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Des élèves, des profs… et les autres

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L’enquête TNS Sofres pour l’évaluation de l’opération « un collégien un ordinateur portable » est une opportunité de mesurer un écart entre élèves, enseignants, parents et personnels d’encadrement des établissements scolaires.
Une première mise en garde doit être faite : l’écart constaté entre les usages en classe déclarés par les enseignants et ceux déclarés par les élèves sont principalement dus au fait que la proportion de répondants est différent : 76% des élèves contre 56% des enseignants. Cependant cet écart nous permet de poser une première hypothèse concernant les enseignants non répondants : ce sont ceux qui n’utiliseraient pas les TIC dans leur classe puisque les élèves déclarent un taux d’usage bien inférieur à celui déclaré par les enseignants répondants (cf p.44). Cette précision étant faite, il est intéressant de tenter de repérer quelques écarts entres le différentes populations concernées. En voici quelques éléments qui méritent bien évidemment approfondissement :
1 – La tentation TBI pour l’enseignant ou encore ordinateur de l’enseignant est perceptible et vient en opposition à la potentialité ordinateur portable. On le perçoit à plusieurs moments dans les réponses fournies, la question centrale est celle de la conduite du groupe des élèves. L’enseignant ressent dans l’usage de l’ordinateur portable par les élèves un risque de détournement de son pilotage. Cela est aussi révélateur d’une  conception de l’apprentissage sous jacent : un élève apprendrait mieux en écoutant d’abord qu’en étant en action. (cf p.110, p 125 item 4.17)
2 – La norme du travail scolaire « à faire » est le travail sur papier (devoir, exposé, dossiers, on se rappelle cette consigne concernant les TPE au début de leur mise en place interdisant la forme numérique). Dès lors très peu acceptent que des élèves rendent le travail saisi et mis en forme sur ordinateur, hormis les enseignants de technologie et les enseignants documentalistes b(p.117). On voit ici encore apparaître une norme qui renvoie à une conception de la preuve de personnalisation du travail par l’écriture manuscrite. Quand on connait le rôle joué par l’écriture manuscrite dans l’imaginaire scolaire on ne peut que comprendre que ce choix est profondément ancré dans un incosncient collectif.
3 – Ce qui est pourtant étonnant dans cette enquête c’est que globalement 93% des enseignants pensent que l’ordinateur leur offre de nouvelles potentialités pédagogioques et la majorité considère que cela renforce la motivation des élèves. Le biais de ce genre de questionnement (p.130) est évidemment que ces affirmations ne sont pas confirmées par des faits, mais restent au plan déclaratif. Mais là où l’on peut faire des hypothèses c’est justement sur ce déclaratif et ce qu’il peut nous inviter à approfondir : que signifie améliorer la motivation des élèves dans ce cas. Il semble que l’on ait là le reflet d’un propos « allant de soi » aprce que justement non situé dans des contextes permettant de mesurer ce que l’on pourrait définir comme motivation. L’autre affirmation sur le bienfait pédagogique pose un autre problème : est-ce une réponse de conformité pour éviter que le commanditaire de l’opération ne renonce ? est-ce une réponse d’autant plus aisée qu’elle n’engage pas les personnes qui la font ? Il est difficile de voir cela, encore une fois comme ayant un lien avec une pratique réelle mais plutôt soit un propos standard, soit un voeux.
4 – Les enseignants créent des ressources pour leur classe avec l’ordinateur. Autrement dit l’ordinateur est un outil de conception de support intéressant. L’étude de la panoplie des logiciels proposés et de leur usage réel montre bien que l’on se situe dans un contexte ou les outils ne sont pas réellement des réponses à des besoins exprimés, mais des moyens dont on « verra » ce que l’on peut en faire. Il est intéressant de retrouver ici les logiciels de QCM comme Hot potatoes en particulier pour les enseignants de langue. Il faudrait probablement aller voir du coté des travaux didactiques pour l’enseignement des langues pour comprendre l’origine de cet engouement. N’y a-t-il pas là encore un a priori d’apprentissage sur le rôle du répétitif pour l’apprentissage.
5 – Le taux d’équipement des familles est impressionnant (relatif aux 56% des parents ayant répondu) : 99% pour les plus aisés et 94 % pour les moins aisés. Ce qui laisse penser qu’il n’y a pas plus d’un élève par classe pour qui l’ordinateur portable du conseil général soit un  remède à la fracture numérique, dans un département rural, cela est pourtant surprenant au regard d’enquêtes antérieures sur ces taux d’équipements.
6 – Mais si le taux d’équipement est élevé, la connaissance de ce que les élèves font des équipements informatique révèle un questionnement intéressant : les enseignants ont tendance à considérer que les parents ne maîtrisent pas ce que leurs enfants font; les parents ont un a priori de confiance envers leurs enfants, mais globalement ils semblent encadrer asses largement ces activités. Quant aux élèves ils accordent une place plus importante que prévue habituellement au travail scolaire, confirmé par les parents (p.210 à 215, mais problème sur la base brute de calcul). En fait l’enquête pose quelques problèmes de lecture. Ainsi l’activité communiquer avec des copains, regarder internet (blog ou vidéo) peuvent comporter des activités liées au travail scolaire, de même on n’évoque pas la recherche d’information et la production de documents pour la classe. On trouve p.225 des compléments concernant l’usage de l’ordinateur pour le travail scolaire qui confirment les chiffres précédents, même si là encore il faut relativiser cela en regard de l’ensemble de l’activité « travail scolaire à la maison ».
7 – Concernant l’encadrement de l’opération dans les établissements scolaires on peut constater deux points importants : le premier est l’effet encadrement. Si celui-ci se sent concerné alors dans l’établissement il y a effectivité de l’usage supérieure. Le deuxième est le faible nombre de problèmes de gestion des ordinateurs. Il semble que globalement les choses soient assez conformes aux comportements habituels, voire même meilleur.

Quelques éléments de synthèse :
Il faut revenir en conclusion à ces écarts et à leur signification. Dans une opération d’une telle ampleur, on peut essayer de dégager des éléments plus généralisants. Ainsi le poids de la forme scolaire comme représentation sociale est fortement perceptible dans le monde enseignant. Frein à l’intégration des TIC on perçoit bien que cela est moins le cas chez les élèves et dans les familles. Par ailleurs, mais il est difficile à identifier ici, l’effet management établissement mérite d’être évoqué. Il semble bien que les enseignants sont d’autant plus en position d’intégrer les TIC qu’ils se sentent soutenus par les hiérarchies. On peu évoquer, en creux, à ce sujet la question des disciplines dont on sent le poids comme prescripteur ou non d’usages réels. On peut penser que le rôle de l’inspection soit non négligable, comme on a pu l’observer par ailleurs.

L’opération « un ordinateur, un collégien » ne participe pas, ou très peu, de la réduction de la fracture numérique dans ce département, si l’on en juge par les taux d’équipement. Par contre si l’on en juge par le soutien à la culture numérique, force est de constater que ce projet constitue une base pour favoriser l’articulation entre le monde scolaire et la vie sociale si l’on veut donner une consistance à la construction de la culture numérique des jeunes. Malheureusement, la frilosité du monde scolaire tant sur son rapport aux outils qu’à l’évolution des pratiques pédagogiques intégrant les TIC reste un élément à mettre en débat, si tant est que la culture numérique des jeunes soit réellement une question à résoudre pour les années à venir.

A suivre et à débattre

BD

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