Disciplines scolaires et introduction des TIC

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Faut-il créer de nouvelles disciplines scolaires ? Telle est la question que pose les demandes de création de disciplines qui viennent aussi bien de l’informatique
– EPI, http://www.epi.asso.fr/
– FRamablog http://www.framablog.org/
– Interstices http://interstices.info/
que du monde de l’information communication
– skhole http://skhole.fr/information-documentation-et-culture-de-l-information-un-domaine-%C3%A9mergent-par-ivana-ballarini-santon
– Fadben http://www.fadben.asso.fr/spip.php?rubrique35
mais encore d’autres domaines comme le développement durable…
On pourrait élargir l’inventaire, mais on voit bien que la question mérite débat, même si celui-ci est engagé depuis longtemps (cf les débats sur l’informatique scolaire depuis 1970, 1981, 1983 etc… jusqu’à très récemment encore). Mais s’en tenir au débat sur chacun de ces domaines risque d’oublier un autre aspect important : quid de la relation entre les disciplines ?
Un élève de 6è aborde 10 disciplines différentes, avec 10 enseignants différents…. Au cours de sa scolarité l’enfant est principalement amené sur le chemin de la spécialisation disciplinaire jusqu’à l’orientation scolaire et professionnel qui, cerise sur le gateau, va tenter de concrétiser cela par un métier… Ainsi l’histoire individuelle scolaire pourrait se résumer à la recherche du champ disciplinaire dans lequel on va s’enfermer pour toute la vie…. Dans cette logique, on comprend aisément pourquoi un groupe de professionnels (comme en France celui rattaché au MEDEF, le Syntec) aidé de quelques enseignants pronent la mise en place d’une discipline informatique. On comprend aisément que la question de la désaffection pour l’enseignement dit scientifique (pour parler des sciences de la vie, de la terre et de la matière) ou encore pour certains domaines demandeurs de personnel qualifié invite à demander au système scolaire de participer à la remédiation en promouvant les disciplines scolaires liées à ces filières. Malheureusement cela n’y fait rien, il suffit de lire les travaux publiés par le CEREQ pour se rendre compte de la complexité des trajectoires qui amènent vers les professions. Tout raisonnement disciplinaire est à courte vue et d’un coût important.
L’apparition d’un champ nouveau tant dans le domaine des savoirs savants (l’informatique, l’information communication) que des savoirs d’usage (les TIC, la documentation…) – pour faire court – est forcément une interrogation pour le système éducatif en général et le système scolaire en particulier. Et cela d’autant plus pour les TIC que l’interférence va bien au delà des contenus d’enseignement et qu’ils touchent aussi les fondements du système scolaire et sa relation avec le système éducatif global (considéré comme l’ensemble de ce qu’une société humaine met en place pour permettre l’intégration des générations nouvelles). Si les contenus (informatique et info-com sont récents (début des années 60 dans les universités française) sont considérés comme nouveaux, mais absents des enseignement scolaires, l’application de ces savoirs dans le champ social met en cause le système scolaire en lui disputant l’exclusivité de la relation au savoir en vue d’apprendre. Une double menace donc qui amène probablement au débat actuel. Encore faut-il accepter le débat plus global, ce qui, pour des champs disciplinaires universitaires récents, est toujours difficile car risquant de noyer la valeur même de la discipline (comme cela se passe pour d’autres disciplines universitaires récentes. De plus la tendance à l’atomisation disciplinaire est un sport au moins national (en France) alors que la mise en place de groupes pluridisciplinaire reste difficile (les sciences cognitives par exemples sont d’institutionnalisation récente en France), voire impossible. Et pourtant un certain nombre de chercheurs nous alertent depuis de nombreuses années sur cette dérive disciplinaire (Edgard Morin en étant un des plus virulents représentants).
Ainsi donc la question de nouvelles disciplines dans l’enseignement scolaire ne peut se poser uniquement sous la forme de oui ou non, mais d’abord en lien avec le cadre global de l’école. La culture scolaire française a montré depuis longtemps sa résistance partielle avec le B2i si peu mis en place, mais par contre pas avec les TPE qui après une première défiance ont montré qu’il était possible d’aller dans le sens de la pluridisciplinarité. Cependant l’ensemble de l’organisation scolaire française. S’il est vrai que l’obligation des TPE était d’une autre ampleur que celle du B2i, du moins jusqu’à aujourd’hui.
Un autre élément du questionnement concernant ces nouvelles disciplines est celle de leur croisement avec les autres disciplines déjà enseignées. Il suffit de regarder les contenus actuels enseignés pour se rendre compte des croisements qui peuvent facilement se faire entre les contenus disciplinaires par un choix d’objets d’apprentissages pertinents (cf les thèmes de convergence en science au collège). Là encore la résistance est forte. Mais ce que l’on oublie d’observer ce sont les dangers que fait courir ce découpage, ce saucissonnage à la culture générale et aux possibilités d’apprentissage. En effet la dérive actuel invite à spécifier pour chacune des disciplines des compétences spécifiques sans s’inquiéter du lien. Cette technicisation des programmes invite à un repli identitaire des enseignants de chacune des disciplines et sclérose lentement le système. Or la complexité qui est le lot quotidien de chacun de nous devient de plus en plus impénétrable du fait de notre formation initiale qui prone l’analytique plutôt que le systémique, le disciplinaire plutôt que le global. Cette démarche technique, qui pourrait s’assimiler à la discrétisation mathématique (cf B Stiegler), pourrait bien à terme signifier l’impossibilité de faire évoluer le système scolaire.
Oui les TIC ont une place dans le système scolaire, tout comme l’informatique et l’info-doc-com, mais à la condition que la question du découpage disciplinaire soit posée en préalable et que les conséquences pour ces domaines soient . Malheureusement on en est encore à la première démarche : poussez vous, poussez vous… et qui va tomber du lit ??? comme dit la chanson…
A débattre
BD

4 Commentaires

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  1. Je trouve stériles les polémiques sur les disciplines et l’enseignement par l’usage. En lisant les écrits des uns et des autres, notamment sur EPI, FRAMASOFT et aussi APRIL, je ne trouve pas de contradictions fondamentales mais des complémentarités. Vous êtes tous d’accord sur le fond, chacun voyant la situation de son point de vue, dû à son rôle dans le cursus de formation des jeunes, en mettant l’accent sur un aspect de l’enseignement. Ne serait-il pas préférable de chercher à se comprendre ?
    Je serais tenté de mettre tout le monde dos à dos, en pointant le fait que l’on ne parle que de connaissances et d’éducation, ce qui est essentiel, mais on oublie « l’apprentissage », « l’entrainement », indispensable pour utiliser un ordinateur pour s’exprimer dans l’état actuel de la technique.
    La compétence 3 de la longue vidéo sur le rôle des touches de cette page illustre de manière caricaturale ce que je constate souvent chez les élèves et les étudiants. Beaucoup trop de temps pour décrire à quoi servent les touches, mais pas au mot sur la manière d’utiliser le clavier. Vous savez à quoi cela sert, c’est bon, vous êtes prêts à l’utiliser ! Si on appliquait le même principe à la conduite automobile…
    Que de temps perdu ensuite au cours du parcours scolaire ! Que peuvent devenir les jeunes soumis à la pression s’ils s’expriment, en attrapant des TMS, trois fois moins vite que leurs concurrents qui ne se fatiguent pas ? Comment ne pas « craquer » ? Pourquoi se battre sur quelques heures de temps élèves, quand ils perdent des jours et des jours en ne sachant pas écrire avec un ordinateur (récemment, j’ai rencontré une enseignante qui explique des échecs scolaires par la lenteur d’écriture manuscrite de certains élèves).
    On donne beaucoup de connaissances théoriques, mais l’apprentissage se limite au minimum pour « consommer » des informations. Pour produire des informations, pour s’exprimer avec un ordinateur, il faut un apprentissage « manuel » avec une bonne méthode et de l’entrainement. Il ne demande que quelques heures quand il est placé au bon moment et le temps est récupéré en quelques jours.
    Il manque aussi probablement quelques connaissances théoriques pour bien exploiter les automatismes de l’ordinateur, ce qui est totalement ignoré de tous les supports de formation que je consulte, du B2i école au C2i. Je suis d’accord avec tout ce qui est écrit, mais il manque quelques points essentiels pour bien s’exprimer avec un ordinateur. A quoi sert de tout connaitre si l’on est incapable de « faire », de produire, de s’exprimer vite et bien sans fatigue ?
    JYR

    1. Tiens tiens, ce que vous dites me rappelle mes interventions lors de la table ronde sur le sujet au dernier salon de l’éducation…. il y a déjà quelques mois…

  2. Dans cette logique, on comprend aisément pourquoi un groupe de professionnels (comme en France celui rattaché au MEDEF, le Syntec) aidé de quelques enseignants pronent la mise en place d’une discipline informatique.
    Article intéressant, même si cela fait tout drôle d’être associé au MEDEF !
    Je signale un choix à faire entre le pied de page (Copyright © 2009 Veille et Analyse TICE – Tous droits réservés) et la mention de la licence Creative Commons dans les « Droits de reproduction ».
    Le slogan des Creative Commons (qui s’inspirent d’ailleurs des quatre libertés du logiciel libre données aux utilisateurs) étant justement « Certains droits réservés ».
    La Café Pédagogique semble encore avoir un peu de mal avec la « culture libre », mais les progrès sont prometteurs.

    1. Non le café pédagogique n’a pas de problème avec le libre. Mais il a un vrai problème avec certaines façons de porter le libre. De mon coté, je m’en suis jadis expliqué avec Roberto di Cosmo et avais bien perçu l’ambiguité d’une position qui associe le libre et qui semble ignorer l’économie de marché alors que le MEDEF…. n’est pas si loin, dès lors que l’on défend les mêmes intérêts… Désolé mais j’ai quelques raisons de penser cela… et même s’ils ne le disent pas ouvertement, d’aucuns se posent quelques questions….

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