L’un des modèles des changements dans les organisations, en éducation et en particulier dans le système éducatif est basé sur l’introduction d’objets nouveaux dans l’activité quotidienne. Ainsi l’arrivée d’ordinateurs portables dans les collèges des Landes correspond largement à ce modèle. Aussi est-il intéressant de l’analyser pour envisager l’effet que cette stratégie a sur le système.
Michael Hubermann a publié pour l’UNESCO un texte de 92 pages intitulé : Comment s’opèrent les changements en éducation : contribution à l’étude de l’innovation. Ce document, bien qu’ancien (1973, 2è edition 1983) a le mérite de rappeler que cette question n’est pas nouvelle et que l’on peut quand même înterroger le passé… pour éclairer le présent. A la page 29 du rapport, le titre : « pourquoi les écoles changent si lentement ? » est un indicateur de ce qui caractérise le système scolaire. C’est d’ailleurs souvent ce qui irrite les décideurs, politiques ou non, les innovateurs, les responsables qui s’interrogent souvent sur cette résistance. Ce chapitre est extrémement critique sur l’école et sa recherche constante de maintien d’un état de stabilité souvent basé sur l’expérience ancienne. 30 ou 50 années sont monnaie courante pour observer les changements qui s’opèrent après une impulsion initial d’où qu’elle vienne. Extrinsèques ou intrinsèques les facteurs de changements et de résistance sont nombreux et méritent une attention accrue du décideur qui veut observer des évolutions sensibles issues de son initiative. Malheureusement il semble que le système éducatif soit résistant (rappelons simplement le titre d’un ouvrage de Neil Postmann, Enseigner c’est résister), et en particulier au facteurs exogènes.
Le grand mérite de l’enquête menée dans les Landes est de nous permettre de lire ces éléments et d’en mesurer la force. En 8 années, on ne peut que constater qu’il s’est produit beaucoup d’évolutions sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir dans des billets ultérieur. Pour l’instant notre propos se limitera à revenir sur ce qui a été les premières impressions qu’a pu dégager une telle initiative. En effet, dans le vacarme médiatique d’Internet en 2001 et de quelques vélléités de cartables électroniques au profil très différents d’un lieu à l’autre, l’initiative des Landes a eu un mérite démocratique réel : fournir à tous les moyens d’accéder aux TIC dans le cadre scolaire avec un modèle audacieux : un ordinateur pour chaque collégien. En 2004 les premières évaluations présentées montraient un réel enthousiasme de certains, mais devaient rapidement être relativisées en regard des actions concrètes en classe. Le mérite d’avoir poursuivi dans la même direction n’en est que plus grand. En effet l’un des éléments clés, le temps, devait être une variable à accepter comme incontournable. L’autre mérite de cette insistance est de croire qu’il y a quelque chose de fondamental dans cette action et que la poursuivre c’est aller jusqu’au bout d’une logique qui envisage ce projet sous l’axe du long terme. Le politique, en allant au delà des premières déceptions, soit être salué dans sa détermination et surtout une forme de clairvoyance. Même si aujourd’hui les résultats peuvent sembler encore peu à la hauteur ( encore faudrait-il dire de quelle norme on parle) des ambitions , surtout celles des zélateurs de ce genre de projet, il reste que les avancées sont réelles et qu’il faut saluer le fait que le projet accompagne réellement une évolution des pratiques sociales qui se sont largement amplifiées depuis. Il suffit de lire les chiffres des équipements à domiciles de l’ensemble des acteurs interrogés pour s’en rendre compte pour noter qu’ils sont omniprésents et que le projet « un ordinateur un collégien » est bien un élément clé pour tenter d’éviter la rupture, la fracture entre le système scolaire et la société autour des TIC. Il suffit pour s’en convaincre de lire les commentaires attristés des validations du B2i dans de nombreux établissements pour ne pas saluer ce qui se passe dans les Landes, au delà des difficultés rencontrées et des hésitations du monde scolaire.
Le changement de l’extérieur par introduction d’objets techniques nouveaux à fort peu de chance de trouver une place si le système lui même n’envisage pas de modifications internes. Or on ne peut qu’observer l’immobilité de l’organisation du collège depuis le début des années 80 alors que l’école et le lycée sont l’objet de nombreux projets de réformes, ne serait-ce qu’au cours de l’année scolaire 2008-2009…. Depuis près de quarante années, la question des TIC taraude l’école. Les débats sont vifs, parfois violents, mais il reste que les initiatives comme celles des Landes doivent continuer d’être observées avec bienveillance et respect car elles tentent de s’inscrire dans le temps long et acceptent les difficultés d’un système qui ne fait pas grand chose pour faciliter la tâche de ceux qui ont initiés de tels projets