Manuel scolaire ou support d'apprentissage ?

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N’y aurait-il que le livre comme support pour les apprentissages ? C’est le désarroi d’un chef d’établissement devant la palette vide de ramettes de papier A4 qui peut amener à se poser cette question. Avant de parler de numérisation des supports d’enseignement, de contenus et d’apprentissage, il faut parler de la photocopie. Comment se fait-il que les livres scolaires aient autant de succès commercial alors que le nombre de photocopies n’a pas diminué de manière significative, et que depuis quelques temps il y a de plus en plus de ressources numérisées ?
Il nous faut revenir au métier d’enseignant et à l’usage des supports d’enseignement/apprentissage pour analyser cette question. La tradition du livre scolaire est inscrite dans la « forme scolaire », non pas par définition, mais par habitude. Rituel savoureux, la réception de spécimens, le choix d’un manuel, puis les innombrables photocopies font que le marché fonctionne bien. C’est un peu comme si certains enseignants se dédouanaient de photocopier des documents pour leurs élèves en leur faisant acheter un manuel papier, comme s’ils savaient bien qu’ils sont en train de couler cette industrie suffisamment juteuse. Car c’est un autre fait, la rentabilité de l’édition scolaire est à la hauteur du bruit qu’a fait le retard des programmes et donc des ouvrages scolaires pour la classe de seconde, c’est à dire qu’elle est fort intéressante. La règle dite des treize mois n’existe que dans les habitudes, mais pas dans les textes. Or cette année ce n’était pas le cas, et l’an prochain le délai sera ramené à 11 mois, les programmes venant juste d’être publiés dans le bulletin officiel. Cela se fait sans dire que plusieurs auteurs de ces dits manuels sont bien placés pour les réaliser dans des délais d’autant plus brefs qu’ils sont proches des auteurs des programmes (c’est du moins ce qu’ont constaté plusieurs enseignants).
En fait nombre d’enseignants utilisent d’abord les livres pour eux-mêmes avant de les utiliser, parfois pour leurs élèves. En effet un manuel papier permet à l’enseignant de se situer par rapport à ce qu’il « faut » enseigner. D’ailleurs certains manuels n’hésitent pas à faire le lien avec les textes officiels de manière suffisamment avancée pour permettre à l’enseignant un moindre effort pour organiser leur programmation d’année. Et ceux-ci d’en profiter largement, oubliant parfois de simplement aller chercher les documents d’accompagnement des programmes diffusés par le ministère de même que les documents proposés sur les sites académiques…. Finalement dans un monde numérique, le livre scolaire papier pourrait être un outil de facilitation, d’allégement des contraintes. Mais il est largement complété par les photocopies et les montages savants que certains enseignants passent du temps à peaufiner… Et le manuel numérique ? Tant qu’il n’a été que la pâle copie du livre papier il est resté de coté. Mais il est enfin en train de réellement évoluer et de s’ouvrir à la flexibilité et au « braconnage ». Certes de façon modeste, mais la prise en compte par les éditeurs de ce savoir faire du copier coller cher aux enseignants est une façon de s’adapter à leur culture. On voit arriver sur le marché des produits (cf. les sites : http://www.libtheque.fr/ http://www.lelivrescolaire.fr/ par exemple) aux concepts suffisamment nouveaux pour nous indiquer qu’une évolution se fait jour et que, en quelques sortes, le traditionnel livre papier (parfois enrichi de numérique) est en voie d’extinction lente. Remplacé par de nouvelles formes, aura-t-il le même succès que son ancêtre et surtout aura-t-il un modèle économique viable ?
En passant au numérique, les éditeurs risquent de se retrouver en concurrence avec des sources non labellisées par eux (mais parfois par des structures de l’éducation nationale) et qui apporteront des supports d’enseignement qui pourront faire concurrence. Ainsi le site du CNED http://www.academie-en-ligne.fr/ mettant à disposition tous ses cours du CP à la terminale pourrait bien inquiéter les éditeurs. Si l’on ajoute des associations d’enseignants qui multiplient les documents en ligne, et les sites académiques qui multiplient les ressources, on peut se demander quelle place il y aura pour les descendants du manuel scolaire.
Il est aussi un autre point qui pose problème, c’est celui des élèves, et éventuellement de leurs parents. Tant que les livres ne coutent rien, les parents ne voient aucun inconvénient à leur pérennisation. Mais l’inquiétude point, de telle manière que des acheteurs officiels des collectivités territoriales pourraient bien commencer à réviser leur position, et aller vers du numérique de manière plus large et moins coûteuse. Certes le livre a encore de beaux jours devant lui, mais la fréquentation du numérique par les élèves pourrait bien ajouter au tableau. En effet en utilisant de manière quotidienne le web, les jeunes sont à même d’y développer des stratégies suffisamment habiles pour y trouver les supports dont ils ont besoin (quand vraiment ils s’en donnent la peine). La partie émergée de l’iceberg c’est le plagiat, étendard facile de la lutte contre le numérique en ligne. En agitant ce spectre, on tente de disqualifier ce qui est en ligne, ce que l’on a fait avec Wikipédia, par exemple. Mais le développement de multiples sources d’information de niveau universitaire (archives ouvertes par exemple) ou pas (non scolaires, mais issues du monde extra scolaire) pourrait bien à terme concurrencer sérieusement un secteur qui va devoir chercher de nouvelles valeurs ajoutées.
En fait c’est là que va se faire la différence : qu’apportez-vous de plus désormais, chers éditeurs de manuels papiers, dans vos nouveaux produits, qui puissent justifier leur positionnement, même sous forme numérique. Des initiatives audacieuses autorisent l’enseignant à bricoler, d’autres permettent aux élèves une vraie manipulation des contenus multimédia, allant jusqu’à concevoir des outils d’autoformation….pouvant déplacer le travail de l’enseignant (et ce n’est pas nouveau des enseignants ont déjà prouvé cela, cf. le site cahiercours).
L’avenir du livre scolaire n’est pas le livre scolaire, pas plus que le manuel numérique (bel oxymore). Il est plutôt au déplacement de la relation entre les acteurs de l’enseignement et les supports de médiation de l’acte d’apprendre. Les livres c’est un peu le web 1.0, les supports numériques collaboratifs et interactifs ce sera probablement le web 2.0 de l’édition scolaire, qui portera peut-être alors un autre nom….
A suivre et à débattre
BD

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