Nouveaux programmes en France et TICE

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Incontestablement les nouveaux programmes de l’école primaire et ceux du collège (mis en consultation) ne savent pas quoi faire des TIC. Leur présence est quasi nulle avant le cycle 3 de l’école primaire et n’apparaît pas de manière renouvelée dans les textes sur le collège.
Certes on pourra dire que le B2i est conforté. Certes on pourra dire que les enseignants de technologie ont une place importante dans la formation des élèves aux TIC et c’est tant mieux. Malheureusement cela cache une absence de réflexion de fond sur le sujet à moins que ce ne soit un embarras face à l’évolution des TIC dans la société.
Sans risquer le procès d’interprétation sauvage, le retour aux fondamentaux n’a pas repéré la place nouvelle prise par les TIC dans le paysage quotidien des enfants nés avec ces outils. Le discours de certains, qu’ils soient philosophes, pédagogues ou polémistes, n’a pas fait le pas d’une réflexion de fond et l’a probablement esquivé. Certes, on évoquera le discours d’une pureté fondamentale de l’école qui impose de la mettre à distance des modes, et qui s’est satisfait depuis longtemps de références classiques comme suffisamment solides pour aborder le monde actuel.
Malheureusement, même si c’est banal de le dire, le monde change…. Et ce ne sont pas les machines, les artefacts qui en sont le signe le plus fort, même s’ils en sont le relais fondamental. Ce sont bien davantage les « incarnations » quotidiennes au sein du « construit social » que se situe cette évolution. L’anthropologue ou l’ethnologue viendraient probablement à notre secours tant les changements collectifs et individuels sont visibles et tant leur traduction dans l’être au monde, l’être aux autres et dans le processus d’individuation est évidente. Mais peut-être pas suffisamment stabilisée pour commencer à élaborer une théorie générale.
La scolarisation des individus, parce qu’elle participe aussi de ce processus d’individuation, se trouve confrontée à un « conflit de loyauté » vis à vis de ceux qui la vivent. Les programmes scolaires sont la traduction de ces choix de société et de cette conception de l’homme. Or nous pouvons nous apercevoir avec les TIC et une nouvelle fois, après le débat sur les automatismes, que cette conception tend à dichotomiser le monde et en occurrence nous propose cette prise de position : l’emprise social des TIC ne doit pas intégrer l’école au risque de faire perdre à la population une « pureté fondamentale ». Ce qui par rebond amène à considérer que c’est le hors scolaire qui fera le tri et qu’il sera temps, peut-être plus tard, de se pencher sur la question. Comme pour le livre, est en train de se construire une aristocratie numérique, entourée de classes moyennes complices, qui se donne les moyens personnels d’intégrer les TIC dans la vie quotidienne non scolaire et de construire à partir de là un nouveau pouvoir.
La véritable fracture numérique n’est pas dans l’accès mais dans la construction des usages raisonnés. Le B2i avait vu juste, malheureusement il s’est rapidement scolarisé afin de pouvoir survivre « a minima » (cf. le JO du 27 décembre 2007 sur le B2i au Brevet). Les programmes que nous lisons actuellement nous apprennent que les enfants n’abordent pas explicitement et globalement l’usage des TIC avant le cycle 3 (hormis une compétence anecdotique au cycle 3). Dans le même temps on nous parle à juste titre de l’importance des premières années de la scolarisation. En excluant les TIC de celles-ci les responsables établissent une hiérarchie des valeurs qui ne profitera qu’à ceux qui auront la possibilité d’intégrer les TIC dans leur espace éducatif personnel. Or c’est dès le plus jeune âge que se construisent ces modes de relation au monde environnant. Et on a oublié d’aider l’école à accompagner cette part de la construction de « l’être au monde » que constitue aujourd’hui l’usage pluri-quotidien des outils numériques.
On me reprochera peut-être de ne pas donner acte de ce qui est écrit dans le texte comme marque de la volonté réelle. Effectivement, le déplacement du problème n’est pas fait. On analyse les TIC en 2010 comme on analysait la télévision en 1965. Il suffit de tourner la tête « volontairement » pour se rendre compte que la machine qui parfois aide à « fabriquer des girouettes » de la réflexion, est aussi le plus puissant outil culturel contemporain… Mais nous ne parlons pas de la même culture, c’est probablement la raison de notre prise de distance avec ces programmes.
A débattre
BD CEPEC

2 Commentaires

  1. Je vous rejoins entièrement : c’est l’émergence d’une culture que nous avons à accompagner au sein de l’école…
    Mais je vais aller jusqu’au bout de ma pensée :
    Les programmes peuvent-ils traduire ce mouvement dans la mesure ou d’une certaine manière il questionne le fonctionnement du système qui les produit ????
    Quelle est la part de responsabilité individuelle et collective des enseignants face à ce décalage et vis à vis de l’avenir des enfants qu’ils accompagnent ?
    Quelles sont leurs marges de manoeuvre pour agir de façon responsable ?

    • Bruno Devauchelle sur 24 mai 2008 à 09:52
    • Répondre

    En réponse à Florence Meichel, voici quelques éléments de réflexion que je vous soumets : — Les programmes peuvent-ils traduire ce mouvement dans la mesure ou d’une certaine manière il questionne le fonctionnement du système qui les produit ???? Les programmes sont effectivement le reflet du système qui les produits. Cependant ils peuvent évoluer, mais sous conditions. Or ce sont ces conditions qui ne sont pas toujours remplies. La première est la connaissance par les auteurs des programmes, mais plus encore par ceux qui les pilotent politiquement des enjeux réels du développement des TIC dans la société. Les lobby (entre autres industriels et politiques) ont tout intérêt à ce que l’on n’intègre pas réellement ces TIC car il y aurait peut-être risque de dénonciation de leurs manières d’agir et surtout de leurs intentions cachées…. — Quelle est la part de responsabilité individuelle et collective des enseignants face à ce décalage et vis à vis de l’avenir des enfants qu’ils accompagnent ? En France la liberté pédagogique est dans la loi (cf loi d’orientation de 2005). Individuellement chaque enseignant est responsable d’un grand nombre de choix et en premier celui de sa propre culture. Quand on constate que le passage d’une pratique personnelle à une pratique en classe ne se fait pas, on se rend compte de ces choix. Il y a donc, dans ce cadre une vraie responsabilité, mais pas plus que celle des parents par exemple… Sur un plan collectif les choses sont plus compliquées pour moi. En effet quand on observe la difficulté à travailler collectivement dans les établissements on mesure que l’idée d’une responsabilité collective est difficile à mesurer. SI on se place du point de vue institutionnel, par contre, l’action collective des représentants des enseignants est mesurable et donc sa responsabilité. On peut considérer que la priorité n’est pas dans le domaine des TIC en général, en tout cas pas au delà des discours…. —Quelles sont leurs marges de manoeuvre pour agir de façon responsable ? Pour moi la marge de manoeuvre principale est individuelle, personnelle. Dans un contexte de liberté pédagogique, malgré les programmes qui peuvent parfois être trop contraignant, il est très souvent possible d’intégrer cette dimension des TIC. Si l’on regarde le collectif du café pédagogique (les membres actifs), par exemple, on s’aperçoit qu’il y a de la place…

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