Les TIC vues par le président

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Dans sa lettre aux « éducateurs », Le président de la république évoque à plusieurs reprises la place des TIC dans le paysage social et scolaire et en propose une analyse. Après l’avoir présentée, il est intéressant de l’analyser afin de tenter de comprendre les enjeux sous-jacents à de tels propos, surtout au moment ou le nouveau sous directeur de la sous direction des TICE au ministère vient d’être nommé. Celui-ci devrait rapidement avoir une feuille de route que l’on peut penser inspirée de ce discours, mais aussi des divergences voire des tensions perceptibles, entre le président et le ministre de l’éducation.

En premier lieu la fin de l’introduction du texte est claire et sans ambiguïté quant aux intentions :

Passage 1 (p.7) : « Nous ne referons pas l’école de la iiie République, ni celle de nos parents, ni même la nôtre. Ce qui nous incombe c’est de relever le défi de l’économie de la connaissance et de la révolution de l’information. »

Ainsi le propos vise bien à proposer à l’école de s’adapter à cette évolution… mais la suite du texte ne va pas forcément dans le même sens

Les deux passages explicitement évocateurs de cela sont présentés ici en prenant soin de ne pas extraire seulement une ou deux lignes mais en essayant d’en donner l’environnement proche pour mieux en comprendre le contexte. Dans d’autres passages on peut faire des rapprochements avec le domaine des TIC mais cela suppose que le lecteur ait ce prisme de lecture.

Le premier passage est accompagné des phrases qui précèdent cette évocation car elles le justifient. Le deuxième paragraphe est lui la synthèse d’un long passage qui est repris dans cette sorte de sous conclusion.

Passage 2 (p.10) : « On ne lui rend pas service en lui disant toujours oui. Le sentiment de l’impunité est une catastrophe pour l’enfant qui teste sans cesse les limites que lui impose le monde des adultes. On n’éduque pas un enfant en lui laissant croire que tout lui est permis, qu’il n’a que des droits et aucun devoir. On ne l’éduque pas en lui laissant croire que la vie n’est qu’un jeu ou que la mise en ligne de toutes les connaissances du monde le dispense d’apprendre. Les technologies de l’information doivent être au coeur de la réflexion sur l’éducation du xxie siècle. Mais il ne faut pas perdre de vue que la relation humaine entre l’éducateur et l’enfant reste essentielle et que l’éducation doit aussi inculquer à l’enfant le goût de l’effort, lui faire découvrir comme une récompense la joie de comprendre après le long travail de la pensée. »

Dans ce passage on constate la défiance face à l’aspect ludique et virtuel lié à ces technologies. Sans pour autant les réduire à ces seuls dangers, on ne peut que s’interroger sur le sens de cette première allusion. Il est certain qu’elle correspond à un discours « populaire » souvent entendu : risque de perte de sens de la réalité (droits, devoirs), de la relation humaine, sens de l’effort.

Passage 3 (p.19) : « À l’époque de la vidéo, du portable, d’internet, de la communication immédiate, nos enfants n’ont pas moins besoin de culture générale mais davantage. Ils ont davantage besoin de capacités d’analyse, d’esprit critique, de repères. Plus le monde produit de connaissances, plus il produit d’informations, plus il produit de techniques, plus est forte l’exigence de culture pour celui qui veut rester libre, qui veut maîtriser son destin. Dans le monde tel qu’il est, avec ses sollicitations de plus en plus nombreuses et prenantes, nos enfants ont besoin de plus d’humanisme et de plus de science. Sur ces deux terrains, nous avons trop cédé. »

Se « muscler » culturellement pour rester libre est le maître mot de ce passage qui propose une lecture de défiance vis à vis de technologies dont l’usage aurait éloigné de l’humanisme et de la science.

Comment relire ce discours et ces passages pour mesurer la place à donner aux TIC dans les années à venir ? – Force est de constater que le premier mot est « méfiance » ! Le deuxième est « valeurs » dont la rappel est explicite pour affronter le monde actuel. – Il n’y a pas d’analyse de fond sur le bien fondé de ces technologies et le sens à leur donner, mais plutôt un constat d’état de fait (qu’on retrouve ailleurs avec la multiplication des savoirs, l’évolution de la culture adolescente) qui doit amener l’éducateur à agir.

Pour reformuler ma compréhension de ce texte, les TIC sont un fait de société dont l’éducateur doit, au nom des valeurs et de la culture (qui peut aussi être vue comme une valeur) se méfier. En tant que « fait de société » elles sont présentées comme indépendante de l’action volontariste de l’humain. Comme si on n »y pouvait rien et qu’il fallait l’accepter. On peut penser que la vision sous-jacente est celle d’un monde dans lequel il y a la société et ses évolutions et d’un autre une éducation qui « résiste ». A aucun moment il n’est fait, dans ces passages, allusion à la possibilité d’inventer de nouveaux modes de vivre ensemble, une nouvelle forme sociale qui serait par exemple participative, collaborative, démocratique et transparente…

Citons ce passage situé en fin de texte pour enrichir notre propos :

Passage 4 (p.30) : « Chacun d’entre vous comprend que la révolution du savoir qui s’accomplit sous nos yeux ne nous laisse plus le temps pour repenser le sens même du mot éducation. »

Que penser d’une telle phrase d’autant plus qu’elle est suivie des mots menace et d’un appel à Jules Ferry et aux Lumières (en contradiction avec le début du texte…) ? Ces allusions montrent, pour moi, la pauvreté intellectuelle qu’il y a à se limiter à ces auteurs et ces références. La science, la philosophie, la sociologie, l’économie,.. ont beaucoup apporté depuis à la compréhension et au pilotage du monde dans lequel nous vivons. Depuis 1945 en particulier, le monde à changé… du fait même des TIC. 1973 et le premier grand choc pétrolier ont donné encore une fois le signe du changement et cette fois-ci à une autre échelle et dans un autre sens. Les TIC ont leur part dans ces évolutions, chaque journée nous le confirme. Ni les lumières, ni Jules Ferry ne sont à ce jour suffisants pour comprendre et justifier une pédagogie, une éducation dans un tel monde. Mais la lecture des philosophes, scientifiques et autres intellectuels est chose difficile pour le politique qui travaille surtout dans le court terme. Le rappel de certains fondements, soigneusement choisis, est malheureusement un piège… pour celui qui les revendique surtout s’il prétend fair oeuvre nouvelle…

Les TIC, il faut donc s’en méfier… il n’y a donc pas beaucoup de raisons qu’elles prennent davantage de place dans un système éducatif tel qu’il est proposé. Attendons la suite des mesures annoncées pour contredire ou conforter notre hypothèse.

A débattre, et à suivre bien sûr…

BD

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