérique éducatif « à tout prix ».
A suivre et à débattre
BD
vocabulaire en petites cartes les mots sont prêts à être imprimés, de préférence sur papier A4 cartonné lisse (pour mieux faire glisser les cartes)…