Point de vue sur des point de vue

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La publication ce 18 Janvier d’un ensemble de textes dans le journal Liberation à propos de la pratique du ministre de l’Education et de ses conséquences pratiques m’amène, très librement, à exprimer quelques remarques, issues de l’expérience personnelle et professionnelle d’un ancien enseignant de LP (Lettres-Histoire) devenu formateur et chercheur en sciences de l’éducation, spécialisé dans les questions des TIC.

L’inventaire fait par le journal Libération des actions menées par le ministre, ainsi que l’entretien accordé par le ministre pose plusieurs questions importantes pour moi :

1 – Le bon sens s’oppose-t-il à la recherche ou à l’habitude ?

Lorsque le ministre, à propos de la lecture, s’attaque à un mythe « la méthode globale » à laquelle il oppose un autre mythe « la méthode syllabique », outre le fait qu’il entérine des travaux de recherches (cf son discours) il s’adresse aussi aux partisans d’un retour à des méthodes anciennes (Boscher, par exemple) à qui il donne un signe de son attention à leur mouvement. Mais au delà de ces querelles de spécialistes (probablement peu nombreux) et d’idéologues ( beaucoup plus nombreux), le ministre donne surtout un signe à la grande majorité des enseignants et des parents. En laissant monter le débat et en donnant le coup de sifflet final, avec sa circulaire et le discours, le ministre à mis en oeuvre une stratégie intéressante et semble-t-il productive en terme de management. Saluons ici un pragmatisme nouveau qui permet une expression des points de vue tout en définissant une ligne directrice. Pourquoi n’y a-t-il pas eu plus de mouvement dans l’ensemble des troupes ? Parce que son propos n’a fait probablement que rassurer un grand nombre d’enseignants qui, dans leur pratique réelle, étaient déjà dans ce cadre. Cela d’autant plus que la querelle du B A BA a oublié un élément essentiel : il y a l’entrée dans la lecture et il y a ensuite le développement de la compétence de lecteur. Or c’est en réalité là qu’est le problème de l’illettrisme (j’ai oeuvré, temporairement, dans le passé dans ce secteur des ateliers de lutte contre l’illettrisme) et aussi les difficultés que rencontrent tous les enseignants de lettre de LEP. Se limiter à la première méthode c’est aussi faire l’économie d’un vrai débat sur l’accès à la lecture et à son sens. Bref, finalement le minstre rassure la grande majorité des enseignants.

2 – La bivalence se résume-t-elle à une économie de moyens ?

Enseigner deux disciplines n’est pas nouveau. Mais comment se fait-il que l’on ait pas demandé (en particulier la presse), à ma connaissance, l’avis des enseignants de lycée professionnel qui connaissent depuis longtemps cette bivalence. Ancien professeur de Lettres Histoire (CAELEP ex CAPLP) comme nombre de mes collègues j’ai apprécié la bivalence par la cohérence pédagogique et didactique qu’elle apporte. Certes la maîtrise des contenus par l’enseignant peut-être interrogée à juste titre du fait même de cette bi-disciplinarité. Mais la pratique, au niveau CAP, BEP, Bac Pro, ne s’est jamais avérée pénalisante pour les élèves (j’ai participé aux jurys des premiers bac professionnel dans les deux disciplines sans problème).

En fait la bivalence, et en collège elle me semble bienvenue, permettrait d’offrir aux enseignants et aux élèves de nouveaux horizons de travail, moins contraignants dans le temps, permettant des mises en liens et des approfondissements nouveaux. Pour les établissements de petite taille, la bivalence permettrait le renforcement de la cohésion de l’équipe et l’accompagnement individualisé.

Quant aux économies de moyens, je ne suis pas sûr que ce soit réellement le cas, si l’on réfléchit au ratio H/E. Par contre en terme de dispersion des moyens il est certain que la bivalence rationnalisera l’emploi.

3 – L’alternance à 14 ans a-t-elle réellement un sens ?

Ayant oeuvré à la dispartion du CAP à partir de la classe de 5è, à cause des problèmes que cela posait ensuite, et ayant formé nombre de maîtres d’apprentissage à la psychopédagogie, il me semble que cette proposition est inopportune s’il s’agit d’utiliser l’apprentissage comme moyen d’exclusion. Il aurait été nécessaire de s’enquêrir des dispositifs existants depuis trois ans (alternance au collège, découverte professionnelle en 3è) et probablement leur donner de réels moyens pour que l’alternance en entreprise à 14 ans ne soit qu’une option de l’alternance au collège. Certes des jeunes piaffent d’impatience pour apprendre un métier à 14 ans, mais ils sont très minoritaires. les autres, dont nombre de collèges disent qu’il faut les orienter ont en fait besoin d’une aide véritable à l’orientation et à la construction d’un devenir. Un véritable rapprochement entre lycées professionnels et collège me semblerait être la première solution à adopter. Ils ont des choses à apprendre les uns des autres. AU lieu de cela les enseignants de LEP se sentent souvent rejetés de leurs collègues… que dire alors des élèves. Non l’alternance à 14 ans n’est pas une mauvaise chose si elle ne se résume pas à l’exclusion et à l’envoi vers le monde de l’artisanat. Car n’oublions pas que le monde de l’artisanat n’a pas forcément les moyens d’un véritable accueil de ces jeunes et que nombre de maîtres d’apprentissage n’ont aucune formation pour accueillir ces jeunes (quand ils ont le temps de se former).

4 – Faut-il mettre une « note » de vie scolaire ?

Quelle bétise de rabaisser la vie scolaire à une note. L’exemple de la liste de compétences de la procédure PAM (Pré affectation multicritère) aurait pu servir de base pour évaluer tous les élèves dans le domaine de la vie scolaire mais de manière élargie. Si la vie scolaire doit se résumer à la présence en classe et à l’absence de délit… on est en droit de se demander s’il faut garder ce nom.

Donc pas de note, mais bien un livret scolaire qui permet de lire les compétences de vie scolaire développées et les remarques et observations afférentes à ces compétences. Combien d’enseignants ont découverts leurs élèves différemment dans le cadre de la vie scolaire et des activités périscolaires et auraient voulu valoriser ces attitudes. mettre une note c’est étouffer cette richesse.

A suivre et à débattre

BD

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