Comment ne pas devenir ministre de l'éducation ?

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Pascal Bouchard est l’auteur d’un petit essai intitulé « Ecole cherche ministre » (ESF 2006) qui a de forte chance de ne pas être lu par les enseignants et de l’empêcher de devenir un jour ministre. Certes l’auteur se défend de toute méchanceté, de toute provocation, de tout parti pris (p.126) et pourtant il ne sait probablement pas qu’il a mis le doigt là où souvent ça fait mal. Pour lire ce livre on peut avoir deux postures : ou c’est les autres et c’est pas moi qui sont visés, ou il m’attaque frontalement il me veut du mal au travers de cette « description neutre » .

Dans le premier cas, j’ai lu ce livre comme une plaisante observation de tous les petits travers de l’éducation nationale, et il est plutôt réussi. Dans le deuxième cas, j’ai lu ce livre comme une énième attaque contre « mon métier » celui qui fait que depuis trente années j’oeuvre en éducation.

Dans les deux cas de toutes façons ce livre glisse sur moi comme l’eau sur les plumes du canard… D’ailleurs, si je comprends ce que nous dis l’auteur, est-ce que je vais lire son livre ? Car il observe que les enseignants lisent surtout leurs manuels scolaires et parfois quelques autres ouvrages de leur discipline, mais en tout cas sont désormais loin des penseurs de l’enseignement dès lors qu’ils leurs proposent de « changer »….

Observation fine du système, l’ouvrage de Pascal Bouchard vise certes à faire réagir les uns et les autres (car tout le monde est concerné par son ouvrage), mais il n’est pas sûr qu’il puisse atteindre son objectif second (participer d’une prise de conscience) et pas même son premier (concerner un futur ministre…). Toutefois si l’on observe que ce genre d’ouvrage est principalement lu par les « cadres intermédiaires » de l’éducation, on peut penser qu’à moyen terme les quelques propositions qu’il fait vont recevoir un écho.

Au premier rang de ces propositions celle de prendre à bras le corps le risque de judiciarisation du système. En effet l’analyse de l’auteur reprend des éléments qui frémissent depuis plusieurs années et semblent prendre d’autant plus corps aujourd’hui que l’école entre dans le monde de la logique des résultats… et dans celui d’une légitimité bousculée par une violence de plus en plus prègnante dans les esprits.

Trois propositions terminent l’ouvrage : les bassins d’établissements scolaires, la mise en lien de l’école avec son environnement, assouplir la carrière des enseignants. Présentées comme moyen de dégripper le système, ces propositions peuvent aussi se traduire de la façon suivante : le bon échelon de décision c’est le local et le contextualisé; le moyen d’agir c’est la sortie de l’isolement, la nécessité ultime une véritable gestion des ressources humaines en particulier des enseignants.

Nous saluons cet ouvrage, même s’il ne parvient pas dans les boites à lettres souhaitées, car il a le courage de faire un tour assez large de la question du pilotage du système en pointant en particulier les freins à ce pilotage. A l’instar de l’inspection générale dans un rapport sur le B2i en 2001, l’auteur remarque que chacun, à son niveau, dans cette institution se considère comme un maillon incontournable du système mais en aucun cas comme un rouage, docile ou non, et tient à sa liberté estimant que le statut autorise à s’affranchir même de ce système qui l’emploie et de ses décisions… ce qui inévitablement amène à un immobilisme grandissant…

Oui la carte scolaire peut être relue en regard des réalités locales; oui l’Ecole est avant tout une donnée du monde du local et du territoire proche; oui les métiers de l’enseignemet sont des métiers qui enferment la liberté en encadrant la responsabilité sans vouloir réellement la donner à chacun des acteurs.

Car finalement l’auteur nous invite à la responsabilité du haut en bas de l’appareil, du système : autrement dit il invite à prendre des risques au moment même ou la judiciarisation pourrait devenir le moyen de définir l’Ecole par le droit alors qu’elle a d’abord besoin de se redéfinir, mais pas seule.

A débattre

BD

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