Ne négligeons pas infrastructures….

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L’usage pédagogique des TIC se trouve depuis longtemps confronté au problème de la fiabilité des installations, matérielles, logicielles et autres. Au fil des rencontres avec les établissements et les responsables de tous niveaux, il apparaît que la fragilité des infrastructures est à la base de nombreuses frilosités exprimées par les enseignants. Certains se demandent si c’est un prétexte ou un fait. Force est de constater que les témoignages ne diminuent pas et que la question de la robustesse des installations numériques dans les établissements scolaires est un problème récurrent depuis plus de trente années. Loin de moi l’idée de nier la complexité des installations et la bonne volonté des agents en charge de celles-ci, mais il faut accepter d’affronter les questions telles qu’elles se posent, et non pas comme on voudrait qu’elles soient.
Quand je parle d’infrastructures je distingue tout en les associant les questions de réseaux (filaire/wifi), les questions de serveurs, d’accessibilité aux ordinateurs, d’installation logicielle, de ressources en ligne, ainsi que tous les éléments qui sont en amont de l’utilisation en classe. En partant du constat qu’un enseignant qui entre dans une salle et veut y utiliser les ressources numériques se pose la question de savoir s’il doit préparer un plan B et se sent insécurisé, voire démotivé si, à plusieurs reprises il constate des défaillances partielles ou totales.
On a souvent évoqué d’abord la question de la formation des enseignants (technique en particulier). On a aussi évoqué la maintenance voire l’intervention directe d’un agent spécialisé auprès de l’enseignant. Mais on évoque moins souvent les conséquences des choix en amont d’une part, et les écarts de culture ou de compréhension entre les informaticiens et les enseignants usagers. Pour ce qui est des choix en amont, plusieurs exemples peuvent illustrer. La bande passante, la qualité des serveurs (l’un deux est tombé en panne la veille de ma venue dans un établissement stoppant une initiative d’utilisation d’une plateforme en ligne), la sécurité installée, les matériels choisis, les limitations des usages sont parmi d’autres des objets qui posent problème. Pour ce qui est de la culture, outre le dialogue souvent difficile entre des corps de métiers ayant des références différentes, on peut constater que ce qui est dysfonctionnement pour l’un ne l’est pas pour l’autre et que, trop souvent, on ne fait pas l’effort ni de signaler des problèmes rencontrés, ni de remédier dans des délais raisonnables à des difficultés de terrain.
Il faut partir d’un constat et qui fait que ce n’est pas simple à gérer : chacun a une pratique personnelle des TIC et cette pratique est différente sur le lieu de travail. Rien que cet écart suppose des apprentissages complémentaires parfois douloureux. Mais c’est surtout dans la représentation mentale que les choses sont difficiles. Quand chez moi ça marche, je m’attends à ce qu’à l’école ça marche aussi…. Dans des activités professionnelles dans lesquelles l’ensemble de l’informatique est pilotée d’en haut (par la DSI) même les usages à distance ou à domicile, les usagers rentrent dans un moule et distinguent les deux activités, voire les deux types de machines : l’une est fournie par l’entreprise (embarquant les règles propres à celle-ci), l’autre est acquise personnellement, n’interagissant que peux avec le système professionnel sauf parfois au travers du web (en particulier pour les mails). Dans le monde enseignant les questions sont différentes. D’abord les établissements ne fournissent pas tous (loin s’en faut) d’ordinateur à leurs enseignants; donc c’est la machine personnelle qui est référente. Du coup le passage dans le système de l’établissement suppose une adaptation parfois difficile. De plus le métier d’enseignant étant plutôt un métier individuel, mais exercé aussi bien à domicile que dans l’établissement, la continuité est souhaitée, en particulier en matière de supports.
Dans un établissement, un responsable disait qu’on ne pouvait pas laisser les enseignants installer ce qu’ils veulent car ce serait vite l’anarchie. Mais alors comment faire ? Certains disent que chaque année il faudrait, comme pour les livres, qu’ils donnent leurs désidérata.  D’autres disent qu’il leur suffit de demander et qu’on installera, mais avec quel délai. La tentation est forte alors de passer par les applications en ligne. Du coup, pas d’installation, pas de demande à faire, juste un site à joindre. Mais là apparaissent deux problèmes : celui des autorisations des outils de filtrage, celui de la bande passante. Si le premier problème peut-être aisément résolu, le second demande une infrastructure solide qui prenne en compte des pics de flux importants. Ainsi choisir d’équiper de tablettes ne peut se passer d’une infrastructure wifi très solide. Certes on économise en câblage (autonomie importante, wifi ou Bluetooth) mais on doit se sécuriser avec un wifi en bonne santé, et qui ne s’écroulera pas au premier cours qui voudra se connecter, classe entière, en même temps. Autrement dit la contrainte pédagogique serait qu’il ne faut pas demander aux élèves de regarder chacun sur leur poste une vidéo en ligne en même temps, mais plutôt la projeter pour tous.
A partir de ces quelques observations de terrain, on comprend aisément que le nerf de la guerre est constitué des sous bassements de ce que l’on utilise. A la maison je n’ai pas de problème, pourquoi j’en aurai à l’école. Certains tiennent le même raisonnement avec l’ergonomie des applications et certains disent que finalement vaut mieux passer par les outils grand public… Les possibilités données par des serveurs vidéos en ligne donnent envie de se passer d’infrastructures locales lourdes à mettre en oeuvre. On le voit il y a des questions de cohérence verticale à assurer. Mettre du matériel en classe, sans s’assurer que ce qui est en amont permettra de le faire fonctionner paraît élémentaire, et pourtant c’est ce que l’on rencontre trop souvent. Malheureusement pour s’en rendre compte il faut souvent être en situation. Sur le papier tout fonctionne, en réalité il y a des aléas…
Les responsables des établissements devront, dans les quelques années à venir avoir ce souci des infrastructures. Quand le conseil régional de Bretagne déclare, après enquête auprès des usagers qu’il décide en 2012 de miser sur une politique de maintenance, on peut s’interroger de savoir pourquoi cela arrive si tard. Quand un établissement s’aperçoit que l’arrivée d’Internet est digne d’un particulier alors qu’il voudrait connecter toutes les salles de l’établissement, on comprend l’urgence de penser infrastructures (et leur dimensionnement)… A moins que la 4 g ne vienne résoudre des problèmes de réseau, par exemple. Mais on peut aisément remarquer que cela creusera et creuse déjà avec le wifi et le filaire l’écart entre les zones géographiques densément peuplées et les autres….
La montée en puissance et en nombre des terminaux informatiques de toutes natures et l’augmentation exponentielle de leurs usages suppose de penser, à plusieurs années, outre le câblage physique, l’ensemble des éléments qui permettent aux flux numériques de circuler aisément. La question était déjà d’actualité en 1990 lorsque la société IB2 avait été fondée pour développer la notion d’immeubles intelligents. La méthodologie existait déjà, malheureusement, on n’a probablement pas encore suffisamment pris en compte cet élément fondamental…. Peut-être parce que les technologies n’existent que quand elles ne fonctionnent pas et se rendent transparentes, évidentes, quand elles fonctionnent bien, comme à la maison, quoi !!!
A suivre et à débattre
BD

1 Commentaire

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    • Marie-Odile sur 9 décembre 2012 à 06:57
    • Répondre

    Bonjour,
    Vaste problème, vaste sujet sur lequel chacun a son anecdote.
    La première nécessité est certainement celle d’une formation technique minimale de base des enseignants leur permettant une démarche d’investigation rapide en cas de « panne ». Certains dysfonctionnements sont souvent d’une grande banalité et ne demandent pas l’intervention d’un technicien de haut niveau. De plus dans ces situations de flou les élèves agissent comme des vandales…… malgré l’attrait des Tic l’envie d’étudier n’est pas toujours répandue dans les classes.
    Les enseignants sont des individualistes, certes, et n’aiment pas les contraintes mais comme ils ont appris à devenir usagers de la route, ils doivent appendre à utiliser les matériels à disposition sur leur lieu de travail :
    prévoir ce dont ils auront besoin (temps pour l’installation), s’assurer du bon fonctionnement, respecter les chartes informatiques, les faire respecter aux élèves, partir en laissant en ordre et en signalant les soucis éventuels.
    Les réflexions du genre « Chez moi………… » sont inacceptables : compare t-on l’équipement et le fonctionnement d’une cuisine familiale avec ce qui se passe à la cantine ? Il ne faut pas vouloir devenir « administrateur » le temps d’un cours, se moquer de la suite et refuser les responsabilités plus conséquentes.
    D’autre part on demande bien trop aux responsables des établissements : d’où vient leur information et leur formation sur le sujet ? Ils devraient accepter le cadre fourni par les services qui existent dans toutes les académies pour la mise en place des Tices. Les personnels qui y travaillent sont au carrefour enseignants, élèves, administrations et infrastructures matérielles et logicielles. Ces personnels, souvent enseignants au départ, fonctionnaires, suivent régulièrement des formations et leurs conseils et compétences sont incontestables. Cela demande humilité !
    Cependant si un enseignant veut utiliser les matériels de façon authentique, il fera tout pour que cela fonctionne, il réussira et les technologies seront transparentes au service de la discipline enseignée.

  1. […] Bruno Devauchelle – Ne négligeons pas les infrastructures…. From http://www.brunodevauchelle.com – Today, 2:21 PM […]

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