Innovantes, bonnes, efficaces… quelles pratiques ?

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Le souhait toujours de renouvelé de voir l’école « évoluer, s’améliorer, progresser » est une sorte de leitmotiv constant des discours, officiels ou non sur l’école. Derrière ces discours on peut entendre en particulier la volonté politique de faire en sorte que l’école « s’adapte »… soit aux réalités du moment, soit à celles perçues comme à venir, soit aux vlontés politiques elles-mêmes. Au cours des dix dernières années un glissement s’est opéré tout au moins dans les discours et les objets promus.

L’intérêt pour les usages et les pratiques est apparu particulièrement en France depuis 1980 (et un fameux ouvrage de Michel de Certeau toujours cité). En éducation, et en particulier dans le domaine des TIC, l’approche par les usages s’est fortement développé au cours des années 1990, comme en témoigne un ouvrage que celui de G L Baron et Eric Bruillard sur les usagers des technologies en éducation. Très récemment (ces mêmes auteurs y ont participé) le Sceren CNDP publiait un dossier spécial sur les TICE et leurs usages. Comme on le voit il y a désormais une centration sur les usages dont la cerise sur le gateau est l’observatoire des usages du CNDP.

Cet intérêt nouveau sur les usages vient en particulier du caractère « d’irréductible gaulois » que l’usage oppose au prescripteur. Ainsi face à une directive gouvernemental, la mise en oeuvre, l’usage pour ainsi dire est souvent bien éloigné, ou bien difficile à percevoir dans des délais raisonnables… Ainsi en est-il particulièrement du B2i dont le ministre de l’éducation, à l’instar des travaux publiés précédemment a reconnu qu’il était loin d’être mis en place alors que cela fait quand même près de 7 années qu’il a été instauré.

Devant tant de résistance les politiques, assistés en cela par de nombreux conseillers et surtout les plus avides de changements, on voulu trouver des solutions. La création du Conseil national de l’innovation (CNIRS désormais défunt)a la fin des années 90 (si notre mémoire ne nous fait pas défaut) en a été un bon exemple : rassemblons les pratiques innovantes et diffusons les. Après la disparition de cet organisme le terme innovation a été remplacé par celui de « bonnes pratiques ». Cette évolution n’est pas anodine. Fini le nouveau, place au bon. Autrement dit si une nouvelle pratiques était mise en place elle n’était pas forcément une bonne pratique. En effet nombre d’innovations et d’innovateurs peuvent porter l’empêchement de la diffusion de l’innovation (à moins que ce ne soit les structures elles mêmes qui, trop dérangées par ces innovations ne les refuse comme le montre aussi Norbert Alter dans son ouvrage sur l’innovation ordinaire). Passer à une bonne pratique c’est se dire que l’on peut en juger et les diffuser sur la base de ce jugement. Mais qui peut donc dire qu’une pratique est bonne ? C’est à cette question posée qu’apparaît une variété de réponses qui montrent que cette notion est encore bien floue. Ce qui peut sembler une bonne pratique pour celui qui la vit n’est pas forcément perçu de la même façon par quelqu’un de totalement extérieur, ou encore par quelqu’un de proche, mais différent, par exemple. Celui qui estime bonne une pratique ne peut le faire s’il n’explicite par ses critères et ses indicateurs. Du coup la tentative de diffusion des bonnes pratiques n’a pas obtenu de meilleurs résultats que la diffusion des innovations. Pourtant on pouvait penser que l’a priori sur l’innovation étant tombé, on pourrait enfin changer réellement et adopter les bonnes pratiques.

Mais les faits sont tétus. Mettre en avant une pratique parce que « on » la juge bonne n’est pas un gage pour s’assurer de sa diffusion. Dès lors comment faire évoluer les choses. C’est là qu’apparait le terme de « pratique efficace ». C’est ce que le ministre de l’éducation vient de dire dans son discours sur les TICE du 21 novembre. Quel est le changement ? Passer de bonne à efficace c’est choisir un critère parmi d’autres. Définie ainsi : « une recherche inlassable de l’efficacité pédagogique qui permette de réassurer la légitimité des connaissances dispensées »… »un véritable intérêt pédagogique »… »contribuer efficacement au bon fonctionnement du processus de transmission des savoirs et par là-même à la réussite de tous les élèves ». Comme on le voit les choses se précisent, ou au moins tentent de le faire.

D’ailleurs on peut lire un peu plus loin : « Pour que les T.I.C.E soient véritablement efficaces, il faut donc veiller à privilégier les pratiques et les usages dont l’apport est attesté, au détriment de ceux dont l’intérêt n’est qu’incertain. »

On retrouve ici pêle mêle les expressions de : légitimité des connaissances, processus de transmission, réussite de tous, apport attesté et intérêt incertain.

Ainsi la recherche de l’efficacité est -elle désormais prônée. On pourra s’attendre dans les prochains mois à trouver le terme efficience pourrait sembler logique, tant il est probable que cette injonction ministèrielle n’aura pas plus d’effet. En fait le ministère se heurte au moins à deux difficultés : d’une part celle d’identifier des pratiques qui peuvent être généralisables et d’autres part de développer la généralisation de ces pratiques. Dans le domaine des TICE et plus généralement dans celui de l’éducation la généralisation est souvent relative, du fait du contexte d’émergence et de développement d’une pratique. Hormis les situations explicitement coercitives, nombreux sont les exemples ou la généralisation souhaitée a échouée, même pour certaines lois… On aura vite fait d’invoquer soit l’absence de sens professionnel du fonctionnaire soit la liberté pédagogique. La récente publication des 10 compétences pour enseigner (janvier 2007) commence par celle « d’agir en fonctionnaire ». La nécessité de préciser cela montre bien que ce n’est pas aussi nettement perçu par ceux qui choisissent de le devenir. D’autres invoqueront la sacrosainte liberté pédagogique réactivée (elle s’appelait autonomie dans celle de 1989) dans la dernière révision de la loi d’orientation. Au nom de cette liberté, je refuse certaines injonction et transforme celle-ci comme je le souhaite. On le voit imposer la généralisation de certaines pratiques, fussent-elles efficaces relève de la gageure en éducation… et donc pour les TICE.

On est donc passé de l’innovation à la bonne pratique puis à la pratique efficace comme vecteur de généralisation souhaitée. Cette dernière approche, comme les précédentes, peut être vue sous l’angle de l’idéologie sous-jacente. On est passé de l’idéologie du progrès à celle du jugement, puis de celle du jugement à celle de la rentabilité. Pas trop étonnant ce constat, si l’on en juge par les positions politiques des uns et des autres. Et pourtant toujours aussi improductif (pour filer la métaphore économique).

A moins que… l’idéal ne soit « innovant, bon et efficace » (peut-être… le bon le brute et le truand… ?)

A suivre et à débattre…

BD

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