Quels savoirs produits dans un établissement scolaire ?

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Ayant eu des échanges récents à propos d’entreprise apprenante, de knowledge management, de système d’information, je me suis posé la question des savoirs produits par un établissement scolaire. En effet rassembler tant de diplômés de l’université en un même lieu (chaque enseignant y a le plus souvent passé trois années de sa vie) laisse à penser que peuvent se produire de grandes quantité de savoirs. Et ce d’autant plus que les enseignants sont chargés de le transmettre à des jeunes qui parfois n’en demandent pas tant… Il suffit de passer dans une salle des profs et d’ouvrir tel ou tel placard d’un enseignant pour mesurer la quantité de documents disponibles. Allons faire un tour au CDI ou à la BCD pour observer le même état de fait : que d’information stockée là.

Il serait donc légitime de penser que si tant d’information, de savoir et d’intelligence sont rassemvlés en un seul lieu il se pourrait que cela permette la construction de nouvelles connaissances, à l’instar des entreprises qui s’orientent désormais vers cette question. Regardons de près ce qui se produit dans un établissement scolaire : des enseignements basés sur des programmes appuyés par des sources variées (donc de la transformation en matière à enseigner, bref la transposition didactique…), des informations sur des élèves en train d’apprendre (des bulletins de notes et autres), des informations sur les élèves et leur famille (la gestion administrative) et enfin des informations sur l’établissement lui-même (sur les plans humains et matériels).

Approchons nous encore pour tenter d’identifier des productions originales : certaines pratiques scolaires donnent lieu à des compte rendus (souvent sur les sites web des établissements, parfois simplement en interne sous forme papier, comme les stages de troisième en entreprise ou les TPE); Dans certains cas, des enseignants ont une activité parallèle qui les amène à produire mais c’est très souvent en dehors de la sphère scolaire (artistes, auteurs, etc..).

Ce qui est très rare dans toute cette information c’est tout ce qui touche à la professionnalité même de l’établissement scolaire : un savoir réflexif. Autrement dit il est très rare de trouver une analyse pédagogique ou didactique sur un site d’établissement scolaire, de même il est très rare de trouver une étude sur l’établissement lui-même mettant en évidence son insertion historique dans le tissu local et son interaction avec celui-ci (par exemple) ou encore une analyse sur l’employabilité des jeunes qui ont été scolarisés dans l’établissement…

Ainsi l’établissement scolaire ne produirait presque aucun savoir sur lui même qui lui permettrait de comprendre sa trajectoire, son évolution, son action. La plupart du temps (quand cela se produit) c’est une instance extérieure ou un chercheur qui va mettre cela en évidence. Or il s’en produit du savoir à partir de l’action de l’établissement. Mais pris dans le quotidien et dans une pratique qui est avant tout consommatrice de savoir extérieur, on en oublie qu’il y a aussi de l’expertise, de l’expérience, de la connaissance qui vit dans un établissement scolaire.

Le milieu enseignant n’aime pas s’exposer à l’extérieur de la salle de classe. Il est souvent mal connu et souvent soupçonné. Les sites internet de nombreux établissements ne permettent pas d’ouvrir (à quelques exceptions) cette boite noire. Or il y va de la légitimité de l’école dans la société. L’école primaire, avec moins de production visible est pourtant mieux lotie que les collèges et les lycées, du fait de son insertion dans le tissu local.

Restaurer la légitimité de l’école passe, pour moi, par, entre autres, une étape de production de savoirs par l’école elle-même, c’est à dire sur elle-même. Trop méconnue dans ce domaine, trop souvent liée à l’acte de consommation, apprendre à produire de la connaissance adaptée à des contextes variés, connus et inconnus (ce qui est en filigranne une des finalités de l’école envers ceux qui y passent) permettrait d’en montrer la véritable dimension d’expertise éducative au sens large. Dans un établissement scolaire s’y traite toutes les questions d’éducation en ayant pourtant pour premier prétexte l’instruction.

On me rétroquera qu’il y a des chercheurs pour cela. Mais l’écart trop grand entre le monde de la recherche et celui de l’enseignement incite à inviter chacun à faire un pas avant qu’il ne soit trop tard. C’est à dire avant que certains banalisent, industrialisent l’acte d’enseignement. Allez sur Internet et vous comprendrez…

A débattre et à réfléchir (et pourtant dans certains lieux des écoles produisent de nouveaux savoirs…)

Bruno Devauchelle

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