Manuel scolaire, du prof, de l'élève, bien différents… avec le numérique

En lisant une présentation de Sébastien Stasse (février 2013 à propos du livre numérique : http://fr.slideshare.net/sstasse/mirage-ou-ralit-15507155) plusieurs idées ont continué de germer. Plusieurs articles de ce blog ont déjà été consacrés au livre numérique et en particulier au manuel scolaire numérique. Après une intervention pour un séminaire du Ministère en 2012 et une autre pour la Bibliothèque Nationale de France en avril 2013, ce sujet murit d’autant plus que dans les travaux de recherches sur les tablettes numériques auquel je suis amené à participer, nous travaillons (laboratoire Techne) avec les éditeurs sur ce sujet.
Ayant observé la lente montée en puissance des sites d’enseignants qui en sont arrivés à publier des manuels scolaires (papier souvent… si l’on veut en retirer quelqu’argent dans le contexte actuel), puis l’arrivée d’une concurrence nouvelle avec un éditeur comme « Le Livre Scolaire.fr », chacun sent bien qu’il y a une évolution en cours. Or cette évolution est d’autant plus ressentie que nombre d’enseignants et d’élèves vont de plus en plus souvent chercher des sources documentaires sur Internet et non plus dans les supports traditionnels, issus de l’édition scolaire de l’édition généraliste. Cela pose non seulement la question des documents utilisés en classe, mais aussi celle du rôle de l’édition dans le contexte numérique. Pour l’instant, la difficulté à laquelle sont confrontés enseignants et élèves ou étudiants est la difficulté à s’y retrouver sur Internet. Force est de reconnaître que trouver des contenus pertinents en navigant que le web pose de sérieux problèmes, même à des gens assez habitués. Il faut dire qu’en plus de dix années, les bruits parasites ont augmenté bien plus rapidement que les contenus pertinents et que malgré de nombreux outils nouveaux, depuis les agents intelligents aux outils de curation, cela reste encore difficile.
Cependant le travail qui consiste à valider des documents, tant sur le plan de l’intérêt que sur celui des droits, reste un véritable travail à coté de celui dit de l’éditorialisation. Malheureusement la différence qualitative entre un professionnel est une équipe d’enseignants ou d’élèves étudiants motivés s’est fortement réduite. On a observé le même phénomène dans d’autres milieux (audiovisuel etc…). Or c’est sur cette différence que buttent actuellement les usagers des manuels scolaires qui, au vu du coût et des formes de ces manuels, devient de plus en plus critique. Mais s’en tenir simplement aux manuels scolaires et à leurs contenus est une vision bien étroite et désormais il est probable qu’il faille amplifier un mouvement déjà engagé par les éditeurs : l’ouverture, dans le domaine du numérique, de la forme de leurs produits à des compléments nouveaux, souvent éditorialisés par eux. Mais cela ne semble pas suffisant, et du coté des enseignants, des initiatives éditoriales proposent, en ligne principalement, des outils de travail de ces documents. L’une des possibilités intéressantes, mais couteuses en développement serait de concevoir ce que l’on appelle manuel scolaire numérique, comme un environnement didactique d’apprentissage et d’enseignement. Les éléments existent, mais souvent épars et ne font encore que peu l’objet d’une vrai réflexion globale, nous n’en sommes probablement qu’au début.
En observant ce qui constitue actuellement le mode de travail des enseignants et des élèves, on peut observe que leur environnement tourne autour de quelques « objets » aussi bien logiciels que documents, voire matériels, qui constituent progressivement ce que d’aucuns nomment un EPA, environnement personnel d’apprentissage. Entre les pratiques personnelles et celles imposées ou proposées par l’institution scolaire ou universitaire, l’utilisateur doit jongler et faire passer des éléments d’un espace à un autre s’il veut être opérationnel. On le sent bien, le document, le support d’apprentissage et d’enseignement doivent désormais être de plus en plus intégrables aux pratiques ordinaires, qu’elles soient personnelles ou scolaires. En fait ce qui pose problème c’est que les manuels scolaires sont encore des « objets à part » dans l’environnement numérique. Simples PDF, parfois enrichis ou augmentés, parfois banques de données, ils sont trop souvent comme des entités autonomes qui ont leur vie propre. Quand on dit « prenez vos manuels », prenez vos cahiers, prenez votre cahier de texte etc… ont fait référence à une époque qui est en train de disparaître progressivement. La souplesse d’usage des terminaux avec ou sans clavier va petit à petit obliger chacun des éléments à interagir avec les autres. Or c’est cette interaction, appuyée sur une interopérabilité qui fait défaut. Il y a souvent des frontières, des ruptures, là où il devrait y avoir de la continuité. C’est en particulier le cas pour les apprentissages scolaires qui ne peuvent plus être conçus uniquement comme situés à un moment précis dans un lieu précis.
Les enseignants déplorent cette absence d’interaction entre les différents objets, logiciels et documents. Doivent-ils encore écrire dans le cahier de texte : manuel page n°X exercices X? Y et Z ? Doivent-ils passer par un espace web personnel pour transmettre aux élèves des documents parce qu’ils n’utilisent pas l’ENT de l’établissement ? Concevoir un outil de travail pour l’enseignant, autour de ce que l’on a appelé manuel scolaire suppose désormais une réflexion plus large que le simple manuel. Quand on parle de manuel interactif, on en parle d’abord comme d’une interaction entre les éléments du manuel et le reste des outils de travail. Cela va du copier coller à la fonction de retouche de cartographie qui devrait automatiquement être présente dès lors qu’on affiche une carte ou un schéma. Quand on parle de convergence et d’intégration, on rencontre souvent une réticence du fait de la crainte d’être « normalisé », « encadré » dans un seul modèle. C’est ce qui est probablement un des freins principaux au développement des usages pédagogiques des ENT, en dehors du cahier de texte numérique, obligatoire. Il semble bien qu’un manuel scolaire ne puisse plus être un objet « à part », aussi bien du coté élève que du coté enseignant mais bien un élément d’un environnement plus large.
Deux solutions semblent possibles : l’une serait la fusion des données des manuels dans les environnements présents, l’autre serait une offre de service plus large des éditeurs avec un environnement logiciel pédagogique et didactique adapté aux contenus proposés. Dans le premier cas on assisterait à la lente disparition de la notion de manuel scolaire par absorption. Dans le second cas on assisterait à une renaissance de l’édition scolaire autour d’opérateurs numériques qui proposeraient des services logiciels adaptés autour des documents et des données, aussi bien généralistes que spécialistes, mais qui interagiraient avec les données disciplinaires. On imagine aisément des logiciels d’aide à l’écriture et à la lecture pour les lettres, des logiciels d’aide à la simulation dans les logiciels de science. Un peu comme si un manuel scolaire comprenait un géométriseur… intégré.
Hypothèse, à débattre bien sûr
BD

2 Commentaires

3 pings

  1. Nous n’avons jamais eu à subir de manuel scolaire dans ma discipline des arts appliqués car nous avons la chance qu’ils n’en existe pas. OUF !
    Oui, nous pensons et réalisons pour chaque cours un environnement complet de travail, du dispositif pédagogique aux documents ressources, en passant par nos outils d’expression, le choix de nos collègues collaborateurs et de nos projets d’art appliqué réalisés avec les élèves ou de notre planning. C’est beaucoup de travail, certes, mais c’est notre prix à payer pour garantir notre plaisir à travailler. Pas vous ?
    C’est aussi l’occasion d’actualiser nos connaissances et de découvrir l’actualité du sujet que nous traitons.
    C’est enfin l’occasion de contacter nos collègues préférés pour mutualiser nos trouvailles. Génial ! Et si simple.
    Ceci étonne bon nombre de nos collègues, mais pourvu que ça dure ! Vive la liberté pédagogique et son devoir de l’exercer. Au feu les manuels (tous !).
    Essayez ! vous verrez bien vous-même. (Aucune discipline n’échappe à mon invitation). 😉
    Et vive ce site !
    Luc

  2. Vous aurez corrigé l’orthographe. Merci
    Luc

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