Un ENT, depuis le haut ou depuis le bas ???

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Les observations des difficultés de déploiement des ENT dans le monde scolaire pose la question du modèle de déploiement.
La tradition jacobine française consiste à chercher à proposer un outil central (après expérimentation ou pas) qui s’impose à tous. On voit bien ce que cela donne pour la gestion des impôts sur Internet par exemple et on en comprend bien évidemment l’intérêt surtout lorsque un modèle unique s’applique à tous. La transposition de ces modèles centralisés dans l’éducation nationale est un vieux rêve toujours réactualisé. L’essence même de l’enseignement étant l’humain, il me semble inévitable que le local l’emporte sur le global. Cependant les deux doivent aller ensemble au sein d’une institution qui entend s’adresser de manière égalitaire à tous. 
A propos du déploiement des TIC dans l’environnement scolaire, l’émergence de la notion de d’ENT se présente comme un intéressant objet d’étude. En effet depuis 2003, et surtout 2004 les ministère, relayé par les services rectoraux tentent de proposer des outils complets et clés en main. A leurs cotés, les concepteurs de toutes origines (du logiciel libre, comme du logiciel propriétaire) vont dans le même sens, a l’instar du monde de l’entreprise ou de l’administration. De surcroit des collectivités territoriales embrayent pour accéder au même projet, s’appuyant parfois, ou pas, sur les rectorats ou sur le secteur privé. 
 
Si l’on observe les pratiques sociales des TIC, mais aussi les pratiques en place dans les établissements scolaires, on remarque que « l’environnement numérique des activités » se développe en réalité de manière atomisée et pragmatique. D’une part une multiplicité de petites applications rendent des services adaptés à des besoins ponctuels et contextualisés, mais elles sont largement indépendantes les une des autres. D’autre part, des pratiques individuelles, aussi bien des enseignants, des élèves que des autres membres des communautés éducatives s’appuient sur des outils grands publics aux fonctionnalités variées et souvent aussi indépendantes que celles des établissements.
 
Ainsi le problème se trouve posé par le face à face entre un projet centralisé et des pratiques atomisées. Comment dépasser cette opposition qui risque fort de retarder une évolution possible, mais pas forcément souhaitée. Plusieurs hypothèses peuvent se présenter :
 
1 – le forcing pour imposer un ENT semble être le chemin suivi par certains. De manière souvent cahotique (chaotique ???) ce genre de projet peut tout à fait advenir si la puissance publique (état et collectivités) parviennent à s’entendre au delà des usages et des usagers. L’un des écueils est celui du rejet des usages si le produit proposé se trouve trop en écart avec les pratiques individuelles et que celles-ci semblent avoir fait leurs preuves pour les usagers (imposer un chat rudimentaire à l’époque des messageries instantanées et autres outil de visio… peut amener à des rejets forts)
 
2 – Laisser émerger les solutions par le terrain, en même temps que les difficultés pour « cueillir » le fruit mûr. Cela risque de prendre du temps et surtout rendre un ensemble de données et de pratiques intransférables. EN effet si les solutions isolées se développent sans lien, la récupération ultérieure risque d’être difficile. De plus le temps que des solutions s’imposent peut être long surtout si les concurrences sont vives et si les options sont radicalement différentes. Il y a aussi le risque que les pratiques grand public ne s’imposent à des milieux dans lesquels elles ne sont pas forcément adhoc (mais pourquoi pas ?).
 
3 – Encourager les expérimentations pour ensuite utiliser les modèles de la généralisation des innovations ou des bonnes pratiques est un autre voie retenue d’ailleurs par le ministère autour d’un cahier des charges initiales. Solution médiane entre les deux précédentes, elle présente l’avantage sur la première de la légitimité et sur la seconde de l’efficacité prouvable. Malheureusement, il semble que dans certains milieux (et pour l’instant on l’observe aussi dans l’EN) les expérimentations et les innovations ont avant tout pour vertu d’empêcher le passage à la généralisation. Cela génère des résistances en particulier chez ceux dont la solution n’étant pas retenue s’opposent à toute autre solution considérée comme meilleure par une instance tiers. On se retrouve parfois dans la situation 2
 
4 – Favoriser le développement de normes d’interopérabilités et la mise en place de logiciels « intégrateurs ». Par logiciel intégrateur, nous entendons plutôt l’idée d’une mise à disposition unifiée de ressources dispersées et qui le restent. Cette solution est techniquement très complexe quand les usages développés sont très diversifiés. Le problème de tels développement (comme le montre des produits comme elgg) est la complexité et la difficulté en particulier au niveau des identifications de la sécurité et de la confidentialité.
 
5 – Remettre à chaque personne la responsabilité de faire le lien avec ses moyens propres (informatiques ou non). C’est la solution ancienne. Sans informatique, seul le sujet peut être à même de faire le lien entre toutes ses activités et devient donc le seul à pouvoir interconnecté toutes ses traces. Le problème est double : d’une part la lourdeur du travail pour chaque personne de devoir rassembler des ressources issues d’applications multiples puis de les mettre dans un format unique, d’autre part la difficulté que chacun peut avoir pour disposer des compétences suffisantes pour effectuer ce travail de mise en lien. 
 
Il est possible que d’autres solutions existent, mais pour l’instant il me semble que nous avons là des catégories génériques qui permettent de réfléchir le développement des ENT non seulement sur un plan technique, stratégique ou politique, mais aussi de le réfléchir dans ses dimensions anthropologiques, autrement dans sa complexité
 
A suivre et à débattre
 
BD

4 Commentaires

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  1. Il me semble qu’un des problèmes fondamentaux que posent les ENT, c’est celui du retour à une organisation des données et des échanges autour de l’institution et non plus de l’individu.
    A une époque où l’on parle de plus en plus de portfolio et de formation continue, il semble difficile de demander à un individu d’enfermer successivement ses données dans l’ENT de son collège, puis de son lycée, puis de son université, puis de son entreprise.
    Mon ENT, c’est le Web et ses outils, pas ces ilôts fermés et contrôlés que l’on tente de reconstruire. Comme le dit Serge Ravet, il serait bon qu’à une logique d’intégration (ma plateforme contient tous les outils) succède une logique d’agrégation (ma plateforme facilite les connections et les échanges entre élèves, enseignants, autour de contenus produits dans ou en dehors de la plateforme)
    Je serais donc un ardent défenseur de votre solution n°4 ; les développements autour des questions techniques d’authentification qui fleurissent en ce moment sur Internet (open ID, Google et Facebook connect, etc…) sont un signe encourageant d’évolution…

    1. Effectivement il semble que l’agrégation soit une logique préférable. Mais en écart avec votre analyse, je pense que les développement qui fleurissent actuellement ne sont pas dans le sens d’une agrégation, mais plutôt dans le sens d’une captation. Comment rabattre les utilisateurs sur « Ma Solution ». D’ailleurs la logique jacobine oublie souvent ce passage obligé que les industriels du secteur connaissent : aller chercher le client là ou il se trouve pour l’amener progressivement vers le produit que je veux imposer. IBM puis Microsoft et plus récemment Google ont bien démontré ce processus, même si chacun d’eux a rapidement été mis en défaut dès lors qu’il est passé à la phase centralisatrice.

  2. Un avis de l’extérieur circonspect sur les ENT, mais avec un texte de l’auteur dudit blog en commentaire :
    http://carnets.opossum.ca/mario/archives/2008/08/pourquoi_les_ent.html
    le tout, est toujours d’actualité.
    Personnellement, la solution n°2 me parait la plus réaliste, notamment parce qu’elle introduit le facteur « durée d’appropriation » qui manque hélas trop souvent à la réussite de ce type de projet. Ce n’est pas une question de moyen financiers ou humain, pas non plus uniquement une approche de management, c’est que ces choses la prennent nécessairement du temps…

    1. Effectivement, merci d’avoir précisé le lien

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