Tout est permis, ou comment éduquer aujourd'hui ?

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Comment éduquer à la citoyenneté aujourd’hui dans nos écoles quand les médias brouillent les pistes ? En proposant de publier des « résultats » que l’on appellerait pas comme cela (rumeurs…) avant l’heure légale de publication, en en débattant même la sphère médiatique s’agite. Au delà du fait quelles questions pose ce débat au monde éducatif ? Que faire de la loi dans notre société ? Qu’est-ce qu’une démocratie ? Qu’est-ce que le respect du bulletin de vote ? etc…

Internet est, comme l’introduction de toutes les TIC dans la société en général, est un bon révélateur des choix humains qui s’opèrent actuellement. Dans le cas présent, parce qu’Internet offre la possibilité à tout un chacun de le faire, plusieurs « personnes » s’engouffrent dans cette brèche, pas forcément d’ailleurs pour autre chose que de faire parler d’eux et ils y réussissent bien. Premier effet constatable bien plus encore que dans les médias traditionnels : ce qui intéresse désormais les médias, ce sont les médias ou leurs acteurs. Que tel ou tel acteur professionnel des médias se prononce et tous les médias se questionnent relayant ainsi la mécanique emballée constituée par ce système d’autoréférence ou de nombrilisme. On l’avait déjà vu à l’oeuvre avec les émissions qui revisitent l’histoire de la télé on le voit désormais pour la politique. Cela a commencé par l’exclusion de l’antenne de tout journaliste dont l’opinion personnelle serait lisible officiellement soit par expression publique, soit par vie maritale ou proche. Comme si les autres journalistes n’avaient pas d’opinion parce qu’elles n’étaient pas visible… cela fait beaucoup sourire les jeunes qui regardent ce spectacle hypocrite. Cela continue avec l’agitation des spéciliastes des émissions sur les émissions qui s’empressent désormais de chercher à exister médiatiquement en créant un nouveau débat.

Rappelons ici que le modèle médiatique est malheureusement le thermomètre éthique auquel nos jeunes sont quotidiennement confrontés. Rappelons aussi que l’on ne peut éduquer à la responsabilité et à la règle si constamment l’une comme l’autres sont bafouées au quotidien. Et ce qui est particulièrement dangeureux n’est pas tant la contestation de la loi, ce qui est historiquement une évolution normale de la vie en société, que les modalités choisies de contestation de la loi. On contourne la loi au lieu de s’y opposer. Le père d’un jeune décédé d’un accident provoqué par un conducteur alcoolique me rappelait à l’ordre un jour car nous débattions « impunément » de la sévérité des sanctions encourues par ces conducteurs. En d’autres termes, ce père me demandait d’assumer ma responsabilité, même dans ce cas.

Pris au piège de ma contradiction personnelle, cela m’a amené à réfléchir. En élargissant à d’autres cas moins dramatiques à court terme, je me suis aperçu que dans le domaine éducatif, l’effet médias est beaucoup plus important qu’on ne l’imagine. L’arrivée d’Internet, et en particulier de ce que l’on nomme aujourd’hui le web 2.0 ou le web social, propose à chacun le spectacle de la responsabilité de l’autre. Chaque jeune peut y lire celle de ses parents, des adultes qui l’entourent. Les médias traditionnels dits de masse (transmissifs) qui ont, encore aujourd’hui, une position dominante sont les plus efficaces pour diffuser de tels miroirs. Relayé ou plutôt prolongé habilement par certains sur le web, ils sont encore plus efficaces et colonisent progressivement ce web qui de social pourrait redevenir le web des « privilégiés ». Parfois ils semblent irresponsables (certains diront souvent, d’autres jamais -il y a la fameuse carte de journaliste) tous ces professionnels autorisés qui pour vendre leur média ou se vendre aux médias n’hésitent pas à provoquer, voire enfreindre la loi. Le spectacle médiatique est-il devenu la norme du comportement social ? En tout cas il est temps, non pas de mettre en place une xième commission de censure et de surveillance, mais d’appeler à « l’éthique éducationnelle ».

A débattre

Bruno Devauchelle

3 Commentaires

  1. Ces questions que vous posez m’interpellent et je me suis demandé ce qui fait que notre société prenne ce chemin?

    Les médias ne sont que le thermomètre éthique de notre société écrivez-vous. Soit, mais pourquoi l’éthique évolue dans cette direction? Pour moi la réponse se trouve dans la prédominance de l’économie. L’économie n’est plus là pour satisfaire les besoins des consommateurs, mais pour satisfaire les ego des dirigeants en fonction d’une manière de penser la vie.

    Il faut être premier, décrocher la pool position, sur le podium, être celui qui parle, qui agit, qui sait. De tels comportements sont de surcroît encore honorés financièrement, il suffit de voir les rémunérations des dirigeants et des élites.

    Performance, performance, performance, voilà ce que la société et ses élites cherchent à promouvoir. Si tu veux faire partie (besoin d’appartenance) alors soit performant, si tu n’es pas d’accord tu n’as qu’à quitter. Et pas de révolution s’il te plaît. Ces mots de l’exclusion, ne sont -ils pas prononcé par un candidat à la présidentielle française?

    Mais peu nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la notion de performance? « Travailler plus pour gagner plus » voilà un slogan efficace. Pas de place pour le doute, pas de place pour des questions comme : travailler quoi, pour qui, pourquoi? C’est du temps perdu, c’est inefficace et cela empêche le groupe à réussir, à décrocher la première place.

    Celui qui doute, qui écoute, qui cherche à comprendre, qui se pose la question du sens, n’est pas intéressant, n’est pas consommateur, il faut l’exclure si le système ne l’exclu pas déjà.

    L’économie libérale avec à la clé l’idée de concurrence (performance par rapport aux autres) porte en elle le mécanisme de son auto-destruction. Le fort (doué, performant) avale le faible jusqu’au moment ou un seul fort survivra et il n’y aura plus de concurrence. Mais voilà on cherche à retarder le déclin de ce système par des lois qui introduisent artificiellement de la concurrence et on crée des oligopoles au profit d’un nombre restreint de bénéficiaires. (Collaboration entre égaux, concurrence face aux plus faibles).

    Face à ce modèle de penser il y a un autre manière de voir la vie. La vie ce n’est pas la performance, la vie c’est la variété des êtres, des situations, des coopérations, des aides et entre-aides. La vie c’est les relations humaines que nous entretenons avec les autres, ce n’est pas la vente, c’est le don, ce n’est pas l’accaparement, c’est le partage.

    La question que je me pose finalement, pendant combien de temps encore le modèle de la concurrence sera considéré par une majorité de personnes comme étant plus attractif qu’un modèle de coopération? Quels dégâts faut-il encore pour que cela change?

    • Clément Laberge sur 20 avril 2007 à 23:29
    • Répondre

    Est-ce que de simples appels à l’éthique pourront être suffisants? Je crains d’être résigné à l’idée que non.

    Il me semble qu’il serait préférable de changer de perspective et d’accorder, dans l’éducation, une place prépondérante à la réflexion sur les médias et sur leur rôle dans l’évolution de ce qui constitue la normalité et de la moralité. Sur le sens de la loi, aussi, dans un contexte où la cohérence que pouvaient offrir les frontières nationales s’estompe peu à peu.

    Les jeunes me semblent tout à fait capables de faire face que cela signifie — et la crédibilité de l’école (et celle des éducateur) est, d’une certaine façon, en jeu.

    • Bruno Devauchelle sur 21 avril 2007 à 08:00
    • Répondre

    Clément, D’accord avec le doute que tu exprimes. L’éthique ne suffit pas. Cependant je ne vois pas actuellement la possibilité d’entamer une démarche collective et institutionnelle si nous ne lançons pas chacun de nous une réflexion d’abord personnelle puis partagée sur les choix que chacun de nous fait. La vie démocratique est beaucoup plus exigeante que la vie théocratique, idéologique ou dictatoriale. Elle nécessite pour chacun de choisir. Voter, oui mais pas seulement; agir aussi dans la ligne que chacun se définit personnellement. Libre après de se rattacher à un courant ou à un autre. Effectivement je crois que les jeunes sont capables d’aborder cela. Mais à condition qu’en face les adultes le soient aussi, et c’est ça qui fait problème en particulier dans ce cas de la publication des résultats avant l’heure. Si la loi n’a pas de valeur pour un adulte, comment transmettre sa valeur aux jeunes dont il a la charge ? Bruno

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