Eloge de la gratuité

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La publication d’un article sur la gratuité dans l’hebdomadaire Télérama en date du 23 Avril pose quelques questions intéressantes que cette liste a eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises depuis sa création. Que l’on soit bien clair, n’est gratuit que la réception de l’information, la fabrication, le transport, la diffusion ont un coût, mais celui-ci est pris en charge de diverses façon. Ainsi TF1 n’est pas gratuit, chacun de nous le paye en allant faire ses courses dans les commerces. Pourquoi alors reparler de la gratuité ? C’est parce que c’est le « sentiment » de gratuité qui pose problème. Autrement dit c’est la perception de cette gratuité, que l’on donne ou que l’on reçoit quit est posée. Les développements d’Internet et du Peer to Peer, qui amènent nombre de personnes à télécharger « gratuitement » des oeuvres sur Internet est le signal d’alarme qui amène à entrer véritablement dans le sujet. Dans l’article de Télérama, on s’étonne de ne rien lire sur le « bénévolat » ou encore sur « les communautés d’échange réciproque des savoirs ». Il semble que là aussi existe une certaine conception de la gratuité. Il suffit d’aller dans les établissements scolaires pour se rendre compte que la notion de gratuité, autrement dit celle de paiement, de non gratuité, ne va pas de soi. En effet la très faible conscience juridique des acteurs de l’éducation en matière de droit de l’information est très étonnant. Dès lors que cette notion est floue pour les adultes, peut-elle l’être aussi pour les jeunes que l’on accuse souvent de ne travailler en classe que si ça rapporte. Le principe d’économie (comment obtenir le meilleur résultat en dépensant le moins possible) semble faire partie de la nature humaine suivant les lectures que l’on peut faire de travaux de psychanalyse ou de psychosociologue, ou même de cogniticiens. Cette conscience cachée du « tout à un coût » serait à l’origine de cette forme de confusion sur la gratuité. Autrement dit, si c’est payant, mais que ça peut être gratuit pour moi, alors c’est beaucoup mieux !!! La lecture des actions d’un certain nombre de nos collègues, voire de nous même, ne peut surprendre surtout si l’idéologie du résultat est la seule valable à la place d’une éthique des finalités et des moyens. La question de la gratuité est posée à chaque fois que l’un des deux pôles est menacé : ainsi les journaux gratuits dérangent les journaux payants, la copie de musique dérange les marchands de musique, les bénévoles dérangent les professionnels, les associations sont attaquées dès lors qu’elle agissent dans le secteur marchand. Si personne n’est dupe des coûts, la question du sentiment de gratuité vient aussi en contre point des abus constatés dans ce qui touche à l’argent : profits immenses, indemnités de départ colossales pour des dirigeants d’entreprise. Comme si le sentiment de gratuité était le dernier rempart, la dernière résistance passive que chacun de nous pouvait exercer face à un monde dans lequel la valeur financière des choses à pris la place de la valeur humaine des actions.

Bruno Devauchelle

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