2006 : l'année des TIC dans l'enseignement scolaire ?

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Si, comme cela semble se préciser, le B2i et le C2i se généralisent à tous les niveaux de l’institution scolaire française, alors on ne pourra que constater l’installation durable d’une ligne politique en matière de TIC et enseignement (scolaire et supérieur). Rappelons que les C2i niveau 1 et 2 vont devenir « systématiques » au moins pour le monde de l’enseignement à partir de septembre 2006. Rappelons aussi que le B2i, au toilettage duquel une commission a travaillé cet automne et semble arriver à la fin de son travail, va se trouver enrichi d’une version lycée aboutie et surtout va se voir inscrit partiellement dans le socle commun de connaissances et de compétences.

Certes les arbitrages politiques ne sont pas encore faits. De même les modalités d’intégration du B2i dans les examens du collège et du lycée ne sont pas encore déterminées. Mais il faut bien reconnaître une certaine continuité dans la politique initiée en 2000 et donc une certaine cohérence. Nous avions pourtant craint le pire en septembre 2005 avec l’idée de réduire à 80% le nombre de compétences à valider pour obtenir le B2i. Cette proposition qui se voulait réaliste, tentant de prendre en compte des récriminations sur l’évaluation, est pourtant une incohérence surtout si on la met en perspective avec le rapport de l’IGEN sur les acquis des élèves publié en juillet 2005. Mais on sait bien que les rapports n’ont pas fonction à être traduits en action sur le terrain, au moins pouvait-on espérer qu’ils pouvaient alerter les responsables. On peut penser qu’il serait davantage cohérent de désigner aussi pour le B2i un « socle » et de proposer des compétences complémentaires. Il s’agirait alors de garantir à tous les élèves et surtout à tous les interlocuteurs de l’école que lorsque quelqu’un est attesté B2i, on peut enfin désigner ses compétences. Au lieu de cela le choix des 80%, que nous souhaitons « provisoire », serait une faiblesse dans le dispositif et surtout risquerait de disqualifier à terme le B2i sur le marché de l’emploi.

Malgré cette volonté institutionnelle, il faut aussi remarquer l’incroyable inconstance et imprécision des chiffres disponibles sur la réalité de la mise en oeuvre du B2i. Les derniers chiffres présentés publiquement (médiamétrie d’une part, académie de Poitiers et de Toulouse au salon educatice en novembre 2005) sont très difficiles à interpréter tant leur présentation et leurs résultats laissent de place au doute et surtout manquent de précision. En tout cas ils laissent penser que, quelque soit le point de vue, on est encore loin d’une large mise en place du B2i en cette fin d’année 2005. Loin de vouloir être pessimiste, il faut remarquer que les travaux de M Hubermann sur le changement en éducation publiés en 1973 (OCDE) se révèlent ici encore d’actualité. Les obstacles au changement restent importants et le ministère, tout comme les initiateurs du B2i, ne s’y trompe pas qui progressivement déploie cette logique jusqu’à la rendre « obligatoire » en l’intégrant dans les examens , clés (brevet,bac). Après avoir choisi la méthode douce, le discours s’est progressivement et logiquement durci (le rapport de 2001 de l’IGEN proposait ce chemin).

Et pourtant, plusieurs études publiées récemment de par le monde sont inquiétantes. Elles semblent montrer que l’intégration des TIC dans l’enseignement scolaire et en particulier dans les pratiques des enseignants reste encore très modeste, elle serait même en régression. Même si l’enquête de la Direction de l’Evaluation et de la Prospective du printemps dernier laissait penser le contraire, il faut bien reconnaitre de que nombreux obstacles se dressent sur le chemin des TIC en éducation. Il a suffit de constater la modeste participation des enseignants et de leurs responsables d’établissement à la journée que le conseil général des Bouches du Rhône avait organisé pour faire le bilan de l’opération ordina13, pour comprendre que les freins peuvent aussi parfois être institutionnels, certains discours en ont été partiellement l’illustration.

Comment les enseignants peuvent-ils réellement s’impliquer si, alors que les moyens matériels sont présents, il ne sont pas accompagnés par leur propre hiérarchie.

Le B2i présente de nombreux défauts aux yeux de ses détracteurs, mais aussi de certains de ceux qui s’y sont essayés. Au delà de corrections qui ne manqueront pas de survenir dans les années prochaines, mais n’est-ce pas une bonne chose que de tenter de réajuster un dispositif pour qu’il soit efficace, il y a une méfiance récurrente vis à vis des TIC en éducation. Il semble que l’avènement de pratiques ordinaires des TIC dans les classes soit encore à venir. Cette méfiance, qui peut sembler irrationnelle chez des enseignants qui sont personnellement parmi les professions les plus équipées à titre personnel, doit aussi se lire dans le débat plus général sur la place de l’école dans la société. Aujourd’hui les signes donnés par le ministère ne rassurent pas, ils sont même plutôt source d’un retour aux urgences scolaires (cf le débat sur la lecture). Il n’est pas sur que l’intégration des TIC dans le socle permette de surmonter ces inquiétudes.

Il est temps qu’un discours sépare enfin réellement le technique du culturel, sans pour autant entraîner l’élimination de l’un ou de l’autre. Depuis 2000 les hésitations entre la maîtrise technique et la dimension des usages sont déstabilisante. Le monde de l’enseignement a besoin d’un discours qui, à propos des TIC, situe réellement les questions culturelles et sociales sous jacentes à la nécessaire maîtrise technique. Or ce travail est pour l’instant en jachère. C’est pourquoi les discours dominants restent très centrés sur les moyens techniques d’accès même s’ils s’en défendent. Les mots usages et usagers ne suffisent pas à faire passer un autre message. Il ne s’agit pas ici de nier l’importance de cette approche technique que l’on a peut-être un peu rapidement mise de coté dans certains discours de 2000 voire dans la rénovation des programmes. Il s’agit simplement de signaler que si l’on veut aller jusqu’au bout de la logique d’éducation aux TIC, il faut dépasser ce stade et développer une véitable culture de l’information et de la communication chez les enseignants. Cependant il faudra beaucoup d’exigence pour dépasser le seul stade de « l’esprit critique » expression sympathique pour cacher trop souvent l’incompréhension et la méconnaissance par la « mise à distance critique ».

Il serait par exemple intéressant de proposer au monde scolaire une collection de mises en situation mettant en oeuvre les TIC. Chaque situation pourrait être vécue dans le cadre de projets, en classe ou en formation, avec des élèves ou sans et feraient l’objet de relectures et d’analyses collectives dans le cadre de cercle de pratique réflexive. On pourrait ainsi imaginer la création d’une newsletter ou d’une activité collaborative sur une période de l’histoire réalisée par des enseignants d’histoire (elle pourrait par exemple utiliser un wiki ou un blog). On pourrait aussi imaginer une semaine (ou plus) désynchronisée dans une classe au cours de laquelle les enseignants ne verraient leurs élèves que dans le cadre d’un suivi par petits groupes alors que les élèves travailleraient, en semi-autonomie, sur des projets de production à partir de parcours conçus par les enseignants sur des compétences significatives du programme.

L’enjeu réel des TIC à l’école est bien au-delà de ce que l’on déclare habituellement. Il se pourrait que l’école, malgré des initiatives « courageuses » comme le B2i, se trouve de plus en plus en difficulté face à ces technologies. Les universités ont semble-t-il mis beaucoup moins de temps à mesurer les enjeux. Il est vrai que le niveau 1 du C2i reste lui très technique… le test grandeur réel sera celui du ni
veau 2, dont on a désormais quelques éléments à travailler (enseignement et juridique)

A débattre

BD

1 Commentaire

  1. Cette phrase "Il s’agit simplement de signaler que si l’on veut aller jusqu’au bout de la logique d’éducation aux TIC, il faut dépasser ce stade et développer une véitable culture de l’information et de la communication chez les enseignants." me semble effectivement être le noeud du problème.
    Je suis content de la lire aussi explicitement car c’est ce que je dis partout dans mon établiseement, dans les groupes de travail auxquels je participe, etc… et j’avais l’impression d’être le seul à le penser.
    Merci donc de me croire moins seul…

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