Tourner la page pour l'écran, la fin du Monde… de l'éducation…

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Est-ce la première victime de l’évolution du rapport à l’information ? La disparition du Monde de l’Education dans sa formule actuelle annoncée dans l’éditorial du numéro de décembre 2008 est-elle réellement liée au faible nombre d’exemplaires vendus (40 000) par rapport au nombre de lecteurs estimés (1 Million) comme l’avance Marc Dupuis ? En tout cas c’est sur cette analyse que s’appuie l’éditorialiste pour justifier le changement de stratégie qui amène vers un supplément au Monde quotidien et une lettre professionnelle en plus de la lettre de l’éducation.
Plusieurs hypothèses peuvent être complémentaires de celle-ci :
– La baisse des recettes publictaires de la presse n’épargne pas cette revue. A cela il faut ajouter que les investissements des entreprises dans le monde de l’éducation ne passent plus vraiment par ce vecteur, à part quelques historiques. Le monde éducatif est considéré par beaucoup comme non-rentable en tant que tel. Investir dans de la publicité en direct vers les acteurs est beaucoup moins efficace que de s’adresser directement aux financeurs que sont l’état et les collectivités (ce n’est pas nouveau, IBM l’avait fait en 1990, mais cela à largement augmenté avec la décentralisation) qui achètent facilement des contenus (KNE, KNS…) et des matériels (ordinateurs portables, livres…) et sont donc à atteindre par leur presse spécialisée.
– La concurrence d’Internet a atteint la presse papier et en la matière le Monde de l’éducation a été longtemps très frileux, s’appuyant probablement sur la réticence des enseignants à Internet. Or dans le même numéro, Christian Bonrepaux nous montre que la concurrence est plus importante qu’il n’y parait et que les enseignants ont tourné la page… pour l’écran. Il est vrai que le travail de l’AEF, du Café Pédagogique et de Nous vous ils, sur un plan général, ont fait concurrence. Il est vrai que les sites mutualistes des disciplines ont envahit un champ jadis vide. Et pourtant il y aurait à redire sur la qualité réelle des uns et des autres. Récemment, un site en ligne annonçait un dossier sur l’orientation scolaire dont le vide abyssal laissait attristé pour un site qui se prétend pédagogique quand on voit ce que d’autres sites sont capables de faire, et souvent à un niveau de professionnalisme proche du Monde de l’éducation.
– Il faut aussi considérer la culture du monde enseignant et son évolution. Non les enseignants ne lisent plus le Monde de l’éducation pour une écrasante majorité d’entre eux, si tant est qu’ils l’aient jamais lu…. Une enquête en cours sur les pratiques des enseignants nous montre bien la prééminence d’Internet, mais surtout la faible capacité des enseignants à se former en dehors des créneaux institutionnels (info interne, éditeurs de manuels, collègues, inspecteurs, formateurs), voire à être autodidacte….
Non il n’y a pas 1 million de lecteur du Monde de l’éducation, peut-être même n’y en a-t-il pas 100 000 voire encore moins…. Et la disparition de ce journal (leader sur son segment en nombre d’exemplaire vendu bien loin devant tous les autres du milieu comme les cahiers pédagogiques par exemple) est probablement liée à cet ensemble de facteurs qu’il ne faut pas négliger.
Malheureusement la culture professionnel des enseignants va pourtant être orpheline à partir de janvier 2009, mais la profession ne versera pas une larme sur cette disparition (hormis chez les connaisseurs), puisque l’abandon était bien plus grand qu’il n’y parait (regardons les chiffres réels de vente des ouvrages spécialisés en pédagogie et en didactique, hormis les brulots de la rentrée que l’on ne peut pas décemment faire rentrer dans cette catégorie car ils sont surtout sur le créneau de la polémique idéologique, celle qui fait vendre, celle qui oppose le bien et le mal…)
Disons donc au revoir à ce journal, mais pas à ses journalistes dont nous souhaitons qu’ils puissent reconstruire un outil de référence dont tous les enseignants ont besoin, mais qu’ils refusent encore. Peut-être cela doit-il passer par un rapprochement avec ceux qui aujourd’hui ont construit de nouveaux repères pour les enseignants en s’appuyant sur Internet. Malheureusement les modèles économiques sont bien différents et il n’est pas sur que les journalistes du Monde de l’éducation et la direction du Monde y trouvent là de quoi générer de quoi vivre…
A suivre de près
BD

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