La difficulté croissante de l'accès à l'information

L’évolution actuelle des médias, en lien avec les développement de nouvelles pratiques de l’information (élaboration, fabrication, diffusion, réception…), le lien « direct »  entre le fait et l’informé que rendrait possible Internet, sont un ensemble de changements qui rendent de plus en plus difficile l’accès à l’information. Les référentiels de toutes sortes que d’aucuns peuvent être tentés de fabriqués prennent tous le risque d’être tellement situé dans un contexte technologique et humain qu’ils en deviennent potentiellement obsolète dès lors qu’ils sont écrits. S’il y a des constantes de l’accès à l’information, il y a suffisamment de variables pour que chacun de nous puisse se regarder très modestement en train de faire pour lui même l’exercice : le résultat est souvent décevant.
Il est nécessaire de rappeler ici quelques unes de ces évolutions.
– Et en premier lieu celle du commerce. On trouvera à cette adresse : http://www.media-institute.com/content/page-66-medias-locaux-2011-research-online-purchase-local.html l’annonce d’une conférence intitulée « de la recherche en ligne à l’achat en local » Constatant que de plus en plus de consommateurs vont voir sur Internet avant d’acheter en magasin les organisateurs de cette conférence proposent de poser cette question : « Comment les marques peuvent tirer parti des nouveaux comportements consommateurs pour multiplier les points de contact en amont de l’acte d’achat et assurer du trafic dans les points de vente en local. » (sic, sans point d’interrogation…).La liste des sujets abordés dans cette journée ne peut nous laisser indifférents, tant on peut y percevoir les germes d’une complexification nouvelle de la recherche d’information, prise dans la nasse des techniciens qui tentent de « diriger » l’usager vers l’acte de consommation. Sans oublier que ce type de démarche s’inscrit bien évidemment dans un cadre idéologique, politique et économique qui mérite, lui aussi, d’être questionné.
– En deuxième lieu l’émergence des blogs rémunérés.
Ayant reçu récemment d’un office public l’offre de produire de manière rémunérée des informations, ayant lu récemment le débat sur le développement des blogs liés à des organes de presse en ligne par lesquels ils sont hébergés et pour lesquels certains sont rémunérés, on peut se poser la question de savoir quelle est la conséquence pour un blogueur le fait de changer de statut, en passant d’auteur autonome à auteur lié à un média de masse et rémunéré par celui-ci ? Les médias de masse ont bien compris depuis longtemps l’intérêt du courrier des lecteurs, ou même les contributions de certains auteurs qui envoient leur texte à publier. L’émergence des blogs a transféré cette écriture vers un secteur « incontrôlé » des médias, aussi tentent-ils, logiquement de « récupérer » cette énergie afin de les inclure dans leur offre.
– En troisième lieu, la reprise et la valorisation des informateurs d’opportunité :
La personne qui a twitté à propos de l’assaut du lieu de résidence du fondateur d’Al Qaida, le caméraman occasionnel présent lors des séismes etc… sont des témoignages de cette reprise et de cette amplification forte de propos singuliers de manière à en faire un « évènement » médiatisable. Le « témoin » devient une personne hautement intéressante, surtout si, via des techniques numériques, elle rend accessible « immédiatement » l’information. L’accélération des flux prend là un tour nouveau que les médias traditionnels, aux coûts de fonctionnement élevés ne résistent pas longtemps.
– Enfin (mais la liste n’est pas exhaustive), la survalorisation de certains « réseaux sociaux » :
Le suivi régulier de certains contributeurs de Facebook ou de Twitter permet d’observer l’importance du flash par rapport au fond. En fait il y a deux phénomènes qui interagissent : la production de fond et la production de forme. Le deuxième n’existe pas sans le premier. Mais le premier est la base de la popularité du second. Produire une information importante n’est pas seulement un acte de fond, c’est désormais et de plus en plus, un acte générateur. Cette génération de « relais » est parfois effectuée à l’insu même du premier document. Ainsi la source se trouve-t-elle prise dans le filet des relais innombrables qui sévices particulièrement sur les réseaux sociaux.
Que retirer de ces quelques observations pour penser l’accès à l’information ? D’abord un constat négatif : l’envahissement de la sphère informationnelle par un nombre de plus en plus grands de parasites. Ceux-ci, encouragés parfois par de grands médias, alimenteront indirectement les flux vers ces mêmes grands médias qui seront considérés (et qui prendront la place) comme des filtres fiables. Les médias de masse reprendraient le contrôle sur les informateurs alternatifs. Ensuite un deuxième constat négatif : l’importance de la popularité comme critère de qualité. C’est une popularité « soudaine » qui crée l’importance de l’information. Quand au fait il est parfois loin derrière caché par une accumulation d’éléments écrans. Car cette popularité s’appuie sur des outils qui construisent, de fait des écrans dans l’accès à l’information. Un troisième constat négatif : Si l’on regarde le fonctionnement des moteurs de recherches actuellement par rapport à ce qu’ils étaient il y a plus de 5 années, voire 10 années, ils ont perdu de leur efficacité. Rappelons-nous la découverte de Google et de son moteur qui renvoyait des informations de manière plus pertinente et plus large que ses concurrents de l’époque. Faisons des recherches, des requêtes similaires à celles que nous faisions ces années là et nous comprendrons l’écart. La recherche d’information est passée d’une logique de fouille à une logique de construction.
C’est pourquoi éduquer à l’information ne peut se réduire à apprendre à faire des fouilles. Désormais chacun doit construire son environnement de recherche informationnel. Cette construction s’appuie sur des outils et des stratégies. Les outils sont ceux de la recherche active d’information. Les stratégies sont celles qui, dans les domaines du cognitif et du conatif, permettent d’élaborer en amont de la mise en œuvre des outils un travail personnel de structuration souple et évolutive de ses « besoins d’information ».
Le monde scolaire est à cent lieues de ces pratiques, du fait même de sa structure. Malgré les dénégations de tel ou tel à propos de ses propres pratiques, on ne peut qu’observer la lente dérive du questionnement du monde scolaire par rapport à l’évolution de cet environnement. Cette dérive provoque aussi bien des attitudes de rejet, d’abandon que des attitudes d’innovation. Mais ce sont les structures qui sont bloquantes, avant même les acteurs. Parfois même, les innovateurs, pris dans la candeur de la réussite de leur expérience ne font-ils que renforcer cette incompatibilité structurelle. Les responsables du système éducatif ne cessent de parler de l’importance de la prise en compte du numérique, mais pour l’instant ils ne font principalement qu’accompagner le mouvement en cours. Il n’est peut-être pas trop tard pour proposer d’autres axes de travail… mais encore faut-il que la puissance financière des opérateurs des médias de masse (et leurs partenaires, opérateurs de flux et autres éditeurs scolaires par exemple) ne puissent peser lourdement sur la balance pour faire ce qui est souhaité par les organisateur de cette manifestation sur l’achat en local, la « direction » du consommateur à partir de ses usages habituels du web. Regardez les offres publicitaires qui surgissent « spontanément » sur votre écran quand vous naviguez sur certains sites et vous comprendrez que les mailles du filet sont de plus en plus serrées.
A suivre et à débattre
BD

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