Apprendre à écouter, une compétence essentielle

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De discours en petites, phrases, dans les médias, blogs compris et autres chats et forum, l’ère est aux « mots », bons de préférence. Le développement d’Internet n’a pas modifié cela, renforçant même parfois cet effet.
Malheureusement les mots ne sont rien s’ils ne se traduisent pas ensuite dans des réalités concrètes, mais ils sont tous dès lors que certains qui les écoutent les reprennent pour ensuite agir…
Les mots ne sont rien, même les lois qui sont aussi des mots, si, comme le rappel le Canard Enchainé de fin Aout, ils ne sont pas suivis de décrets d’application… d’arrêtés, de circulaires, de notes de services. En effet près d’un texte législatif sur deux n’est pas appliqué ou seulement partiellement faute de décrets d’application.
Les mots ne sont rien lorsqu’un président explique à ses ministres qu’il faut « occuper le terrain » et multiplier les annonces. Ce que consciencieusement un ministre de l’éducation vient de faire le jour de la rentrée scolaire. La presse, dont Coluche disait qu’elle est plus stupide que les politiques car elle colportait leurs mots (et en particulier leurs mensonges) et leur accorde de l’importance, se fait rapidement et spectaculairement l’écho de ces mots alors qu’ils ne sont suivi ni de lois ni de textes officiels.
Un exemple concret d’abus des mots : l’expression « nouveaux programmes » donne l’impression que l’on change les programmes d’enseignement. Si on y regarde de plus près on s’aperçoit qu’il s’agit surtout d’ajustements stratégiques des programmes antérieurs. La nouveauté n’est donc que très relative dans beaucoup de cas. Les vrais nouveautés sont rares et ont souvent bien du mal à se réaliser.
Dans les établissements scolaires, le B2i et les TIC dont les ministres parlent chaque année depuis 1997 sans discontinuer ne sont toujours pas la réalité qu’ils annoncent à venir, Mais tant que l’annonce est faite, cela ne porte pas préjudice : combien de journalistes vont prendre le temps d’aller vérifier ce que c’est devenu ? Combien de lecteurs d’auditeurs et de téléspectateur vont apprécier d’entendre cela. « Faites nous rêver ? » Serions nous tous tombés dans le piège ?
Les mots sont tout. Lorsque des parents d’élèves viennent à l’école rencontrer les enseignants, leur rappeler l’annonce faite par le ministre et leur demander des comptes, ils donnent aux mots une force nouvelle. La lecture de la lettre de rentrée du ministre de l’éducation appuie d’ailleurs cela tant il insiste sur la place des familles par rapport à l’école.
Les mots sont tout, lorsque des enseignants vous disent, une réforme est annoncée, attendons la prochaine, d’ici là rien ne change. Les effets d’annonce anticipée ont un objectif : donner de la force aux mots pour influencer les acteurs sans avoir à s’engager dans l’action contractuelle, voire même pour éviter d’avoir à s’engager ou s’assurer de s’engager sans risque (seuls, les mots n’engagent pas)
Ainsi donc il nous (re)apprendre à écouter. C’est à dire en premier lieu évaluer le rapport entre le mot et l’engagement de celui qui le prononce. J’ai eu souvent l’occasion de rappeler que l’anonymat si souvent utilisé sur Internet était un danger pour la valeur des mots. Malheureusement cela ne suffit pas. Celui qui dit des mots ne s’expose pas autant qu’on pourrait le penser. Il faut écrire nous dira-t-on ! même pas, puisqu’on applique pas, on opérationnalise pas. Il suffit d’écouter les propos de responsables politiques qui tiennent des propos haineux et dévalorisant sur leurs adversaires, voire même les écrivent pour s’apercevoir que ceux qu’ils engagent derrière ses propos sont « esclaves » de leurs mots.
Apprendre à écouter c’est refuser le nouvel esclavage des « mots ». La mutiplication des mots sur tous les supports et toutes les formes est exponentielle. Malheureusement cela embrouille considérablement la réception de ces mots. Il est bien plus simple (rassurant,…) de n’écouter qu’un seul flux de mots et de s’y soumettre… face à ce déferlement.
L’école est aussi le lieu des mots. Ceux qui écrivent des livres qui jettent le soupçon sur l’école devraient en prendre bonne note : ils discréditent eux-même les mots de l’école. Cette école qui tente d’apprendre à écouter, mais qui n’est pas loin de céder au repli de « l’esclavage des mots » qu’elle adopterait pour mieux le faire adopter aux élèves.
A débattre bien sûr
Bruno Devauchelle

2 Commentaires

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  1. Bonjour Bruno,
    Voilà un billet que j’apprécie particulièrement. Dans une période où les mots perdent leur sens, ou ils sont utilisés à tort ou à travers, sciemment ou non, je trouve que ton propos invite chacun à la réflexion, que l’on soit enseignant, animateur, chef de service ou tout autre. C’est pour ma part ce que cela à provoqué et je soumets modestement à ton regard critique le billet que le tien m’a inspiré : http://jacques.houdremont.fr/179/apprendre-a-secouter

  2. je suis enseignante en maternelle
    Mon sujet est justement apprendre à écouter.
    C’est d’une difficulté majeure. Qoique l’écoute soit INDISPENSABLE dans tous les domaines.
    Je suis en train de travailler sur le développement de l’acuité auditive. Il faut déja percevoir les choses avant de les interpréter.Entendre ce n’est pas écouter. La dimension socio culturelle est à prendre en compte.

  1. […] voudrais rebondir sur l’excellent billet de Bruno Devauchelle ; apprendre a écouter, une compétence essentielle ! Dans ce billet Bruno insiste sur le fait que “…les mots ne sont rien s’ils ne se […]

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