L'exemple n'est pas la preuve

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Un reportage présenté dans « Envoyé spécial » du 22 février mettait en parallèle « public et privé ». La journaliste qui avait effectué le reportage a expliqué comment elle a travaillé (parmi 12 collèges, il a fallu convaincre et pendant 5 semaines chacun des deux collèges d’accepter une caméra dans les instants « significatifs » de leur vie quotidienne. Le scénario est intéressant car on oppose presque terme à terme (CPE, problème d’horaire, problème de discipline, place de l’exclusion etc…) les « façons de faire. Malheureusement, et là encore le média télévision, mais aussi la déontologie professionnelle des journalistes, sont mis en question. Le premier car il oblige à des racourcis dans le temps et qui une fois le montage effectué doit tenir dans le format proposé. La deuxième parce qu’elle est toujours questionnée par les choix effectués : pourquoi commencer en montrant des profs du publics en retard (2 parmi combien ?) par rapport à des profs du privés en avance dans leur classe (un café à la main…). Pourquoi terminer pas l’exclusion d’un élève du privé aux résultats pas si mauvais, mais exclu par un directeur sur de son projet et justifiant « pédagogiquement » selon ses dires, mais « psychologiquement » si on lit scientifiquement son argumentaire, en face d’un conseil éducatif du public (sans les éducateurs) pour une jeune fille manifestement enfermée dans son opposition à l’école et dont l’équipe malgré toute sa compassion et son professionnalisme constate son incapacité à gérer.

Ainsi le spectateur non averti pourrait lire ce reportage comme le privé c’est sélectif et disciplinaire, le public c’est ouvert à tous, parfois laxiste et compassionnel.

Un absent de marque dans les outils de décodage de ce reportage : la hiérarchie. En effet on ne nous explique pas qui a guidé et autorisé les journalistes vers les établissements concernés : la direction diocésaine de Paris, le recteur… La seule chose que l’on nous dit et celle là est essentielle : les enseignants ont joué le jeu et sont tous très professionnels .

Ainsi les exemples donnés ici doivent donc être pris « seulement » comme des exemples et surtout pas comme des preuves. Le média télévision démontre clairement ici ses limites : il faut élaguer pour garder le public : celui des parents qui veulent de la rigueur dans les beaux quartiers, celui des parents pauvres qui veulent que leurs enfants aillent à l’école, celui des enseignants qui sont finalement assez valorisé (la compassion existe dans les deux établissements, mais elle ne se vit pas de la même manière ni par rapport au même public), celui des hiérarchies qui s’y retrouveront bien. Et c’est là que les journalistes ont bien travaillé : ils ont su trouver le ton pour ne pas se mettre à dos l’enseignement catholique de Paris et le rectorat d’académie d’Ile de France. Chacun trouvera chez l’autre matière à critique et chez lui matière à réconfort.

Attention donc, évitons d’ériger l’exemple en preuve, dommage que le titre de l’émission et le propos de la journaliste ne soit pas suffisamment explicite. Ce que nous avons vu n’est pas l’essence de tous les fonctionnements du privé et du public. N’oublions pas non plus la personnalisation de certains acteurs dans le reportage. Les choix faits, chefs d’établissement, CPE, quelques enseignants et quelques élèves est significatif mais pas représentatif. Ce n’était pas l’intention, mais cela aurait été bien de le confirmer.

Instructif et plutôt bien construit ce reportage a le mérite de faire un travail d’aide au décryptage de ce que peuvent être certaines pratiques, souhaitons qu’au delà de ces exemples le public soit incité à aller plus loin dans sa lecture des choses. En effet le risque est grand de « classer » les établissements. Oui il y a des enseignants du privé en retard, des établissements privés qui accueillent des élèves en difficulté sans les sélectionner… Oui il y a des établissement publics rigoureux, des établissements publics élitistes.

La liste pourrait être longue. A chacun de nous de faire la part des choses, de ne pas ériger l’exemple en preuve, mais avec quels outils… ?

BD

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