Le sénateur Gérard avait-il déjà tout prévu en 1997 ?

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Le rapport d’Alain Gérard a été publié en 1997. « Intitulé Réseaux et Multimédia dans l’éducation ». Ce document est toujours d’une grande actualité. La preuve en relisant les 32 propositions de ce rapport dont j’ai mis en gras les éléments les plus significatifs de chacune de ces propositions.

En introduction à cette lecture, on peut mettre en exergue quelques points qui sont d’une acuité particulière compte tenu de la situation actuelle :

  • Le premier point concerne la place des TIC dans les enseignements. Entre les directives nationales et les choix des enseignants, on sent très fortement le questionnement sur la continuité nécessaire dans les préconisations et les actions. Or il semble bien qu’on en soit encore loin… Les raisons sont multiples et doivent être prises en compte. La première étant justement la question des contenus enseignés en regard des « éducations à » dont le B2i fut la première victime.
  • Le deuxième est le rappel de l’indigence encore trop grande de la place du numérique dans la formation initiale et continue des enseignants. Regardons simplement la place du C2i2e et celle du numérique dans les formations…. depuis vingt années.
  • La troisième concerne l’équipement des enseignants et l’aide financière qui commence à peine à se faire jour (150 euros ?) en ce moment, alors que le rapport préconisait une aide bien supérieure…
  • La quatrième concerne l’éternelle question des ressources dont on ne sait comment y répondre. La question posée est globalement celle des contenus informationnels auxquels on peut accéder en classe. Faut-il contrôler ou laisser la totale liberté ?
  • La cinquième concerne le pilotage global du système. A l’époque et encore aujourd’hui, on ne dispose que de très peu de données sérieuses sur l’équipement réel des établissements (ETIC, PROFETIC : déclaratif !) et les pratiques associées.
  • La sixième concerne la place des collectivités territoriales dont on s’étonne que, malgré l’insistance du rapporteur, elles restent encore difficilement intégrées (malgré un comité des partenaires…) dans les décisions politiques nationales.
  • Le septième point concerne le cadre règlementaire. Le rapporteur n’évoque pas la protection des données personnelles (pourtant le texte de 1978 créant la CNIL est en vigueur à la date de publication) mais plutôt les droits d’auteurs. Etonnamment dans cette partie légale, est aussi posée la question de la transmission des matériels aux associations ou autres ainsi que celle d’une charte des usages dont on sait qu’au moins elle, sera de plus en plus intégrée au règlement intérieur de l’établissement….

Ci-dessous l’extrait du rapport Gérard, Sénateur, publié en 1997.

TRENTE-DEUX PROPOSITIONS POUR UNE BONNE INTÉGRATION DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION DANS L’ÉDUCATION

L’INSCRIPTION DANS LES PROGRAMMES SCOLAIRES

1) L’inscription dans les programmes ne doit correspondre qu’à l’essentiel. Il est indispensable de définir ce qui est superflu, ce qui est nécessaire. S’il convient d’anticiper et non seulement   de s’adapter, il ne faut pas pour autant que les programmes scolaires répondent à chaque   soubresaut de l’évolution technique. Dans chaque discipline, lorsque l’outil devient   instrument, il s’agit de penser son inscription dans le programme.

2) Les modifications des programmes doivent être suivies d’effets dans les modes d’évaluation des élèves et les concours de recrutement des enseignants. Il faut veiller à ce que chaque   établissement dispose des ressources humaines et des matériels nécessaires à leur mise en   œuvre.

3) L’Ecole doit donner à l’élève les compétences et les savoirs qui lui permettent de rechercher les informations dont il a besoin, de vérifier les sources, de différencier les niveaux de langue, de les sélectionner et de les exploiter. Ces savoirs doivent prendre corps dans le cadre d’un   enseignement modulaire confié aux équipes d’enseignants documentalistes avec le concours   des enseignants des disciplines et être validés en fin de troisième.

4) L’amélioration des conditions d’enseignement obtenue grâce au recours à ces technologies est telle qu’on ne saurait désormais s’en passer. Cependant, c’est à l’enseignant qu’il revient de   choisir et d’intégrer l’outil qui lui semble le plus approprié à sa pédagogie, à la conduite de sa   classe.

 

FORMATION DES ENSEIGNANTS ET DES PERSONNELS D’ENCADREMENT

5) Il faut mettre rapidement en oeuvre, dans les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), l’infrastructure nécessaire pour que les technologies de l’information et de la   communication fassent partie du paysage quotidien des futurs enseignants.

6) Au-delà des aspects matériels, la mise en place d’une formation adaptée passe par le recrutement de formateurs sensibilisés à ces domaines.

7) Une formation de longue durée (6 mois) permettrait de renforcer les effectifs des formateurs d’enseignants et de personnels d’encadrement dans le domaine des applications   pédagogiques des nouvelles technologies.

8) Il serait opportun que les concours de recrutement des enseignants de demain imposent systématiquement, et au minimum, une réflexion sur les transformations que les technologies   modernes induisent dans les schémas traditionnels de l’enseignement.

9) Dans le cadre de leur formation initiale, le choix du stage des futurs professeurs doit leur permettre de concevoir et de réaliser eux-mêmes des séquences pédagogiques faisant appel à   ces outils.

10) Les professeurs et les personnels d’encadrement doivent, tout au long de leur vie professionnelle, trouver l’appui nécessaire pour adapter leurs fonctions aux changements de la   société. Cette nécessité est incompatible avec la diminution des crédits affectés à la formation   continue.

 

RESSOURCES PÉDAGOGIQUES

11) Il faut dépasser rapidement le discours sur les infrastructures, pour construire une politique sur le contenu éducatif et culturel grâce à laquelle la France fera figure de modèle   international.

12) Un certain nombre d’informations doivent pouvoir être accessibles à tous. Il s’agit de s’engager dans un débat national sur le domaine public de l’information et plus   particulièrement dans le champ de l’éducation, de définir les conditions d’un accès public au   patrimoine public virtuel.

13) Face à la masse de données accessibles sur le réseau, il y a urgence à définir les cadres qui permettront aux élèves et aux enseignants d’accéder aux informations pertinentes, hiérarchisées et structurées nécessaires à leur apprentissage ou à leur enseignement. Il s’agit   d’offrir à la communauté éducative les garanties quant aux informations et aux sources qu’elle   sera amenée à consulter et à utiliser.

14) Un effort particulier est nécessaire pour favoriser la création de produits pédagogiques performants (simulation, enseignement assisté par ordinateur, etc.) si nous ne voulons pas   rapidement être contraints à n’utiliser, dans notre système éducatif, que des productions d’autres pays. Une procédure nationale d’aide, en amont de la production, à la création de multimédias en ligne ou hors ligne serait fortement souhaitable.

15) Il faut favoriser l’émergence de tout contenu qui contribue à élargir le champ du savoir de l’élève et participe à son éveil tout en veillant toutefois à ce qu’il corresponde aux programmes   d’enseignement. Il s’agit aussi d’encourager les partenariats avec les grands organismes   culturels et scientifiques pour mettre à la disposition des élèves, des enseignants et des divers   acteurs du système éducatif des contenus adaptés à leurs besoins.

16) Le savoir-faire français développé dans le domaine des nouvelles technologies éducatives confère au système éducatif français une image performante propice à l’exportation de ses   capacités pédagogiques et de ses compétences dans le domaine de l’édition électronique. Nos   lycées français à l’étranger – et plus largement nos centres culturels – doivent devenir les   noeuds d’un réseau international à partir desquels des échanges doivent pouvoir se structurer.

17) Les droits d’usage négociés dans le cadre des procédures de licences mixtes doivent être étendus rapidement aux applications et bases de données accessibles via les réseaux de   communication et être systématiquement ouverts aux écoles, aux établissements agricoles et   aux lycées français à l’étranger ainsi qu’aux élèves et professeurs pour des usages   pédagogiques extérieurs à l’école.

18) L’acquisition par les nouveaux enseignants de certains cédéroms et logiciels dont la liste serait définie par le ministère de l’Education nationale pourrait être facilitée par l’octroi d’une   prime de premier équipement de l’ordre de 2 000 F.  

 

INFRASTRUCTURE ET MATÉRIELS

19) L’ensemble des établissements du second degré et un nombre significatif d’écoles disposeront, dans les trois ans, d’une ouverture de leur parc informatique sur les réseaux   externes. Cependant, le parc de machines n’est pas voué à augmenter en permanence. Il faut   garder un juste équilibre entre l’achat de nouveaux équipements et les moyens permettant d’en   optimiser l’usage par leur mise en réseau interne.  

20) Le temps des plans nationaux d’équipement où chaque école, chaque collège, chaque lycée se voit doté d’une configuration type de matériel est révolu. Il est souhaitable que tout   équipement réponde à un projet de l’établissement.

21) Les collectivités locales et territoriales s’investiront si les usages se développent et ils se développeront si les enseignants et les chefs d’établissement participent au processus de   décision d’acquisition du matériel. Il n’est pas souhaitable que l’Etat donne des orientations   générales trop rigides, trop normatives. S’il doit donner des objectifs, chaque région, chaque   département, chaque municipalité, chaque établissement doit pouvoir définir ses priorités à   son propre rythme.

22) Les budgets nécessaires sont importants. Seul l’effort combiné de tous, Etat, Collectivités locales et territoriales, partenaires privés pourra permettre de faire face à cet enjeu pour le   système éducatif français. Il serait nécessaire qu’un organisme de concertation entre tous ces   niveaux de décision permette d’harmoniser l’infrastructure qui se construit actuellement et de   veiller à ce qu’un accès égalitaire et de qualité à l’information soit offert à tous les   établissements scolaires.

23) Il est souhaitable que l’enseignement scolaire soit rapidement représenté institutionnellement dans le GIP Rénater. Il sera sans doute nécessaire de créer un Rénates, réseau national de télécommunication pour l’enseignement scolaire.

24) Il est nécessaire de mettre en place des dispositifs permettant d’offrir à tous les lycées, collèges et écoles un tarif forfaitaire pour l’accès à Internet.

25) Un constat est simple et fait l’unanimité : il y a nécessité d’un support technique pour les établissements scolaires. Plusieurs niveaux d’intervention, devant s’articuler entre eux, semblent se dégager :

  1. a) le niveau académique, relais auprès du ministère, des éditeurs et des constructeurs ;
  2. b) une maintenance de proximité pour optimiser l’aide aux établissements ;
  3. c) dans l’établissement scolaire, un  » régisseur technologies nouvelles » pour répondre à l’urgence et un accompagnement pédagogique assuré par un enseignant.

26) Il serait intéressant de pouvoir disposer rapidement d’indicateurs précis et d’une méthodologie pour recueillir les données quantitatives qui permettront à tout moment d’avoir   une photographie du parc matériel et d’en suivre son évolution.

27) Les professeurs-formateurs et les inspecteurs régionaux ou généraux, doivent pouvoir disposer rapidement d’ordinateurs portables mis à leur disposition par leur administration. Les   mutuelles pourraient par ailleurs proposer des facilités de paiement pour l’acquisition des   matériels destinés aux enseignants.

28) Il serait souhaitable que tous les enseignants, chefs d’établissement et inspecteurs puissent disposer le plus rapidement possible d’une adresse électronique professionnelle.

 

ASPECTS LÉGAUX ET RÉGLEMENTAIRES

29) Il y a urgence à trouver un équilibre entre le droit légitime des auteurs à une juste rémunération de leur travail et la spécificité des usages pédagogiques dans le système   éducatif.

30) Une labellisation de certains logiciels éducatifs ou bases de données pourrait leur donner un statut particulier qui leur ouvrirait le droit à une exonération de la TVA.

31) Une proposition de loi sera déposée afin de permettre aux services de l’Etat, aux collectivités locales et territoriales, ou aux établissements publics de céder gratuitement les   matériels informatiques dont ils n’ont plus l’emploi aux associations de parents d’élèves et aux   associations de soutien scolaire.

32) Il est nécessaire qu’une charte d’utilisation des nouveaux médias en milieu éducatif soit rapidement élaborée et largement diffusée.

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