En date du 26 février 2009, un recteur d’académie s’adresse à un certain nombre d’établissements scolaires de son académie à propos du B2i. Il leur reproche de ne pas avoir encore assez de validations de compétences du B2i compte tenu de l’avancée de l’année (-moins de 30% des élèves de 3è).
Comment l’a-t-il su ? Pourquoi s’adresse-t-il aux établissements pour les rappeler à l’ordre ?
La centralisation des résultats du B2i par l’intermédiaire du logiciel Gibii sur le serveur académique est à l’origine de l’information. En effet le statut de super administrateur de ce logiciel permet d’observer l’ensemble des activités de validation des items du B2i. Il est donc facile ainsi, établissement par établissement, d’analyser les modalités des validations enregistrées par les établissement puisque l’on dispose de toutes les informations entrées par les élèves et les enseignants ainsi que les éléments de preuve qu’apportent les élèves et les éventuels échanges entre enseignants et élèves.
Une analyse des flux d’information dans ce logiciel permet donc de « surveiller » les établissements. Ainsi un outil qui sert à aider les enseignants à enregistrer et suivre les progressions des élèves et leur simplifie la tâche peut-il être utilisé à des fins de contrôle institutionnels : le savent-ils, en ont-ils conscience ?
La campagne 2007-2008 de validation du B2i, la première, rappelons le, à être obligatoire pour l’obtention du brevet des collèges avait laissé entendre quelques dérapages : épreuves de fin de troisième pour valider les items voire même validation sommaire par le chef d’établissement (sans véritable mise en oeuvre dans l’établissement) etc. Le texte précise deux points : la « régularité » de la validation (ce qui peut être à double sens) et le fait de saisir au fur et à mesure les validations dans Gibii.
Ainsi nous observons ce qui était prévisible : les autorités disposant de cet observatoire nouveau sur les pratiques vont s’en emparer pour piloter le système. L’ambiguité de terme « régularité » est assez significatif : il peut signifier en accord avec la loi, ou en respectant le rythme. On penchera ici pour la première option car la deuxième partie de l’argumentaire concerne justement cette régularité mais dite autrement. Il s’agit donc pour l’autorité de surveiller d’une nouvelle manière les établissements et leur activité pédagogique. On pensait que cela permettait de suivre les acquis des élèves, mais cela permet aussi d’évaluer les enseignants.
A l’occasion d’un échange à propos des fonctionnalités avancées des logiciels de notes nous avions déjà indiqué que cela permettait aussi bien d’évaluer les enseignants que les élèves (au moins partiellement). Avec les logiciel de suivi des acquisitions des compétences, force est de reconnaître que l’avancée est significative. Imaginons, comme c’est prévu, que le socle de compétences soit suivi de la même manière, on s’expose inéluctablement à ce genre de pratique et donc aux conséquences qui peuvent en découler.
Sans agiter le spectre de Big brother ou la théorie du complot, c’est le simple citoyen qui veut rappeler à l’autorité sa tentation jacobine de piloter par le haut, mais aussi le risque qu’il y a à vouloir regarder partout ce qui se passe en se dotant d’outils sophistiqués (des observatoires dont les performances se développent avec ces nouveaux outils).
La tentation de celui qui est en haut d’une hiérarchie et qui se sent coupé du « terrain » (sacro saint terrain, concret et réel…. si souvent invoqué) est de vouloir en savoir toujours plus sur ce fameux terrain. Autrement dit qu’en est-il de la confiance que l’on peut accorder aux acteurs de « terrain ». Qu’en est-il donc aussi de l’indépendance que chaque acteur s’autorise dans son travail vis à vis de la hiérarchie qui est chargé de lui fournir un cadre de travail ?
Il est nécessaire que chacun des acteurs reprenne confiance en l’autre. Pour ce faire il fait que chacun joue le jeu. Le développement de la suspicion réciproque qu’induisent ces genres de comportements ne facilite pas les choses. « Surveiller et punir » est-ce le nouveau jeu à la mode ? AU moment ou le « sentiment d’impunité » de certains saute aux yeux ( et àau port monnaie) de ceux qui subissent les conséquences des actes de ceux là même qui sont impunis, la maladresse ce ce type de courrier mérite bien ce billet
Et plus si vous le souhaitez…
BD
Mar 03 2009
11 Commentaires
Passer au formulaire de commentaire
Nous avons la chance, pour l’instant en France, d’avoir des programmes nationaux. Cela évite que, comme dans d’autres pays, les programmes soient soumis à l’influence des conseils locaux, des groupes de pression divers. Rappelons-nous qu’aux USA dans certaines écoles il est obligatoire d’enseigner le créationnisme en même temps que les lois de Darwin. Je ne sais pas si nous aurons encore longtemps des programmes nationaux, mais lorsque cela ne sera plus le cas je le regretterai.
Dans ce cadre, n’est-il pas normal que l’institution puisse piloter le système ?
Votre article ne dit pas si Gibi a servi à des remontrances personnelles contre tel ou tel enseignant.
SI Gibi est un outil de pilotage statistique non nominatif, pourquoi refuser un pilotage du système ?
Récemment, dans un autre ordre d’idée, le ministère tardait à publier les statistiques de la DEPP. Je suis heureux qu’il l’ait enfin fait.
JM Bérard
Auteur
De fait la centralisation permet certains contrôles, mais permet aussi des dérives comme le montre le documentaire du 4 mars au soir sur l’italie de Mussolini sur Arte. Donc je suis toujours prudent sur l’un comme sur l’autre.
Que l’institution ait besoin de piloter le système est une bonne chose. Qu’elle respecte la liberté individuelle en ne faisant pas de réprimande individuelle, mais collective pour un établissement, par mail envoyé avec la liste en copie conforme des autres ayant reçu ce mail… est aussi une bonne chose.
Mais à condition que le contrat soit clair. Le courroux contre les évaluations de primaire vient aussi de là : la confusion entre la fonction diagnostic et la fonction surveillance institutionnelle. En fait il faut que l’institution soit claire et évite les risques d’amalgames. Qu’elle énonce simplement les objectifs de la mise en place d’un Gibii centralisé au lieu de le faire découvrir après coup.
A propos des statistiques, auxquelles faites vous allusion ?
Bruno Devauchelle
Le B2I. Quel paradoxe! Je suis enseignant en collège et pendant un temps j’étais la personne ressource pour les TIC. Je suis autodidacte en ce domaine et je mesure donc la complexité de la tâche pour les élèves. En effet, il a toujours été clair que nous, enseignants, n’avions pas à « enseigner l’informatique » à nos élèves, mais que nous devions exploiter leurs compétences dans nos enseignements. Or, il s’avère que leurs compétences acquises en dehors du cadre du collège sont nettement moins nombreuses que celles attendues. Et si on veut faire évoluer un groupe ensemble, on se retrouve obligé de palier aux lacunes et à l’hétérogénéité des compétences du groupe. On se retrouve alors, contre notre gré à « faire de l’informatique », car je ne vois aucun enseignant dire à un élève : »Si tu ne sais pas où et comment enregistrer ton travail, c’est ton problème et je ne valide pas cette compétence pour toi. » La notion de préacquis des compétences est largement surévaluée par les instances qui ont instauré le B2I sur ce principe. Sans parler du nombre d’enseignants qui n’arrive toujours pas à se familiariser avec l’outil informatique et par conséquent est inapte à évaluer ses élèves.
On peut également avoir une autre approche du problème: pourquoi former et payer des enseignants supplémentaires pour enseigner les bases des TIC, alors qu’on a des enseignants qui sont déjà en place et qui peuvent le faire gratuitement? En Allemagne, les collégiens ont 1,5 heure / semaine de cours d’informatique, où ils apprennent même à faire des programmes simples. Le retard de la France dans ce secteur avait déjà été souligné il y a quelques années, et j’ai l’impression qu’il se trasforme en fossé…
Auteur
Votre propos me semble à actualiser largement. Je l’ai souvent entendu et me semble devoir être questionné
BD
Ce message est rayé par le modérateur, volontairement. Il s’agit d’empêcher que ce genre d’agissement anonyme contraire à l’esprit que je défends se reproduise.
Dans notre département, les informaticiens de l’IA avaient bricolé une petite application maison pour « permettre » la validation en ligne du B2i par les élèves et les enseignants. Bien entendu, les élèves n’ont jamais demandé de validations et les animateurs Tice ont été instamment prié par leur IEN Tice de faire progresser le taux de validation du département. Pour ce faire, on nous a gentiment communiqué les mots de passe administrateur de l’application en ligne. Aujourd’hui l’IEN Tice du département a été promue et nous a enfin quittés. Elle est partie faire progresser les Tice ailleurs (IEN-IA) et vous comprendrez que c’est avec quelques craintes que nous, le groupe des animateurs Tice du département, nous voyons arriver Gibii école. Ou comment un outil sensé faciliter la validation de compétences est devenu aux mains de personnes peu scrupuleuses un moyen de flicage au service de leur propre promotion.Auteur
Anonymat
Cela m’arrive rarement, mais cela est l’occasion de l’évoquer au moins temporairement. L’anonymat n’autorise pas à dénigrer ou commenter sans mesure tel ou tel. Je souhaite donc que l’auteur de ce message : 1 – s’identifie, 2 modifier son message en évitant les allusions annexes au personnes.
Bruno Devauchelle
Auteur
Le message envoyé par un certain toto@free.fr venait de l’adresse IP cachée 82.236.197.52. Après une recherche sur le web il s’avère que le délicat personnage qui s’exprimait ici n’a pas pris le soin de réagir à mon commentaire précédent, c’est pourquoi j’ai décidé de censurer ce message.
Bruno Devauchelle
Bonjour,
j’ai cité ce billet sur le forum
http://cgteduccreteil.forumactif.com/debat-sur-les-tice-f1/
Très cordialement
Je ne partage pas votre avis sur la « maladresse » du recteur sur le point que vous relatez. La validation à la volée de nombreux item du B2I via l’outil GiBII rend les évaluations « suspectes » à compter de la 1ere quinzaine de mai. Je m’explique : si dans un établissement vous n’avez que 10% des élèves ayant valider des items en avril et que fin mai, vous vous retrouvez avec 80% en mai, vous comprendrez aisément ce que le recteur souhaite éviter. L’outil est centralisateur certes, mais il permet et je trouve cela intéressant de voir quels sont les enseignants de telle ou telle discipline qui ont évalué. Est-ce obligatoirement pour les fliquer ? Pour ma part, je préfère penser qu’il s’en sert pour connaître la réalité de pénétration des TICE dans l’établissement. Normalement cela fait parti des taches des chefs d’établissement d’évaluer les enseignants qui mettent en place le B2i, mais dans la pratique nous savons que trop peu le font pour de multiples raisons (bonnes ou moins bonnes).
Je vous ai connu moins langue de bois sur l’indépendance et la liberté pédagogique des enseignants derrière laquelle un certain nombre se cachent pour ne pas s’adapter au changement ou mettre en place ici les TIC…
Auteur
Je crois que je me suis mal fait comprendre. Il y a deux choses différentes : d’une part le pilotage, comme l’évoque Jean Michel Bérard, de l’autre le suivi du travail. A l’origine le logiciel Gibii sert à aider au suivi des apprentissages. Son usage pour en faire un outil de suivi et d’évaluation des activités enseignantes en est une autre. Qu’au niveau d’un établissement les choses se passent ainsi relève du contrat entre enseignants et chef d’établissement me paraît logique. pourquoi en serait-il autrement avec le rectorat ? Effectivement si le pilotage est annoncé comme tel et que le GiBii et le futur GiS2C (gestion informatisée dui Socle commun) sont généralisés, alors il faut clarifier les termes du « service académique ». Rien n’empêche un établissement de mettre un outil en interne et de ne transmettre les infos que lorsuqe le chef d’établissement le décide. EN fait la question est le pilotage du système et de la confiance entre les acteurs. Il me semble que ces pratiques, si elles ne sont pas explicitées, renforcent le danger de méfiance vis à vis du travail enseignant, or c’est ce genre de suspicion qui mène l’école dans le mur en ce moment vis à vis de la société.
Je ne veux pas tenir de langue de bois ni visi à vis des enseignants (ils assument leur responsabilité) ni vis à vis de l’institution (qui a aussi le devoir de tenir la sienne). Cependant pour que cela fonctionne il faut une confiance réelle qui est à reconstruire s’il en est encore temps… au risque effectivement de voir les enseignants et les chefs d’établissement faire le petite cuisine dans leur coin…
Je suis de l’avis de admin 🙂
Dans une période ou tout outil informatique est vite suspecté de fichage, cette « maladresse » est malvenue.
En plus on mélange là deux niveaux d’évaluation et de suivi : évaluation des acquis des élèves par les enseignants et évaluation des établissements pour le pilotage du système.
Les deux relèvent de logiques différentes.
Au début de la mise en place des évaluations diagnostiques en CE2 et en 6e, on a tenté de faire croire aux enseignants que c’était aussi un outil pour eux. Mais la lourdeur de l’objet a vite été un frein, alors que c’était un outil de pilotage efficace.
Il semble que la Dgesco renouvelle cette erreur en mélangeant ses besoins pour les indicateurs lolf et l’évaluation des compétences du socle ( livrets )