La culture numérique oubliée du nouveau lycée ?

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A lire le document remis le 19 novembre 2009 par le ministère à propos de la réforme du lycée, on peut remarquer que la culture numérique est la grande absente de cette réforme. Ce n’est pas l’allusion à une option de terminale S dont le contenu semble encore à définir et qui resterait réservée aux meilleurs (comme jadis l’option informatique) qui montre la volonté gouvernementale de développer une véritable culture numérique pour tous !
Il faut le rappeler, l’enquête de Jacques Donnat sur les pratiques culturelles des français confirme que les outils du web sont utilisés dans les classes favorisées et que c’est surtout l’emprise de la télévision (et de son modèle culturel) qui touche surtout les classes les moins favorisées. L’école, dans son ambition égalitaire semble donc oublier la place qu’a pris le numérique dans la société, sauf pour les élites. On peut penser ainsi que comme avec le livre, on reproduit les inégalités de la même manière en refusant de parler de la culture numérique au lycée comme partie intégrante de la culture commune, sans parler des sous ensemble de cette culture; seule le cinéma a droit de cité au lycée !!!
Où est donc passé le B2i lycée ? Où est passée la culture technologique pour tous, au moins aussi importante que la culture juridique et la culture économique ? On le voit la conception élitiste du lycée sort renforcée de cette réforme et la culture populaire n’a pas droit de cité, pas même pour développer le sens critique devant ces médias, nouveaux et anciens dont on ne peut qu’observer l’omniprésence dans la vie des jeunes en age de scolarisation.
Mais il faut aussi savoir reconnaître qu’alourdir le bateau lycée n’a pas de sens. Il faut aussi reconnaître que la majorité des élèves de lycée va se faire cette culture sans l’école, voire contre elle, renforçant ainsi la représentation de décalage du système scolaire par rapport à la vraie vie. Même si les disciplines ont bien compris ce problème, en particulier physique chimie, math et sciences de la vie et de la terre, il reste qu’aucune allusion n’est faite de manière transversale à cette culture numérique.
S’il en est encore temps, je voudrais, par ce billet, qui je l’espère sera relayé et amplifiés par les lecteurs/auteurs du web, rappeler l’importance première qu’il y a à développer un vrai projet culturel autour du numérique au lieu de s’en tenir aux équipements et aux allant de soi qui figurent trop souvent dans les discours politiques (formation, équipement, logiciel). Alors que le ministre avait annoncé un ambitieux plan numérique, alors que la mission Fourgous devrait rendre prochainement son rapport, on s’aperçoit que sur le fond, rien n’est fait. Où sont passés les ENT présents dans le premier projet soumis par M de Gaudemard il y a un an ?
Ni culture numérique, ni culture informationnelle, ni culture informatique, au moment où ces trois éléments remplissent plus de la moitié du temps de loisir des élèves, on ne peut que constater la lourde carence du discours officiel, trop influencé par les lobbys disciplinaires. On peut penser, à remarquer ce vide, qu’il n’y a pas de culture dans ce domaine, mais seulement des outils des techniques. Cela semble être le discours de certains qui préfèrent voir des heures techniques (même si l’intitulé reste flou sur ce sujet) à des heures de culture et qui se satisferont d’un enseignement uniquement de terminale S. Que diront les économistes qui dans leurs métiers sont directement confrontés à ces outils, que diront les littéraires, devant l’arrivée des questions liées à la lecture numérique. Mais il est vrai que dans le langage commun l’économie et les lettres ne sont pas des enseignement « scientifiques » !!! Malheureusement ce discours commun colporte des représentations sociales, elles-même reflets de conception anthropologique qui ramènent les sciences à un pré-carré de quelques discipline, alors que le vrai travail scientifique s’exerce dans tous les domaines, dans toutes les disciplines. Mais au delà il s’agit une nouvelle fois d’une conception de l’homme et de la société dans laquelle il s’agit de mettre de coté ce qui est la culture réelle au profit d’une culture idéale, pour un public idéal… jamais atteint.
Alors que partout dans le monde enfle le débat sur l’importance du numérique dans le quotidien, le modèle scolaire français, fortement inspiré par un modèle rationaliste et culturel ancien, oublie la réalité du monde. Il est probable que cet oubli profitera à certains, ceux qui bénéficient de cet accompagnement familial qui facilite tant la vie des « bons élèves ». il est probable que cet oubli confortera le fossé numérique déjà si souvent constaté, non pas dans les équipements, mais surtout dans les manières d’usages… mais dans ce domaine, l’école est totalement absente… à moins que les enseignants et les élèves ne trouvent au quotidien de nouvelles réponses au travers de pratiques bien différentes de celles prescrites officiellement, en prenant en compte l’autre risque de séparation de l’école avec son public….
A suivre et à débattre
BD

1 Commentaire

  1. Merci Bruno pour ce billet.
    J’ai eu également le même sentiment à la lecture du projet.
    J’ai aussi l’impression que rien ne change vraiment, on saupourdre, mais toujours aucun « new deal disciplinaire »
    Le problème c’est que nous allons de plus en plus en constaté les conséquences à l’université et dans le monde du travail.

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