L'école des livres ?

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L’été est-il encore le temps de la lecture ? Si oui, de quelle lecture s’agit-il ? Si non qu’est-ce qui le remplace ? Plusieurs documents invitent à la réflexion, dans la suite d’un message précédent lié à la publication du numéro d’été de la revue Books.
– Le premier de ces documents est le numéro 1253 de la revue Insee première, intitulé « Le recul du livre et de la presse dans le budget des ménages » d’aout 2009. On ne peut que constater la baisse du livre en particulier depuis 2001. Cette date n’est pas neutre si l’on fait correspondre cette date avec le décollage des équipements informatiques et internet dans les familles. On peut aussi observer que ce sont les catégories socio professionnelles les plus favorisées qui consacrent le plus de moyens au livre, alors que pour la presse les choses sont très différentes, consacrant l’importance de la presse en milieu agricole. Enfin, dernier point, les jeunes ne sont pas moins à la peine que leurs ainés pour leurs choix budgétaires. Cette enquête apparaît au bon moment car elle vient compléter les données qui peuvent nous aider à comprendre le développement du numérique et ses conséquences dans notre société. On peut évidemment compléter nos données avec cet autre numéro d’Insee première daté de 2006 sur les dépenses des ménages dans le domaine des TIC (n°1101) qui met en évidence le développement de ce poste de dépense dans le budget.
– Le deuxième document est le livre de Daniele Sallenave, « Nous on n’aime pas lire » (NRF Gallimard 2009). Quelle mauvaise surprise que la lecture de ce livre qui est avant tout un brulot antipédagogique, anticonstructiviste et anticognitiviste (et aussi anti internet).Ce livre utilise le prétexte de la visite d’un auteur à une classe plusieurs fois (un passage court – sic) dans une année pour régler ses comptes à un ensemble d’acteurs qu’elle expédie en peu de pages (autour de la page 70, puis 90). On peut lire à la page 101 ce passage « Par exemple, moi je sais ce que c’est que l’amour des livres – quelque chose de plus fort que goût de lire ». Ce argument d’autorité sert à asseour la légitimité du propos et ainsi de pouvoir ensuite dénoncer le fait que des universitaires (j’en connais qui…) ne lisent pas et que quand ils lisent des livres scientifiques ce n’est pas lire. Je croyais lire un livre d’expérience sensible et littéraire, j’ai trouvé un livre qui instrumentalise une expérience bien légère (et les jeunes qui y ont participé) pour affirmer des opinions sans les étayer sérieusement et surtout pas scientifiquement… Moi qui suis un piètre lecteur littéraire, j’ai été très déçu de voir que la NRF, pour moi synonyme de qualité littéraire, en était arrivé à publier ce genre d’ouvrage. Je n’avais jamais lu de livre de cette dame, je n’en liraéi probablement plus… Quand enfin est arrivé le temps de critiquer Internet et les technologies l’auteur montre sa méconnaissance de l’école de ses réalités mais surtout la légèreté de son argumentation. Cele me rappelle un précepte qui m’a jadis été compté par un Tahitien : quand on passe une semaine sur l’ile on écrit un livre, quand on y passe un mois, on se limite à un article, quand on y passe un an, on se tait… rappelant ainsi que c’est de refuser de voir la complexité qui autorise les propos parfois simplistes….
– Le troisième document est le livre de Daniel Pennac, « Chagrin d’école » (Folio Gallimard 2007). J’avais mis du temps à me convaincre de l’intérêt de ce livre, tant on m’en avait parlé. J’avoue que j’ai été surpris par le mode d’écriture (d’ailleurs Danièle Sallenave semble utiliser le même) basé sur de cours chapitres, à l’image d’un blog, qui serait ainsi rassemblé pour en faire un livre. Fort heureusement, Daniel Pennac a appris à dire je. Autrement dit, j’ai éprouvé un réel intérêt à compagnonner avec l’auteur dans ses « souvenirs » d’école, d’élève, comme d’enseignant à la rencontre des difficultés des élèves. Il faut bien dire que mon propre parcours me rapproche fortement, mais différemment de celui de Daniel Pennac.  Et il y a cette simplicité du bas de la page 195 au moment où l’auteur se risque à un mot qu’il hésite tant à prononcer pour parler de ce qui est (ou devrait être), selon lui, au fond du coeur de l’enseignant, le mot « amour ». Pas de discours péremptoire dans ce document, juste des interrogations venues de l’expérience sensible qui traverse une vie.
Quel lien entre ces trois documents ? D’abord il faut bien reconnaître que chacun de ces documents posent des questions qui dérangent et que les accepter n’est pas aussi facile que cela peut y paraître, surtout quand on travaille dans le domaine. Daniel Pennac nous rappelle constamment que ce sont des « Humains » irréductibles que nous avons devant nous. Alors que Daniel Sallenave, quand on met de coté ses propos péremptoires, nous invite à tenter la réconciliation avec la lecture, coute que coute. Mais entachée par une réthorique qui ne trompe pas, cette réconciliation est mise en difficulté. D’autant plus qu’elle critique même Daniel Pennac et son « droit de ne pas lire » auquel elle n’a rien compris.
Le chemin de la lecture nécessite une remise en cause d’abord de ceux qui lisent. Plutôt que de s’ériger en gardiens d’un temple (un sanctuaire…), ils seraient mieux venus de proposer à tous le droit au chemin vers la connaissance. Le livre viendra peut-être, ou peut-être pas, mais on ne peut l’ériger en seul juge de cette même connaissance. Il faut probablement réinventer le chemin vers « les lectures » si l’on veut autoriser « la lecture ». Pour ce faire il faut autoriser la lecture, autoriser l’écriture et ces deux expériences d’écrivains qui tous deux ont été faire ce pari dans les classes est à ce titre positif? Mais aujourd’hui il ne suffit plus.
Hommes et femmes de toutes les lectures et de toutes les écritures, il nous faut garder les portes ouvertes à ceux qui veulent partager cette expérience et ne pas s’empresser de fixer des normes et de nommer des juges dont on sait trop bien qu’ils ont su condamner nombre d’auteurs que la redécouverte posthume a démontré l’erreur…
A débattre
BD

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