Ambivalence et embarras

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La question de la relation des jeunes aux TIC est porteuse, tant les interrogations médiatisées sont nombreuses et souvent inquiétantes. C’est donc avec intérêt que l’on aborde dans une premier temps l’ouvrage de Pascal Lardellier, « Le pouce et la souris, enquête sur la culture numérique des ados », (fayard 2006). Malheureusement l’auteur est aussi embarassé par le sujet et son propos est constamment ambivalent : ce n’est pas un livre de recherche, mais il tente de s’appuyer sur une (ou des recherches parfois); ce n’est pas un livre polémique, ce n’est pas un livre d’analyse, bref c’est un livre difficilement classable tant il oscille entre les différents pôles que sont l’opinion, la conception, l’analyse, l’enquête, le commentaire et parfois même la recherche.

C’est probablement parce que l’auteur s’est interdit de parler à la première personne que le lecteur peut trouver de la gène à la lecture de ce livre. Outre qu’il est très bizarrement construit, contrairement à ce que laisse apparaître la table des matières, cet ouvrage oscille constamment entre différentes postures. Sans jamais être faux, mais très souvent dans l’approximation (beaucoup de choses seulement évoquées mais pas contextualisées), voire dans les fautes de styles ou de forme d’expression, on a du mal à cerner le centre du propos. Car finalement l’auteur en revient à « un bon sens » et une analyse convenue : « Car tuyaux et réseaux ne sont rien sans les humains qui y mettent des contenus et s’y rencontrent accessoirement ». On trouve en lisant cet ouvrage de nombreuses références implicites (des écrans qui font écran par exemple) mais trop peu de discours réellement construits en référence au discours scientifique.

Ce que peu remarquer le lecteur c’est l’absence de cadre d’analyse tant sur le plan pédagogique que sociologique, économique ou psychologique. Ce ne sont pas les allusions bien occasionnelles à Michel de Certeau ou encore les emprunts à Serge Tisseron ou Dominique Pasquier qui pourront donner une autre allure à ce livre. Ce n’est pourtant pas l’intérêt de la démarche et la bonne volonté de l’auteur qui est en cause, mais la forme et le fond qui résultent de tout cela. Que penser à la page 94 de l’ouvrage de ce passage : « Ce qui a guidé mon choix, au moment de la constitution de mon échantillonnage, c’est d’abord une question de commodité, puisque ce sont mes étudiants ….. » ? Outre le fait que l’enquête qui porte sur 130 étudiants n’est pas documentée, on s’étonne du peu d’usage fait de ses résultats pour structurer l’ouvrage et même pour argumenter certains points de vue.

Il faut dire que l’ambivalence de l’ouvrage tient peut-être aussi à celle des objets centraux de cet ouvrage « les ados ». Car finalement c’est de cela qu’il s’agit plus que des TIC. Une lecture de cet ouvrage amène à penser que la question centrale est bien celle de définir ce que c’est que l’adolescence (un manque criant dans le texte), mais aussi ce que signifie éduquer (là encore on est en manque) ou même d’enseigner (il y a omission) et aussi de poser cette question de la relation des jeunes avec les technologies dans une perspective historico-socio-économique (et là le manque d’Histoire est important). Le sentiment à la lecture de ce livre est que l’on ouvre de nombreuses portes, sans jamais vouloir s’engager dans aucune d’elles. Ce qui provoque la frustration d’un lecteur qui pensait trouver dans cet ouvrage des pistes plus nettes pour avancer sur des questions importantes parfois évoquées et qu’il faut au moins partiellement citer ici :

Qu’en est-il de l’évolution de la culture adolescente actuelle par rapport à l’ancienne (si tant est qu’elle existe) ?

Quelle place et quelle responsabilité ont les adultes actuellement dans cette évolution ?

Comment les adultes modèlent et construisent la culture de leurs enfants ? (au lien simplement d’indiquer à plusieurs reprises qu’ils sont dépassés)

Les TIC ne s’inscrivent -elles pas dasns une évolution « continue », conséquence, entre autres du développement conjoint de technologies (électricité, …) et de modèles économiques (capitalisme, libéralisme…) ?

BD

1 Commentaire

  1. cette lecture est enrichissante et très complexe mais porteur

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