Eloge de l'art de vivre et de la rigueur sur Internet

Pourquoi tant de haine ? Pourquoi ces attaques personnelles ? Pourquoi ces propos suspicieux ? Pourquoi ces injures ? Telle pourrait être mon sentiment suite à plusieurs échanges récents sur Internet. A l’occasion d’oppositions de conception assez importantes, un certain nombre d’acteurs habitués à s’exprimer sur Internet, forums, blogs, courriers personnalisés, se croient autorisés à attaquer les personnes sous des formes variées, au lieu de s’en tenir au débat initial. La pollution des listes de diffusion par des personnalités pathologiques n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau c’est que désormais (mais n’est-ce pas aussi de la patholoige) cette forme d’expression semble s’étendre. Est-ce l’effet de la protection de la distance, de l’anonymat possible, ou est-ce le développement d’une radicalisation dans les relations humaines liée au développement de nouveaux supports désormais accessibles à tous. Que dire d’un jeune qui utilise son blog pour diffamer ses enseignants, ses collègues, ses parents. Mais que dire d’un enseignant qui pratique l’injure, la suspicion ou l’agressivité sur Internet. Le premier est exclu au nom de deux lois : celle de la vie en société, mais aussi celle de l’école. Le second est rarement puni au nom de la loi, quant à la loi de l’école elle ne s’applique pas au delà des murs d’enceinte de l’établissement. Que diront des jeunes qui, sanctionnés par leur enseignant, retrouveront celui-ci en train d’agresser d’autres collègues sur le même vecteur. Quant aux médias traditionnels, il nous faut les soupçonner de prendre une part étonnante dans ce débat. Que Libération, le Monde ou Télérama, parmi d’autres, aient emboité le pas de cette forme de dialogue sur Internet semble au départ un souci d’expression des lecteurs. Mais dès lors que cette expression tourne à l’agressivité, au propos outranciers tenus dans l’anonymat, on peut se demander quel intérêt ils ont à les encourager.Il me semble que deux mouvements sont sous-jacents : le premier est que n’importe qui peut ainsi parvenir à entrer dans l’arêne et ainsi tenter de devenir célèbre dans cette nouvelle forme de « média-réalité » provoquée dans ce nouveau support; le deuxième me semble plus pervers car il confine au travail de repérage et de recueil d’information que se doit de faire un journaliste. Ainsi muni de cette précieuse tribune libre, il peut en sélectionner les plus « spectaculaires » et en faire ainsi un enrichissement de son propre support. Dans les deux cas, il y a tentative de développer le « spectacle humain ». D’une part en rendant ordinaire la forme spectaculaire dénoncée jadis par Pierre Bourdieu. D’autre part en mettant en avant les propos les plus spectaculaires tenus lors de ces « (d)ébats en ligne ». La fameuse « Netiquette » si souvent vantée depuis les début d’Internet n’en a plus pour très longtemps. Les adultes sont les premiers impliqués dans cet éclatement programmé. Incapables de respecter les règles qu’ils édictent (regardons dans les transports collectifs le développement continu du téléphone portable alors qu’il est demandé de rester discret), les adultes sont pourtant les premier à fustiger une jeunesse qui ne respecte plus rien. Malheureusement les exemples récents m’amènent à constater que la forme de « violence » symbolique, verbale et parfois réelle exprimée dans ces échanges entre adultes devient de plus en fréquente. Comme si la compétition acharnée devenait le mode de vie généralisé et accepté par tous. il est encore temps de résister comme le propos M. Viverét et de retrouver un art de vivre. Si les adultes sont incapables de cela, qu’en sera-t-il des jeunes ?

Bruno Devauchelle

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