Réinventer les TICE

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Plusieurs lectures récentes (rapports IGAEN en France, Mediappro au Québec etc…) ainsi que l’observation récente de jeunes enseignants en fin de formation croisent mes propres travaux menés il y a trois années sur les usages des TIC par les jeunes. Au delà des constats souvent négatifs que nous avons été amenés à faire sur la difficulté de l’école face à ces TIC, il est désormais temps d’interroger le système éducatif sur sa capacité inventer de nouveaux usages éducatifs des TIC. Disons le plus simplement, ces usages existent déjà (au moins en partie), mais ne sont pas (encore ?) portés par le système lui même. Or si nous voulons que les jeunes enseignants « osent » ces usages, il faut encore leur « ouvrir » (?) le passage pour qu’ils puissent le faire.

Prenons un exemple. Autour des blogs, que ce soit de ceux que Mario Asselin avait développé dans son école avec le portfolio, ou que ce soient les nombreux essais faits par des enseignants au cours des deux dernières années, il y a un gisement de possibles ô combien intéressants et surtout riches en matière de pédagogie. Or que lit-on dans les médias de masse ? méfiance, surveillance, punition (voire la récente affaire de la PEI au Québec) avant tout. Comment lire l’intérêt pédagogique de tout cela, quand en plus les pédagogies actives sont souvent accusées au profit des pédagogies transmissives.

Quels sont donc ces gisements d’invention qui vont bien au-delà de l’éducation au média ou de l’apprentissage d’internet et de l’ordinateur ? Regardons simplement les trois activités centrales disponibles : s’informer, produire, communiquer. Questionnons aussi les éléments clés de ces possibles activités : observer, comprendre, analyser, traiter, diffuser, partager. Une analyse globale de ce qu’est apprendre dans nos sociétés est bien en correspondance avec cela. Or qu’observons nous ? Que les jeunes s’approprient davantage qu’ils n’apprennent les TIC. Dès lors pourquoi ne pas poser la question d’une école qui serait un espace non pas seulement d’apprentissage, mais surtout d’appropriation (entre autres des TIC, mais pas seulement). Mais pour parvenir à cela il faut que le système éducatif définisse différemment le projet qu’il a par rapport aux TICE : quel environnement TIC scolaire cohérent proposer pour amener les jeunes à développer cette appropriation. Le projet ENT aurait pu etre une piste intéressante, mais ne manque-t-il pas d’un véritable « projet pédagogique » ?

C’est à une nouvelle vision du monde scolaire que ces constats nous amènent. Cette nouvelle vision repose sur l’idée que l’appropriation d’un monde par les jeunes est un des éléments clés de l’apprentissage et non pas l’inverse. Que le système scolaire soit déjà un monde que les jeunes s’approprient déjà est un fait, ils apprennent leur métier d’élève. Mais ce monde qui se réduit de plus en plus à l’apprendre concurrentiel (modèle qui recouvre l’ensemble programmes notes comme le montre si bien François Roger Gauthier dans ses récents écrits) demande à être renouvelé du fait même de ce nouveau vivre ensemble qu’induisent les TIC. L’exemple de l’appropriation sociale des TIC, pendant que l’école se pose la question de sa place par rapport à ce phénomène, montre qu’il ne suffira pas de cours d’informatique ou de sensibilisation dans les disciplines pour développer cette vision renouvelée que l’école, selon moi devrait porter. Il est temps d’inventer un « vivre avec » qui permette de dépasser cette approche de la seule méfiance qui semble prévaloir trop souvent. Ce evivre avec » ne doit pas être l’apanage des seuls branchés ou jeunes. Il est le fruit d’une réflexion collective des équipes éducatives qui doivent désormais inscrire dans les projets d’établissement avec une force suffisante ce que pour elles représente ce contexte d’appropriation scolaire que l’on veut proposer aux élèves. Il sera ensuite temps de décliner pour chacun ce que cela l’amène à faire. Or pour l’instant c’est plutôt l’inverse qui se produit : on fait localement, individuellement, et l’on ne cherche pas un sens collectif à l’action dans ce domaine. On attend peut-être trop du ministère, des dirigeants, alors que c’est au plus près du quotidien que doivent pouvoir se penser ces « projets éducatifs ».

A débattre

Bruno Devauchelle

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