Lecture numérique

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La lecture numérique va-t-elle connaître une évolution rapide avec l’arrivée du produit d’Amazon, le kindle. A lire l’article publié ce jour le plus important n’est pas là. En effet il semble que les commentateurs annoncent que le marché n’est pas mûr, trop cher, pas encore assez souple, pas de livres en français. Parmi ces arguments, il y en a un qui doit questionner : le refus du monde du livre français de laisser entrer quoique ce soit de projet technologique qui vienne des entreprises US. Google, après Microsoft, après IBM et maintenant Amazon. Cette opposition désormai rituelle en France ne doit pas être négligée, mais elle ne doit pas être laissée sans questionnement. A l’échelle de la planète, et du développement mondial, cette attitude doit être travaillée par l’ensemble de la population et pas seulement par quelques spécialistes ou quelques politiciens.
Cette attitude de méfiance traditionnelle dans certains milieux en France est issue d’une histoire toujours délicate au XXè siècle suite aux deux guerres pour lesquelles la participation des USA a été déterminante. Suite à ces évènements nous n’avons eu de cesse de nous montrer indépendants et le succès d’Astérix le Gaulois est une illustration parfaite de ce sentiment partagé et peu souvent remis à sa juste place. Au delà de ces propos, les attitudes individuelles et collectives de certaines couches de la société (parfois les mêmes qui disent s’opposer) ont pourtant largement ouvert des brèches dans cette résistance. Sur un blog dont j’ai perdu la trace, un commentateur notais qu’à une réunion de militants du logiciel libre, la discussion avait rapidement été captée par l’utilisation partagée par nombre de participants d’un iphone d’Apple société américaine, bien entendu. Mais on connaît l’impact imaginaire de cette société qui, comme Astérix, a toujours résisté à l’envahisseur mais de l’intérieur…
Alors me dires vous, et la lecture numérique ? Eh bien il faut aller voir au delà des frontières du papier et des lecteurs éventuels pour s’intéresser à la place des langues sur Internet et en particulier à la prééminence de la langue anglaise sur Internet. Face à cela, le réflexe est celui de la résistance et de l’isolement. La politique de rayonnement des contenus sur Internet aurait du être portée par l’ensemble du pays, en lien avec la francophonie, au lieu de quoi on s’aperçoit que la France réduit sa présence à l’étranger et donc le potentiel de rayonnement de la langue. Où sont passés les concours de blogs scolaires en langue française organisés avec le soutien de l’ambassade de France au Liban ?
Le problème de la lecture numérique c’est aussi celui de la langue qui y circule. Il est probable que l’on risque de perdre de la maîtrise de tout cela à terme, tant les livres eux ont déjà circulés, porteur de rayonnement culturel alors qu’aujourd’hui les stratégies sont toutes autres. Si l’on ajoute à cela la défaillance de la maîtrise générale des langues étrangère par la très grande majorité des adultes français,, mais aussi de nombre de jeunes (regardons la difficulté de certains enseignants à entrer dans le CECL), on peut s’inquiéter. De même la frilosité du monde scolaire vis à vis des TIC pourrait être rapprochée de cette analyse sur la langue et le protectionnisme.
On peut donc penser que la lecture numérique n’aura pas, pour l’instant du moins, une chance de passer le stade des initiés. Regardons aussi la frilosité sur les manuels scolaires. Les éditeurs luttent bec et ongle pour lutter contre une évolution qui les ferait changer réellement de métier. Et pourtant cela change aussi dans ce milieu. Les exemples se multiplient d’enseignants qui vont contourner ces éditeurs par leurs propres productions. Certes le modèle centralisé de prescription en matière scolaire propre à la France rappellera bien évidemment qu’il faut utiliser les manuels… mais là encore les choses évoluent.
L’avenir de la lecture sur écran est d’autant plus certain que ces luttes touchent une industrie qui, si elle ne s’appuie que sur la notion de livre, n’aura plus que quelques miettes pour vivre alors qu’elles ont croqué le gateau à belles dents, et avec la complicité des pouvoirs. Décidément les TIC touchent plus profondément la société qu’on ne le pense. La résistance est le signe de ces mutations en cours, et on peut les comprendre, à court terme… mais à long terme, il y va de la responsabilité des éducateurs, des enseignants, et ils s’y sont mis dès le milieu des années 1990-2000 en créant ces associations, ces sites, ces listes, ces newsletter qui continuent de vivre et qui aujourd’hui, pour certaines ne peuvent trouver de reconnaissance en dehors du modèle du livre, alors que celui-ci est en passe d’être marginalisé dans les dix années à venir.
On pourra lire attentivement des études récentes comme celle du ministère de la culture (Olivier Donnat) ou encore celle du CREDOC l’an passé dans lesquels on peut lire les signes de cette évolution. Non le livre n’est pas mort, mais si le livre français continue de rester enfermé dans ses murs, il y a des chances pour que, naturellement, ils en vienne à dépérir… et on ne pourra pas nous dire qu’on n’avait pas prévenu qu’il était urgent de faire rayonner l’écriture française et francophone….
A débattre
BD

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