noter, ne pas noter, là est la question de l'évaluation des enseignants…

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La confusion entre évaluation et notation continue avec les émois à propos d’un site de notation des enseignants. Dans la forme scolaire française (francophone ?) la note reste la seule formalisation de l’action. Après celle de l’élève, celles du prof… Il faut dire que la tradition enseignante en matière de note a la vie dure et que celle-ci est encouragée par la population (cf le canton de Genève l’an dernier). Du coté des enseignants lorsque l’on travaille sur l’évaluation, Le premier changement à opérer est celui de la distinction entre évaluation et contrôle. Le deuxième changement concerne la distinction entre évaluation formelle et évaluation informelle. Le troisième changement concerne la question de savoir ce que l’on évalue et par rapport à quel référent.

Enfin après cela on entend souvent, oui mais alors cela devient très lourd d’évaluer… c’est plus simple de mettre une note. Et on met alors le doigt sur ce qui me semble être un point nodale des querelles du moment sur la notation. Grace à la note je peux juger sans me justifier. Même si je mets des critères, ils ne sont le plus souvent pas objectifs et surtout ils ne peuvent se retrouver confondus dans une note. L’enseignant de mathématique qui retire des points pour l’orthographe ou la présentation d’un devoir évalue-t-il le niveau de mathématique ou l’élève dans sa globalité qu’il perçoit autour de ce halo que constitue les indices qu’il prélève de la copie…

Il me semble qu’il faut reposer plus fondamentalement le problème de « l’industrialisation » de l’enseignement. Contrairement à une image d’artisanat souvent colportée, le système éducatif actuel est avant tout industriel. Même si certains systèmes sont plus ou moins « industrialisés » on peut observer que bon nombre de systèmes éducatif, pensant logiquement en terme de rapport cout-performance, renforcent l’idée que le modèle industriel en place fonctionne. On regroupe des élèves pendant un an dans une classe avec un ou des enseignants et un programme et on demande à la sortie des notes et des décisions d’orientation (surtout négatives dans le système français). Effectivement nos collègues économistes de l’éducation en font leur choux gras en évitant souvent d’utiliser le terme « d’industrialisation ».

En inventant l’école pour tous Jules Ferry a posé les bases de l’industrialisation de l’éducation. Cette vision toujours acceptée actuellement a certes ses raisons économiques d’exister, mais va en réalité le plus souvent à l’encontre des besoins réels des jeunes et donc des élèves. Le modèle des grands médias de masse dont a vu les limites pour l’enseignement à distance (cf la télévision scolaire des années 60) est quasiment reproduit dans de nombreux établissements à l’échelle de la classe.

Dans un tel contexte la note est un outil économiquement rentable. Il permet d’éviter d’entrer dans la réelle complexité de l’évaluation et ensuite permet de « trier » les élèves. Pour ce qui est de la « notation » des enseignants, le système éducatif français fait fort en la matière avec cette fausse évaluation notation par le chef d’établissement qui est souvent contrée par celle de l’inspecteur, elle même contrée par la modulation administrative et dont les conséquences sont, contrairement à ce que certains peuvent écrire, très faibles dans la réalité de la carrière enseignante.

Imitant leurs maîtres les initiateurs du site de notation (dont la plus part des contenus sont bidons et largement bidonnés par les usagers) ont en réalité ouvert une boite noire dont personne ne souhaite voir le fond (si tant est qu’elle existe). Outre qu’ils oublient que les enseignants sont constamment évalués – mais pas notés – par leurs élèves (allez à la sortie des établissements dans les groupes d’élèves et vous comprendrez) et aussi par les parents, ils invitent involontairement à rétablir l’équilibre entre le pouvoir discrétionnaire qu’à celui qui met la note sur celui qui la subit. EN se plaçant sur le même registre, les initiateurs de ce site font une belle provocation dans laquelle les enseignants feraient mieux de ne pas tomber au risque de se voir mis en cause fondamentalement sur leur pratique quotidienne de la notation.

Par contre il faut profiter de l’occasion pour engager des réflexions sur ce que c’est évaluer réellement et l’intérêt qu’il peut y avoir à développer une véritable culture de l’évaluation qui permette à chacun de progresser à partir de l’identification de ce qu’il a acquis et de ce qu’il lui faut encore acquérir. Or l’apanage de ceux qui réussissent, dans un système de notes, c’est la capacité à effectuer cette traduction : j’ai telle note, qu’est-ce que cela signifie en terme d’acquisition. Au parent on peut donner ce conseil : lorsque votre enfant revient à la maison avec des notes, demandez lui pour chacune : « qu’est-ce que tu as su faire ? Qu’est ce que tu n’as pas su faire ? Peux tu expliquer ce résultat et comment tu aurais pu le modifier ? »

A débattre

BD

2 Commentaires

    • e.vincent sur 8 février 2008 à 08:21
    • Répondre

    Je suis assez d’accord avec vous mais pour arriver à ce résultat là peut-être faudrait-il parler davantage de formation que d’enseignement (souvent résumé à des contenus et des programmes)…mais comme vous le disiez dans un précédent article à propos de l"’acceptabilité" dans l’utilisation des TIC , le poids de l’inconscient collectif en matière d’enseignement ou du moins la représentation que l’on se fait de l’enseignement, est prépondérant et difficile à faire évoluer.

  1. Dans une notation par exemple sur maths en poche (je suis prof de maths)
    un élève peut avoir 8 parce qu’il n’a pas bien compris la consigne sur les deux premiers exercices et a parfaitement répondu par la suite
    un autre 9 parce qu’il a été en difficulté avec le dernier exercice de la série, plus difficile que les autres (ou pour des raisons de fatigue mentale)
    une évaluation par compétence aurait peut-être accordé la croix de la compétence au second et pas au premier (en rapport avec les critères donnés pour la validation de l’acquis correspondant à l’exercice "L’élève a acquis la compétence si il a moins de deux erreurs") alors même que le second est un peu limite et que le premier a parfaitement compris.

    Nous ne sortirons de ces problèmes que lorsque nous laisserons le temps aux élèves lors d’un cycle suffisamment lent, pour, sans pression évaluative trop forte, acquérir à leur rythme ce qui est (je n’utilise pas, intentionnellement les mots savoirs, connaissances, compétences, savoirs faire, savoir être, que les discours managériels ont trop usé) nécessaire à la poursuite de leur parcours au-delà.

    A ce titre, l’évaluation par compétence (et grille) est une régression.
    En formation pour adulte, ce type de pratique a conduit à ce que les entreprises ont appelé les "formations Jacques Martin" : comme à l’école des fans, à la fin, la plupart du temps, tout le monde avait atteint les objectifs.

    Sinon, la notion d’industrialisation de l’éducation me semble citée fort à propos en rapport avec les TICE.
    C’est en effet grâce à l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, et en liaison avec l’évaluation (et donc la formation) centrées sur les compétences, qu’est tentée l’uniformisation des modes et contenus d’enseignements.
    Uniformisation propre à standardiser les pratiques de manière à, de façon concomitante
    rendre les compétences des enseignants (celles restant nécessaires) à la foi basiques et transférables
    permettre la commercialisation d’outil en rapport avec les nouveaux objectifs fixés à l’enseignement.

    Par ce moyen, nous parviendrons assurément, comme le disait Thoreau en son temps, à réduire les variétés de poires disponibles, de 30 à moins de cinq en quelques années.

    L’intérêt est immense pour le commerce

    pas vraiment pour l’homme et son petit.

    A moins d’informations que j’aurais oublié d’intégrer et que vous voudrez bien développer …

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    http://www.garde-a-vue.com/artic...

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