Il n’y aura pas de rebond de l’enseignement à distance !

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Compte tenu du calendrier retenu et des vacances de printemps, on peut penser que les deux ou trois semaines pour lesquelles il a été question d’enseignement à distance ne seront en fait que des temps intermédiaires, à peine hybride et surtout dans la continuité du présentiel en cours depuis le début de l’année. Pourquoi ? Simplement parce que au vu des échéances présentées (deux semaines en dehors des vacances considérées comme à distance) et du souhait très large de revenir au présentiel, du bureau du ministre de l’Éducation à la salle des profs, il semble que les stratégies qui vont être mises en place seront encore moins de l’enseignement à distance que lors du premier confinement. Ou plutôt qu’il s’agira d’un guidage fourni dès la fin de la semaine en présence (papier) ou dès mardi sur les ENT et autres Pronote. En tout cas le CNED n’est pas officiellement convoqué, mais de plus les visioconférences ne seront qu’occasionnelles et d’appoint.

Quatre journées de travail à domicile pour tous, puis cinq journées à distance pour collège lycée, pas de quoi s’engager dans une nouvelle aventure à distance. Si les enseignants et les équipes éducatives n’en ont pas vraiment envie, le ministre est lui plus clairement opposé à cette modalité d’enseignement comme en témoignent ses propos et plus récemment son faux pas sur les réseaux sociaux en reprenant, sans la comprendre, une parodie de Pink Floyd d’Another Brick in the Wall qui dénonçait l’enseignement à distance (mais en Californie). on peut d’ailleurs constater le contresens en regardant cette vidéo « officielle » : https://www.youtube.com/watch?v=fvPpAPIIZyo ou encore cet extrait du film d’Alan Parker, The Wall : https://www.youtube.com/watch?v=9WukHHa0Ymo

Alors comment cela va se passer ? Simplement en fournissant aux élèves des consignes de travail traditionnelles comme en présence, des exercices d’entraînement, des compléments éventuels en vidéo, mais surtout un lien entre ce qui a été fait au deuxième trimestre et ce qui est prévu pour la fin de l’année. Beaucoup d’enseignants planifient le travail des élèves en séquences de sept semaines (période entre deux temps de vacances). La semaine est pour beaucoup une unité logique de travail, cohérente et accessible en partie en autonomie par les élèves. Nous n’assisterons donc pas à cette terrible pression de « l’école à la maison » vécue si difficilement dans de nombreuses familles. Ensemble à la maison toute la journée avec du travail à faire en continu, ce ne sera pas possible. Les enseignants l’ont compris (ils sont aussi des parents). La capacité d’adaptation va encore faire son oeuvre, mais à moindre coût qu’il y a un an.

Quant au numérique, rassurons nous, presque rien n’a changé. L’équipement, encore trop disparate et insuffisant. A quand un terminal par élève qui va à l’école et à la maison ? Jamais semble-t-il, tout au moins au niveau national, car certaines collectivités ont vu les choses autrement… quant à l’État, il a bien du mal à trouver sa place entre financements (PIA…) capacité d’accompagnement, lien avec les collectivités territoriales, et surtout proximité avec les acteurs de terrain, et en particulier les familles. Si des représentants de toutes sortes viennent devant les médias rappeler leur litanie de réclamations et de critiques, bien peu sont des acteurs engagés pour cet accompagnement des familles…. et traduisent sur le terrain leurs déclarations en propositions d’actions concrètes….

Le numérique et la fameuse fracture a-t-elle été examinée pendant les derniers mois dans les établissements ? Trop peu, à nouveau pressé par le quotidien du présentiel, les équipes ont privilégié un retour au travail scolaire qui compenserait les pertes de l’année passée. Les États Généraux du Numérique n’ont pas su ouvrir de réelles pistes, d’autant moins que les fameux retours d’expérience n’ont pas été suffisamment analysés et réutilisés pour justement fournir des pistes d’action. Les 40 propositions sont restées beaucoup trop institutionnelles et éloignées des problématiques du terrain. On découvre au travers de l’action du Socle Numérique et de l’opération Territoires Numériques Éducatifs, que le ministère a bien du mal à faire autre chose que de répondre par de l’équipement à une situation qui aurait nécessité bien d’autres actions.

Les équipes, les élèves, les familles ne sont pas prêtes à un nouvel enseignement à distance. Le bricolage temporaire devrait largement suffire (pour 9 journées au maximum), un peu comme, lorsqu’un enseignant donne du travail à faire aux élèves pendant les vacances… (tiens ! il y a 15 journées de vacances pendant cette période)… Ni les infrastructures, ni la formation, ni les compétences nécessaires ne sont au rendez vous pour la très large majorité des acteurs de l’éducation. Soyons donc rassuré, la notion de continuité est d’abord dans la manière dont les enseignants structurent leur enseignement que dans les moyens techniques que le numérique peut apporter. Dommage, car si l’on avait pensé globalement, alors la distance et la présence auraient pu ne plus être une opposition classique, mais un moyen de repenser l’ingénierie pédagogique.

A suivre et à débattre
BD

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