Le numérique : un crève-coeur en 2024 2025 ? et la circulaire de rentrée alors !

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Confrontons l’éducation et les réalités sociales. En effet, au moment ou survient une circulaire de rentrée 2024 vient d’être publiée le 27 juin 2024, à la veille d’élections essentielles pour l’avenir politique. Même si cette circulaire risque de passer aux oubliettes, une nouvelle circulaire sera surement publiée à la rentrée scolaire par le nouveau gouvernement, il nous fait nous arrêter sur ce qu’elle dit du numérique. Mais auparavant, on peut constater avec plusieurs publications récentes l’omniprésence du numérique dans la société. Outre les équipements et les usages, il s’agit aussi de comprendre les comportements et ce que les usagers en disent.

Sur les données de base que sont les équipements et les usages on va se référer à ces deux documents :

1 – L’ARCEP/ARCOM  publie en mai 2024 les données (en lien avec le CREDOC) de 2023 dans « le baromètre du numérique » (https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/barometre-du-numerique_2023_rapport_mai2024.pdf),

2 – l’ARCEP/ARCOM publie en juin 2024 une synthèse appelée « Référentiel des usages numériques » (https://www.arcep.fr/fileadmin/user_upload/pole-numerique-arcep-arcom/referentiel-usages-numeriques-arcep-arcom_juin2024.pdf)

Sur les comportements et justifications de ceux-ci on peut lire ces deux documents :

2 enquêtes menées par Opinionway la première à la demande de l’entreprise Pierre et Vacances publiée en mars 2024 (https://www.opinion-way.com/fr/component/edocman/opinionway-pour-pierre-vacances-l-usage-du-telephone-durant-les-vacances-mars-2024/viewdocument/3291.html?Itemid=0 ) sur l’usage du téléphone portable pendant les vacances la seconde sur les pratiques parentales pendant les vacances parue en mai 2024 (https://www.opinion-way.com/fr/component/edocman/opinionway-pour-tonies-les-parents-et-la-gestion-des-ecrans-sur-la-route-des-vacances-mai-2024/viewdocument/3437.html?Itemid=0).

La maladie Smartphone ?

Qu’apprend-on de ces lectures ? Tout d’abord que les smartphones (téléphones portables ???) continuent de se déployer dans les foyers. Quant aux usages, ces appareils étant devenus des sortes de « couteau suisse » (couteaux multilames) du numérique, ils sont devenus centraux dans la vie de tous les jours et permettent d’accomplir un nombre de plus en plus important de tâches, d’activités, voire d’obligations. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que les adultes, les parents, sont les premiers concernés par ces pratiques quotidiennes. Car ils en ont besoin ! Mais de quels besoins l’on parle en regard de la fameuse pyramide de Maslow. L’impression qui ressort c’est que le smartphone est devenu « essentiel » et donc s’insère dans les besoins les plus impératifs pour chacun  de nous.

 Les jeunes pas plus atteints que les adultes

Alors on s’en prend aussi aux jeunes ? L’impression que dégagent les différentes publications et discours, propos, sur le danger des écrans, dont les analyses démontrent qu’il faut les « situer » pour en parler en réalité, c’est que les adultes reportent sur les jeunes leur propre incapacité à dominer leurs propres usages. On connaît depuis longtemps cette idée que si on agit à l’école, alors ce sera pour la vie, mais la réalité est tout autre. Si l’éducation, en particulier scolaire, amène les jeunes à devenir des adultes, la limite de cette éducation, c’est le contexte social global? Or les smartphones font désormais partie de ce contexte, et ce sont les adultes d’aujourd’hui qui les ont conçus et les mettent à disposition des jeunes… et les utilisent de plus en plus. Il est temps de commencer une véritable autocritique comportementale, psychique, politique, écologique dans notre rapport aux technologies numériques.

 

Que proposent alors les politiques encore en poste actuellement :

 

Analysons alors ces passages de la circulaire de rentrée https://www.education.gouv.fr/bo/2024/Hebdo26/MENE2417753C ) qui évoquent ces questions :

1 Surfer sur les idées à la mode : les écrans et l’IA

 « C’est pourquoi l’année 2024-2025 verra plusieurs expérimentations ou travaux menés en ce sens.               En premier lieu, l’École doit jouer un rôle déterminant dans l’usage raisonné des écrans et l’appropriation d’une culture numérique responsable. L’enjeu est triple : utiliser les opportunités du numérique dont l’intelligence artificielle à des fins pédagogiques ; donner aux élèves les clés de compréhension et d’usage éthique ainsi que, pour ceux qui veulent développer une expertise, les compétences leur permettant d’élaborer, à l’avenir, des outils d’intelligence artificielle ; permettre à chacun d’exercer ses droits et de respecter ses devoirs dans l’univers numérique. L’année 2024-2025 conduira donc à élaborer une stratégie de l’éducation nationale sur l’intelligence artificielle, afin d’en tirer le meilleur parti en matière pédagogique, pour les élèves et pour les enseignants, et d’y former les élèves. »

Les écrans sont l’épouvantail populaire du moment. A contrario, alors que l’IA s’insère de plus en plus dans les outils du quotidien, on s’en presque un encouragement à ce développement. N’y a-t-il pas là une contradiction quand on sait que l’IA s’insère dans les pratiques parce qu’elle « facilite » et rend son adoption rapide, mais sans véritable appropriation ?

2 L’usage raisonné, après le discernement

 « Cet appui sur le numérique doit être corrélé à un usage raisonné des écrans pour lequel l’action du ministère se déploiera dès la rentrée afin d’éduquer les élèves, aussi bien en termes d’exposition que de pratiques.   L’utilisation abusive des écrans a des effets néfastes et démontrés sur la concentration, la socialisation, mais aussi sur l’exercice d’une réflexion autonome et de l’esprit critique. « 

En 2018, il était question de discernement, désormais on parle d’usage raisonné. La rhétorique autour des écrans, outre qu’elle ne précise jamais les contextes s’appuie surtout sur la peur qu’ont les adultes, alors qu’ils en sont de grands utilisateurs eux-mêmes. Mais bien sûr, nous adultes, savons nous modérer !!!

3 PIX ou pause, que choisir ?

  « S’il ne s’agit pas de bannir le numérique de la pédagogie, les usages non pédagogiques n’ont pas leur place à l’École. Aussi, dès la rentrée 2024, les outils numériques seront strictement limités et les outils individuels, proscrits à l’école maternelle, et les élèves seront sensibilisés à leur usage raisonné au cours de l’école élémentaire avec l’expérimentation d’un programme PIX dédié aux élèves de cours moyens. Au collège, une « pause numérique » sera expérimentée au sein de collèges volontaires dans chaque département, de telle sorte que l’interdiction de l’usage du portable prévue par la loi soit effective et totale sur l’intégralité du temps scolaire, y compris les espaces interstitiels à risques que sont les changements de classe, les récréations et la pause méridienne. S’agissant d’une appropriation des outils et des usages, l’attestation PIX, déployée progressivement depuis début 2023, sera rendue obligatoire pour tous les élèves de 6e, comme elle l’est déjà, sous forme d’une certification, en 3e et en terminale. »

Le ministère semble parer PIX de toutes les vertus tout en reconnaissant les limites de l’intégration des moyens numériques dans le scolaire. Ce qui est étonnant, c’est que l’on préfère les mesures du type « pause » voir interdiction, plutôt que des mesures qui invitent à réfléchir et vivre les équilibres du corps, de l’esprit, de l’apprendre. Une école de l’équilibre est une école qui sait donner une juste place aux évolutions de la société.

4 – Des informaticiennes, oui mais pourquoi ?

 « Parallèlement, nous continuerons à mieux former les élèves aux métiers du numérique, notamment avec le déploiement de la filière CIEL (cybersécurité, informatique, électronique et logiciels) en voie professionnelle, qui comptera plusieurs centaines de nouvelles places, et une action résolue en faveur de la féminisation de la spécialité numérique et sciences informatiques en voie générale, et de la filière STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) en voie technologique. »

L’autre versant des politiques publiques est bien sûr la dimension économique du numérique. La pénurie relative de main-d’oeuvre dans le domaine, en particulier féminine, n’est pas nouvelle, mais elle met aussi en évidence l’attractivité toute relative du secteur professionnel. La féminisation de certains métiers se heurte à une histoire générale sur la place des femmes et les métiers de l’informatique en est l’une des traces les plus résistantes. La question essentielle n’est pas tant celle de l’informatique que celle de l’éducation au numérique dans la société. L’augmentation du nombre de joueuses à des jeux vidéo semble être le signe d’une évolution, lente, mais réelle. Alors, il ne faut pas forcer sur l’informatique si l’on n’inclut pas une politique globale qui, culturellement, lutte contre les impensés du numérique.

Informatique et vie en société

Un peu plus loin, ce passage qui confirme notre chronique récente sur les compétences psychosociales :

« Les transitions numériques et écologiques participent en effet d’une nouvelle forme d’anxiété, souvent sur fond de repli sur soi, dont nos élèves peuvent être victimes. Les éléments disponibles sur la santé mentale des élèves montrent la persistance d’importantes difficultés, et exigent de notre part des actions résolues. La première tient au renforcement des compétences psychosociales des élèves, aussi bien en matière de confiance en soi que de rapport aux autres. L’année scolaire 2024-2025 sera ainsi l’occasion de mettre en œuvre une feuille de route sur le développement de ces compétences, qui sera rendue publique d’ici la rentrée. « 

Il ne s’agit pas pour nous d’encourager ce choix, mais de constater qu’il s’inscrit dans un contexte de réhumanisation en cours de nos sociétés numérisées. Car c’est l’un des courants qui accompagnent le développement général d’une informatique pervasive, par ce qu’il s’appuie sur un modèle économique et politique de société qui, sans se dévoiler explicitement dans ses intentions, n’en est pas moins porteur d’un courant individualiste porté par des courants de pensée nord-américains dont l’extrémisme est symbolisé par l’école de la singularité chère, en particulier, à Ray Kustzweil. Quand nous appelons à une éducation équilibrée, nous appelons à une éducation qui considère le développement collectif harmonieux prioritaire en regard de la réussite individuelle.

 

A suivre et à débattre

BD

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