Télévision et école

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Le reportage sur le retour aux « bonnes vieilles méthodes » présenté par France2 le mardi 15 novembre tendrait à montrer que le retour aux bonnes vieilles méthodes permettrait de « savoir lire en mars au CP » et que ce serait la méthode globale imposée par « en haut » ainsi que le théatre et le jeu pour apprendre qui sont mauvais, incitant les enseignants à refuser d’appliquer les consignes ministérielles. Quelques éléments de ce reportage doivent retenir notre attention car ils mettent en évidence la réthorique utilisée pour démontrer des idées : D’autre éléments illustrent encore davantage les contradictions internes de l’exposition de ce cas.

On montre une enseignante que l’on qualifie d’ordinaire et on laisse passer plus loin une image qui illustre la couverture du livre publié par cette institutrice. Les auteurs du reportage oublient de nous signaler qui est précisément cette jeune femme en nous cachant ce fait. Le lieu et l’espace de présentation de l’enseignante est mis en scène en l’entourant de livres très nombreux, dans un grenier et avec un ordinateur (ou deux) macintosh, avec écran plat dont on montre à l’écran l’écriture par l’enseignante de syllabes. On nous dit qu’il est interdit de filmer dans sa classe (qui utilise les anciennes méthodes) et on nous montre une autre classe qui elle utiliserait la méthode globale (sans interroger l’institutrice ni situer l’origine du reportage), ce qui n’est illustrer que par quelques dessins de mots dans lesquels des lettres et des sons sont mis en évidence. On nous parle de la multiplication des livres sur ce sujet, mais on oublie de vérifier ce que sont ces livres dans l’ensemble des publications pédagogiques actuelles. On interroge pour renforcer le tout un inspecteur d’académie à la retraite (sans doute pour contrer un argument de cette jeune femme qui a cinq ans d’ancienneté). Cette figure de l’ancien, n’est pas mise en perspective par rapport à d’autres anciens inspecteurs qui tiendraient d’autres discours. De plus la mise en scène de l’inspecteur est caractéristique : il feuillette ce qui est supposé représenter un vieux livre jauni. Enfin le commentaire se termine sur une statistique qui doit être située : elle déclare en 6è 30% des élèves ne savent pas lire ». Or cette argument ne dit pas que cette statistique est issue d’une étude internationale qui elle précise que ce n’est pas de lecture, mais de litéracie dont il s’agit.

Ces éléments sont illustratifs de l’école de formation des journalistes chargé de promouvoir un point de vue. Ils sont aussi illustratif de la réthorique utilisé par les tenants de ces « méthodes anciennes ». En effet les deux figures de la mise en scène actuelle des idées sont : – le débat contradictoire dans lequel chacun tente d’imposer sa voix sur l’autre, pilotés par le point de vue de l’animateur (cf le travaux de P. Bourdieu) comme savait le faire Jean Marie Cavada – L’exposé structuré et spectacularisé d’une oppression supposée et d’une opposition à une autorité (ici le ministère) sans permettre au spectateur de mesurer la valeur des arguments. L’ensemble des tenants de la thèse exposée témoignent et les autorités ou valeurs mises en cause ne sont jamais interrogées ou expliquées autrement que par l’éllipse (trois secondes sur une classe ou on enseigne une méthode dite globale ».

Cette deuxième forme de démonstration qui est celle de ce reportage doit nous alerter sur les tentatives de manipulation médiatique qui sont actuellement en train de se développer dans notre société. En effet le spectacle mis en scène ici (et non pas simplement observé et analysé) repose sur l’art de ne pas permettre au spectateur de prendre de la distance avec ce qui est montré. Au moment où les télévisions étrangères et en particulier Nord Américaine ont montré la capacité des médias à fausser l’information (cf la carte de France délirante des émeutes), nous observons que cehz nous c’est la même chose et que le service public, qui est supposé être au service du public se met volontier au service de causes particulières sans permettre une prise réelle de recul. Force est de constater que les personnes qui oeuvrent dans le sens pris par le journaliste utilisent depuis longtemps ces techniques réthoriques qui caractérisent les tenants de telle ou telle idéologie et qui veulent à tout prix montrer qu’ils ont raison.

Quelques éléments de la symbolique présente dans ce reportage doivent nous alerter. En effet la mise en scène doit être interrogée :

– La présence de l’ordinateur sur le bureau de l’enseignante et la grande quantité de livres dont l’enseignante est entourée Il est étonnant de voir figurer un ordinateur parmi les plus couteux dans le bureau d’une jeune enseignante qui cherche à revenir aux vieilles méthodes. On peut se demander si, mis à coté d’une telle quantité de livres n’est pas là pour signifier que ces deux objets sont les symboles de la « réussite scolaire », l’ancienne et la nouvelle, toutes les deux au service de la tradition. Cette tension entre ces deux objets peut aussi signaler que la maîtrise de l’informatique est, dans la suite logique de la maîtrise du livre un outil de domination sociale. En mettant en avant cet ordinateur dont on ne parle pas dans le commentaire (fallait-il le psser sous silence) on peut penser qu’il y a là un objet à part.

– L’argument du bon sens et de la répétition L’argument du bon sens est celui qui amène les gens qui ne sont pas des professionnels de l’enseignement à penser qu’il suffit du bon sens pour enseigner. Or cela est en contradiction avec l’appel aux méthodes anciennes qui n’ont jamais été élaborées sur le bon sens, mais bien sur une analyse de la langue par les linguistes de l’époque. Comme si le bon sens seul avait été à la base des pratiques antérieures de l’enseignement alors que l’on sait que les pratiques d’enseignement ont leur fondement dans les pratiques anciennes et les analyses anciennes faites par les fondateurs des écoles et en particulier les religieux (jésuites par exemples) qui avaient théorisés des pratiques en particulier, par exemple, celle de la réthorique.

– l’encadrement du reportage par des couvertures de livres La première couverture dans le reportage a pour titre : « parents contre profs », La dernière a pour titre : « la fabrique des crétins ».

On peut se poser la question du choix éditorial fait ainsi qui pourrait, si l’on fait le racourci renforcer l’idée que la famille fabrique des crétins et que l’école doit l’empécher par les bonnes vieille méthodes choisies par des adultes (comme les textes des poésies). Cette façon de faire pourra être jugée comme arrogante par certains, humiliante par d’autres.

On ne peut qu’être surpris que le service public de l’audiovisuel fasse des reportage de cette forme tant il est tenu de respecter ses auditeurs….

Citons, en conclusion de ce questionnement et pour illustration , des passages de la lettre aux instituteurs de Jules Ferry envoyée en 1883 qui nous rappellerons que nous sommes souvent collectivement et profondément marqués par le retour à cet ordre ancien et que déjà à cette époque les débats étaient de même nature :

« ce n’est donc pas dans l’école, c’est surtout hors de l’école qu’on pourra juger ce qu’a valu votre enseignement. »

« L’enfant qui sait reconnaître et assembler des lettres ne sait pas encore lire ; celui qui sait les tracer l’une après l’autre ne sait pas écrire. Que manque-t-il à l’un ou à l’autre ? La pratique, l’habitude, la facilité, la rapidité et la sûreté de l’exécution. De même, l’enfant qui répète les premiers préceptes d’instinct ; alors seulement, la morale aura passé de son esprit dans son coeur, et elle passera de là dans sa vie ; il ne pourra plus la désapprendre. »

« Une seule m
éthode vous permettra d’obtenir les résultats que nous souhaitons. C’est celle que le Conseil supérieur vous a recommandée : peu de formules, peu d’abstractions, beaucoup d’exemples et surtout d’exemples pris sur le vif de la réalité. Ces leçons veulent un autre ton, une autre allure que tout le reste de la classe, je ne sais quoi de plus personnel, de plus intime, de plus grave. Ce n’est pas le livre qui parle, ce n’est même plus le fonctionnaire ; c’est pour ainsi dire, le père de famille, dans toute la sincérité de sa conviction et de son sentiment. »

A débattre

BD

11 Commentaires

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  1. cher collègue, tu as dû écrire vite, il reste des "coquilles", fautes d’orthographe que les esprits chagrins du moment pourraient ? utiliser pour "prouver" que tu as toi-même été à "mauvaise école" …
    😉
    (je suis d’ac avec le fond, bien sûr !)

    Jeanny PRAT
    Centre IUFM de Bourg en Bresse, Acad. LYON

  2. Merci.

    Cette émision de samedi est une honte.
    Si nos ministres, nos journalistes étaient des spécialistes de psycho, de linguistique, ça se saurait.
    Sans doute les salaires des profs d’iufm sont-ils trop peu élevés pour qu’ils n’y enseignent pas.
    où est la place de ce débat?
    Notez que pour ce qui est des antibiotiques et de l’usage immodéré qui en est fait, la cible des pubs c’est le péquin ordinaire, comme si c’était lui qui dictait la prescription au médecin…

  3. Excellent. Merci.

    • laurent cochet sur 21 novembre 2005 à 21:49
    • Répondre

    Bravo! tombé par hasard sur ce reportage et choqué devant tant de démagogie je me réjouis de lire une critique aussi bien argumentée.

    • Joëlle sur 21 novembre 2005 à 23:06
    • Répondre

    J’ai été abasourdie par le reportage de France 2, son parti pris, la désinformation qu’il propage.. et je suis contente de trouver un message qui dit mieux que moi ce que j’ai ressenti face à cette parodie d’information. Je suis institutrice, j’enseigne en cycle 2 depuis une dizaine d’années et chaque année j’essaie d’aider les enfants à construire leur apprentissage de la lecture, et leur apprentissage de citoyen en puisant au maximum dans leur vie, dans la vie de la classe et c’est autrement plus riche pour eux et pour moi que la méthode Bocher.En effet pourquoi ne pas revenir aux encriers et à la plume si avant tout était si bien?
    Le problème est : comment contrer ce reportage et montrer "à une heure de grande écoute" qu’il existe d’autres moyens d’enseigner moins avillissant, moins abêtissant, plus épanouissant et plus intelligent? Car le droit de réponse (médiateur) fut pire que médiocre.

    • guille sur 22 novembre 2005 à 17:39
    • Répondre

    Je savais que ce reportage m’avais dérangé.Par contre, je n’étais pas forcément capable d’exprimer avec finesse les raisons de ce phénomène.
    Bien sûr, nous savons tous que les médias nous manipulent et nous imposent leur façon de voir, mais c’est quelquefois si ténu qu’il n’est pas forcément évident de le mesurer.
    Merci à Bruno Devauchelle pour son analyse. Elle me rassure quand à ma perception de certains reportages.
    Pierre Guille
    Membre du GRT au CEPEC

    • marchil sur 22 novembre 2005 à 18:03
    • Répondre

    J’aime beaucoup votre analyse de cette émission, vous posez les bonnes questions sur ce que cachent les images,leur environnement; et vous gardez malgré tout un ton modéré… A vous relire!

    • Nougué-Lanneau Nadine sur 24 novembre 2005 à 04:22
    • Répondre

    PROBLEME DE LECTURE ?
    Bonjour Bruno que je connais par la liste de e-docs! Ce blog est passionnant ! Bravo !!! Vivement qu’il y ait des lecteurs-lectrices et aussi des "écrivain(e)s"

    PREMIER CAS
    Je viens faire part de quelque chose qui m’a étonnée la semaine dernière dans mon collège. Le prof principal d’une classe de cinquième, nous a fait passer une info venant d’une orthophoniste au sujet d’une élève, en retard scolaire, c’est vrai, en butte aussi à du racisme l’an dernier, (je l’ai trouvée un jour, pleurant sous un escalier, ceci pour le contexte…). Ce papier disait que cette élève devait avoir une sorte de contrat personnalisé et l’orthophoniste précisait : "Il faut la laisser subvocaliser pendant les cours."
    Mon sang ne fit qu’un tour, intérieurement, – je ne montre jamais mes réactions – et je revis cette gamine qui l’an dernier en sixième, a participé à des projets avec moi et deux profs de discipline, venait très souvent travailler au CDI après le repas – elle continue d’ailleurs cette année, car malgré son retard, elle est sérieuse et semble vouloir réussir -. Elle n’a jamais "subvocalisé" devant moi, je l’aurais vu, je l’aurais su, mais au contraire, elle faisait comme les autres, elle lisait, elle prenait des notes, imparfaitement comme les autres sixièmes, ils ont bien sûr tendance à recopier mot à mot – mais c’est ce qu’ils font en cycle 3 comme m’ a répondu un conseiller pédagogique lors de notre journée de liaison cycle 3-sixième. Elle a participé donc à un projet jusqu’à sa communication sur panneaux d’exposition et puis, avec ses camarades, elle a communiqué à voix haute ce qu’elle avait écrit devant les élèves de cycle 3 de l’école voisine que nous avions invités avec leur prof.
    Je suis tombée de haut : pourquoi vouloir la faire régresser à ce point ? Elle est capable de faire comme les autres…
    J’ai parlé avec elle : non, elle n’a pas besoin de parler en lisant… CA VA BIEN ! Tant mieux ! C’est quoi alors ? Où est le problème ?

    Ou plutôt :
    Quel est le pouvoir des orthophonistes dans l’école réellement ?

    AUTRES CAS, AUTRES ELEVES
    Autres cas, autres élèves, deux quatrièmes. Venues au CDI pour trouver des infos sur l’orientation, elles aperçoivent le "Dico des métiers". Déjà, difficulté à chercher là-dedans. Je dis que je n’aideraiS que si elles réfléchissent d’abord en observant l’objet et les aides qu’il y a à l’intérieur, que ça ne leur apporterait rien si je faisais le travail à leur place. Ca les "booste", car quelques minutes après, par miracle, on trouve l’index, l’article qui correspond à la recherche. Puis, je les laisse. Je reviens un peu plus tard et je demande comment ça va : MAL !!!

    L’élève me demande alors de faire une photocopie d’un article de vingt-cinq lignes environ. Je réponds que l’on plaisante, que l’on peut lire si peu de lignes car il y a encore du temps. Qu’elle prenne des notes plutôt, c’est une compétence à acquérir pour réussir et surtout en quatrième ! Consternation peut-être même une larme ! Je reste de marbre.

    Je reviens un moment après et à ma grande stupéfaction, je l’entends lire à haute voix. Je lui demande pourquoi elle fait ça :"mais parce que je ne comprends pas ce que je lis si je ne parle pas!" – Tu es sûre, tu as essayé… mais cela explique pourquoi tu avais peur tout à l’heure de lire ce petit texte. Lire à voix haute comme tu le fais, te fait perdre du temps…" Je demande à la copine qui faisait ses devoirs si elle est dans le même cas : OUI !!! Et elle me ressort les mêmes arguments.

    Vite, vite en parler aux autres profs de discipline, il faut à tout prix que ce problème soit évoqué non pas pour faire venir des bataillons d’orthophonistes qui en feraient leur fonds de commerce mais pour prendre conscience collectivement qu’il y a un problème de lecture et voir comment faire face. J’ai vu l’an dernier comment la petite sixième dans le groupe de travail, en projet a progressé sans en avoir l’air.

    LE GROUPE. Théâtre et lecture. Dyslexie ?
    Encore une autre anecdote mais hors collège. Je suis présidente d’une association de théâtre amateur, association agréée d’éducation populaire tenue par des bénévoles. Je participe à l’atelier des ados cette année pour aider l’animatrice bénévole parce que nous avons accepté d’accueillir deux handicapées légères du point de vue moteur mais qui sont arrivées avec des difficultés d’articulation et d’élocution.
    Trois mois après la rentrée : une bonne intégration dans le groupe, positif pour elles mais aussi pour leurs copains et copines qui, après des regards en chien de faïence au début, les considèrent comme leurs égales. Il faut voir tout ce monde improviser, chahuter ensemble. Et l’élocution s’améliore petit à petit, bien sûr, plus chez l’une que chez l’autre qui est beaucoup plus timide semble-t-il, mais nous ne sommes pas à la fin de l’année et au moment du spectacle que nous devons donner au Centre culturel de la ville au mois de mai et en juin.
    Autre cas dans le groupe : un ado qui a déjà joué l’an dernier, les parent l’ont forcé à venir au théâtre parce que m’a dit la mère "vous avez vu, il est dyslexique. Il accroche tous les mots." Effectivement, c’était impressionnant, à se demander si à peiner comme ça à tous les mots, il comprenait quoi que ce soit à son texte. Il m’est arrivé, lorsque nous faisions de la lecture à plusieurs voix d’un texte pour voir s’il était intéressant à jouer, de l’aider, car je souffrais pour lui, en lisant en même temps que lui, ce qui, je remarquais l’entraînait à projeter son regard sur le reste de la phrase et à ne pas rester au "mot à mot". Il s’est trouvé que devant lui, j’en ai parlé à sa mère, en lui faisant remarquer qu’il avait bien lu à partir du moment où j’avais lu avec lui comme ça, de façon spontanée et parce que c’était productif parce que les autres aussi avaient de la patience mais jusqu’à quel point ?
    Aujourd’hui, surprise ; nous décidons de lire des pièces courtes, monologues ou dialogues, etc. et chacun doit se choisir un personnage. Quand est venu son tour, je ne l’ai pas reconnu : sûr de lui, souriant pour la première fois, à l’aise, faisant des jeux de scène… et surtout, surtout, mettant le ton, l’expression dans un texte qu’il avait lu avec les yeux pendant quelques minutes. Et il le disait à un rythme qui collait parfaitement bien à l’expression du comique, et avec une facilité capable de nous faire ressentir ce qu’il avait lu auparavant.

    D’AUTRES CAS ? J’EN AURAIS DES CENTAINES CAR JE CONNAIS LE PROBLEME DONT TU PARLES – ET QUE LE REPORTAGE DE LA TV A PRESENTE DE FACON SI HONTEUSE _ JE LE CONNAIS DEPUIS LONGTEMPS.
    Je veux bien en discuter un peu plus tard encore. Là, j’ai voulu partir de cas concrets.
    On va me rétorquer : oui, mais les deux quatrièmes qui subvocalisent, c’est la faute à la méthode globale que Rachel Boutonnet veut BOUTER hors l’école, alors que l’on sait qu’elle n’a jamais été utilisée. J’ai connu pour mes trois enfants :
    – en Normandie mon fils aîné en 1985 : "Rémi et Colette", que j’avais eue moi en CP en 1961 ! Et avec en prime, les joies de la ruralité et autres joyeusetés de l’époque. C’aurait pu être un beau souvenir pour moi si cela ne m’avait fait sortir autant de mes gongs. A croire d’ailleurs que cette lecture ravivait chez moi d’anciennes rancoeurs de l’élève de CP que j’avais été.
    – à Toulouse, mon second fils, en 1988 : une méthode moderne, venue du Canada, "le Sablier" mais en fait à y regarder de près, un mélange de moderne (les textes de la classe, je crois) et d’ancien avec des sons et des costumes de sons… toujours du son ! Ah ! non, ce n’était pas la globale.
    – à Saint-Orens, ma fille en 1992: une méthode semi-globale dont je ne me rappelle plus le nom (deux enfants comme chez Rémi et Colette mais au goût du jour, oui, je me souviens qu’on s’était rendu compte entre temps que le jour de repos de la semaine n’était plus le jeudi ! – mais où nous avons été plusieurs parents à nous étonner que l’on commence l’étude par la fin. Où était la logique lorsque, alors qu’en maternelle, des acquis avaient été engrangés, des mots étaient connus, brusquement plus rien, faisons table rase, fermons la porte, laissons les petits de la maternelle chez eux, ils seront bien gardés… et là en CP, des études sans fin sur les sons, du ba-ba, des pierres, des cailloux pour donner une petite coloration moderne mais toujours du son comme au bon vieux temps. Et en fin d’année, alors dans un mouvement révolutionnaire, on allait enfin lire de vrais textes, on sortit même à l’hyper à côté pour lire sur les affichages puisque enfin on savait lire, sauf ceux qui ne savaient pas lire, mais bon ceux-là, on leur trouvait des solutions radicales, car voyez-vous les cycles, madame, on n’a pas les moyens, on n’a pas les moyens.. Redoublement… quoi de plus évident !
    Heureusement ma fille s’en est bien sûr sortie comme ses frères avec une lecture excellente car il y avait de la lecture à la maison, car nous lisions, que la maison est remplie de livres. Jamais de problème de subvocalisation, même au fameux temps de l’apprentissage des sons car à la maison, je ne faisais jamais lire la leçon de lecture, j’avais mieux, nous jouions à des jeux de lecture qui permettaient justement d’éviter la subvocalisation, ou bien tout simplement nous lisions tout autre chose qui nous tombait sous la main…

    Si, il faut que j’avoue quelque chose quand même : quand ma fille était en moyenne section, on s’avisa, la maîtresse un matin me parlant presque à travers la porte, oui, la porte à moitié refermée "le RASED va prendre votre fille". Point. Mais que se passe-t-il ? Déjà la manière, j’aimerais être à l’heure actuelle la seule héroîne d’un tel fait divers… car quel choc pour un parent ! Effectivement ma fille fut "enlevée" un certain temps de sa classe car elle ne parlait pas, alors qu’elle parlait très bien à la maison, et j’ai su plus tard, dans les brumes des entretiens avec la psychomotricienne ou psy quelque chose que c’était à cause de ces fameux "sons" du CP qu’il fallait à tout prix voir ce qu’avait ma fille car elle risquait de ne jamais apprendre à lire ! Enquête psychologique, la famille, les frères et soeurs, vous dormez bien ? Vous mangez bien ? La santé ? Le travail ? Et la petite ? Elle dit quoi ? Elle dit ren ? (pardon Queneau!) – Mais si, elle parle !"
    Finalement, quelques jours plus tard par un drôle de hasard comme il en arrive tous les jours dans la vie, en allant à l’école, il y avait des petites pâquerettes dans l’espace vert. Aurélia (ah! oui, Nerval…), en a cueilli, en a apporté à sa maîtresse et là, miracle, depuis la porte de la classe, ouverte pour une fois, j’ai vu arriver la maîtresse illuminée d’un grand sourire : "votre fille n’est pas muette !" (non, ce n’est pas du Molière ou alors;..), "elle m’a parlé".
    Résultat des courses : la psy machin chose m’a révélé que c’était la maîtresse qui était en cause, qu’elle avait des problèmes de relation avec ses élèves et que bon, beaucoup peut-être insensibles, n’y faisaient pas attention, mais que d’autres plus fragiles, plus sensibles…

    IL FAUT CONCLURE
    Bon, bien sûr mes trois enfants n’ont jamais goûté aux joies ineffables de la méthode Boscher datant du début du vingtième siècle mais que les hypermarchés ressortent à chaque rentrée mais les trois méthodes ont toutes utilisé les sons et la syllabique et la subvocalisation. Ca, je l’affirme.
    Je pourrais même dire si j’étais méchante mais j’ai un bon fond quand même, non c’est juste pour m’amuser un peu : qu’on leur a fait faire l’âne pour avoir du son !petite plaisanterie ;-o) (pancarte!!!) pour donner raison à Monsieur Brighelli et à sa "Fabrique de crétins".

    Nadine Nougué-Lanneau, prof documentaliste collège
    Correspondante du CRAP Cahiers Pédagogiques pour l’Académie de Toulouse
    http://www.cahiers-pedagogiques….
    Secrétaire de l’association de café-débats de Saint-Orens :
    http://www.cafesainto.com
    Administratrice du site
    http://www.infosainto.com
    et du site éducatif
    travail.doc.free.fr

    • Yves Combe sur 28 novembre 2005 à 09:38
    • Répondre

    Bonjour,

    J’avoue que ce genre de débat me laisse assez pantois. On a l’impression d’une querelle de clocher entre religions, on est vraiment très loin de la rationalité et de la démarche scientifique.

    Les sciences de l’éducation sont elles plus une religion qu’une science ? N’y a-t-il pas eu des expériences comparant en parallèle et sur des panels représentatifs et équivalents les intérêts des méthodes globales, semi-globales, à départ global, intégrative, inductive, à voie directe, syllabique et que sais-je encore? Il suffit pour clore le débat de se référer aux résultats de telles études, et on en parle plus.

    Si de telles expériences n’ont pas été menée, il serait peut-être temps d’y songer. Après trente ou quarante ans de débats stériles.

    Le seul document synthétique que je trouve grâce à google est celui-ci:
    http://www.lexpress.fr/info/fran... .
    Duquel je retiens cette phrae, qui me rappelle une notion qu’on trouve dans des documents comme ceux sur la manipulation (Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois "La soumission librement consentie"):
    «Mais aussi parce que certains, au sein de l’institution, ne sont pas prêts à remettre en question ce à quoi ils ont cru pendant des années.»
    En clair il vaut mieux ne pas confier l’évaluation d’une politique pouvant mener à son abandon à ceux qui l’ont préconisée. Ils seront en général les derniers à admettre s’être trompé. (De mémoire, l’exemple de MM. Beauvois et Joule portait sur les sommes faramineuses englouties par Renault aux USA dans les années 80).

    • Odile Chenevez sur 4 décembre 2005 à 11:19
    • Répondre

    On a beaucoup écrit dans le monde des internautes et en particulier dans la blogosphère pour s’indigner du contenu de ce reportage. Ton analyse est juste et bien détaillée quant au message délivré et je partage l’indignation heureusement largement répandue.

    Cependant je trouve que l’on n’évoque jamais la vraie nature des conditions de fabrication d’un tel contenu insupportable. Tu dis ceci :"Ces éléments sont illustratifs de l’école de formation des journalistes chargé de promouvoir un point de vue." Certes, mais pourquoi le journaliste s’accrocherait-il à défendre ce point de vue là et pas un autre ? Préférence personnelle ? Je n’en crois rien. C’est une question de lobby économique, beaucoup plus que d’idéologie ! Rachel Boutonnet a écrit un premier bouquin qui a fait un tabac en nombre de vente. A la sortie du suivant, l’éditeur, qui dispose d’un service de com musclé, négocie et obtient de la rédaction de France 2 un reportage ficelé malgré des contradictions incroyables (on ne filme pas dans la classe de RB mais dans une autre dont on assassine les pratiques). Pour avoir l’air de multiplier les sources, on y ajoute quelques autres références à des bouquins qui vont dans le même sens (Brighelli). Et l’air du temps aidant, la dernière "idiotie à la mode" s’incruste dans l’opinion public, mais surtout, surtout… les bouquins se vendent.

    Il faut que chaque citoyen sache repérer ces choses-là. On reconnaît très bien un reportage, que j’appelle "attaché de presse", sous contrôle d’un lobby économique, au fait qu’il n’y a pas de points de vue contradictoires. ça a l’air tout bête comme truc, mais on se trompe rarement. Et il y en a énormément, sur toutes les chaînes pour qui observe un peu les JT. Et je ne parle pas de la presse écrite qui crève sous le fléau. Tous les quotidiens, même Le Monde. Aujourd’hui, dans les médias, les lobby économiques sont bien plus efficaces que les lobby idéologiques…

    Bien cordialement.
    Odile Chenevez
    coordonnatrice Clemi Aix-Marseille

    • Nougué-Lanneau Nadine sur 26 décembre 2005 à 17:31
    • Répondre

    En revenant sur ces commentaires et en particulier sur le mien, je me rends compte que j’ai oublié de parler de l’écriture tant j’étais moi aussi "braquée" sur cette fameuse méthode globale accusée faussement de tous les maux de notre temps. J’ai dit que dans les cours de CP de mes enfants, je ne leur ai jamais fait répéter ou ânnonner les fameuses leçons de lecture, pas de devoirs donc mais que nous lisions autre chose ou que nous jouions à des jeux de lecture. Mais l’écriture alors ? Non, pas de copies en CP comme devoirs à la maison, mais dès l’âge où mes enfants ont commencé à parler (2 ans environ), comme nous avions été envoyés en "mission" en Normandie par l’Education nationale loin de notre terre natale, nous communiquions par écrit avec la famille. Mes enfants me dictaient des histoires, me racontaient par exemple "Le Carnaval à Granville"où ils s’étaient déguisés, écrivaient par ma main qui prenait en notes, poésies, bêtises aussi, enfin tout ce qu’ils voulaient. Et nous fabriquions de petits livres, cousus main, décorés, coloriés, et envoyés à la famille à Toulouse et dans l’Ariège. Ma fille ayant passé sa petite enfance à Toulouse n’avait pas à communiquer autant puisque nous étions revenus mais elle a créé elle aussi de petits livres dont un avec son frère, dessinateur dans l’âme, dont nous avions scanné les dessins. C’était alors les débuts de l’ordinateur et les petits livres avaient une autre allure, moins artisanale, mais plus valorisante.
    Autre chose qui m’avait frappée, mes enfants lorsqu’ils étaient petits et qu’ils racontaient des histoires, employaient le passé simple. Frappant non ? Ou parce qu’ils avaient entendu beaucoup d’histoires…
    Je vous raconte cela pour vous dire que pour moi, comme pour d’autres, et le premier, je dirais, Célestin Freinet, l’écriture précède la lecture et permet aux enfants, aux élèves de comprendre pourquoi on a à lire. Alors, méthode globale ? Qu’est-ce que ça vient faire là-dedans ?
    Pour un enfant, le plus important est de comprendre qu’il a quelque chose à dire, que ceci peut être retranscrit avec des signes. Quand on le lui relit, il comprend que ce qu’il a dit n’est pas réduit à des lettres mais à un ensemble construit, et que s’il veut lui-même l’écrire, il va devoir passer par des signes alphabétiques qui sont des marques de ce qu’il a voulu dire. Donc la lecture et l’écriture ont besoin l’une de l’autre.
    Mais si un enfant a du mal à parler quand il est petit, du fait de sa langue maternelle, ce n’est pas en le stigmatisant qu’on va le "faire parler" mais en prenant en compte, pourquoi pas par l’écrit et le dessin et en lui renvoyant "en miroir" ce qu’il a voulu dire, en dialoguant avec lui et non en lui donnant des leçons. Je viens d’apprendre que des députés de la majorité veulent envoyer chez les orthophonistes des enfants de 4 ans, d’origine immigrée pour les empêcher de devenir de futurs délinquants…
    Alors, quel est ce procès ? Quelles sorcières ou quels sorciers veut envoyer au bûcher, Monsieur Robien notre grand Inquisiteur ?

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