L'appropriation des TIC par les jeunes : le malaise éducatif

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Les études sur les usages des TIC par les jeunes semblent de plus en plus souvent nous mettre, nous adultes, devant notre malaise éducatif(cf credoc 2008, Clemi 2002 2005, Landes 2008, etc…). A lire des études variées et de plus en plus nombreuses qui évoquent le fait que de nombreux parents ne savent pas ce que leurs enfants font des TIC et aussi ne s’y intéressent pas (malgré les discours), de même que celles qui évoquent l’écart entre les pratiques des jeunes et l’intégration par les adultes de l’école de ces TIC, on ne peut que faire l’hypothèse qu’il y a là la preuve d’un véritable malaise dans l’éducation moderne.
Education familial et éducation scolaire semblent, dans le domaine des TIC, développer les mêmes écarts entre jeunes et adultes. Au delà du traditionnel conflit générationnel, il semble que le problème soit davantage dans le modèle éducatif que dans la question d’une technique pour laquelle l’aisance des jeunes serait supérieure à celle de leurs ainés. L’explication technicienne me semble cacher une autre explication qui est celle de l’évolution des conceptions éducatives dans une société davantage centrée sur la réussite personnelle, individuelle que sur la réussite collective, familiale ou non. On pourrait taxer cette analyse de rétrograde ou de retardataire s’il s’agissait simplement de promouvoir un discours du retour au bon vieux temps dont on sait qu’il est une vision fausse du passé et surtout qu’il ne modifie en rien ce qui est en train de se passer.
Les modèles de développement de la société française d’après guerre ont été centrés sur la recherche du bonheur matériel. Si mai 1968 a pu sembler marquer une rupture c’est, pour moi, davantage par ce qu’il est le signal de l’illusion de cette quête que parce qu’il aurait promu de nouvelles idées ou de nouvelles conceptions de vie en société. La continuité de ce modèle n’a pourtant pas encore été entamé, tant les apparences technologiques ont masquées l’émergence d’un changement de fond, en particulier lié aux crises de l’emploi et à la recomposition des équilibres mondiaux. Cette « idéologie du bonheur » portée par des vagues technologiques successives en particulier dans le domaine de l’information et de la communication ont progressivement modifié le rapport au monde environnant. Le vertige technologique a pris des adultes mais les jeunes qui sont nés avec n’ont pas cette sensation. La rapport ambivalent que les adultes entretiennent avec les progrès techniques (sentiment de bonheur, sentiment de dépassement) est vécu bien différemment par les jeunes qui ont décidé de faire avec. Cet écart a atteint un tel point que nombre d’adultes ne parviennent même plus à rejoindre leurs enfants au travers de ces espaces qu’ils pourtant porté aux nues.
Que des parents ignorent ce que font leurs enfants avec ces outils, que des enseignants refusent d’intégrer ceux-ci dans leur pratique n’est pas à fustiger, mais plutôt à déplorer et à tenter de faire évoluer. Pourquoi ? Parce que les jeunes qui nous entourent risquent de devenir les comptables de nos aveuglements dans les années à venir, comme nous avons pu l’être avec nos parents et même davantage, et aussi parce que nous nous devons en premier lieu de proposer aux jeunes des repères que seuls les adultes peuvent construire parce que l’expérience et la distance leur permet une meilleure compréhension du monde qui entoure, s’ils acceptent d’en faire l’effort. Comment comprendront-ils par exemple que nous n’avons pas su prévenir le contrôle de tous nos mouvements par les moyens informatiques, télématiques ? Comment comprendront-ils que l’identité qu’ils ont construite dans l’insouciance de leur jeunesse se retourne contre eux plusieurs années plus tard sans qu’on les ait mis en garde ? Comment comprendront-ils ce marigaud informationnel qui tente de se constituer pour mieux empêcher le lecteur d’y voir clair et de trouver l’information dont il a besoin sans avoir besoin d’avoir recours à des procédures complexes et peu fiables ?
Or les usages que les jeunes font de ces technologies sont pour l’instant marquées par le sceau de l’envie de découvrir propre à la jeunesse. Ces découvertes sont liées à des contextes qui reposent sur l’interaction entre plusieurs aspects de leur vie quotidienne, scolaire, amicale, familiale. Si deux de ces trois contextes se montrent incapables d’assurer le moindre accompagnement, comment peuvent-ils donc construire un devenir adulte, les TIC ne sont qu’un exemple ô combien révélateur. Le malaise éducatif serait donc ce sentiment qui émerge de la méconnaissance, avouée par les adultes, connue par les jeunes, d’un objet pourtant partagé, voire imposé par les adultes dans la sphère quotidienne.
La légitimité de l’éducateur tient souvent à sa maîtrise personnelle des contextes pour ensuite autoriser les « éduqués », non pas une maîtrise factuelle, mais surtout une maîtrise conceptuelle, philosophique et psychologique. Or dans ces domaines ne sommes nous pas de plus en plus souvent défaillants, constatant, à retardement, les dégats que nous avons commis, y aurait-il à reconstruire une écologie éducative pour laquelle les TIC nous fournirait une base de réflexion ?
A débattre
BD

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