La place des écrans : points de vue et preuves

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La publication de ce nouveau livre de la série « Mythes et Réalités » intitulé « les enfants et les écrans » (Coordonnné par Anne Cordier et Séverine Erhel, Retz 2023, https://www.editions-retz.com/enrichir-sa-pedagogie/mes-connaissances-educatives/les-enfants-et-les-ecrans-9782725643816.html ) rassemble un ensemble d’articles rédigés par des scientifiques et tout à fait accessibles à toutes les personnes qui veulent en savoir davantage. En proposant des affirmations à approfondir en se basant sur des travaux de recherche, ce livre fait « enfin » le point sur la question. La collection dirigée par André Tricot se caractérise par l’analyse des questions abordées, sans dogmatisme, et avec des conclusions qui incitent à ne pas se laisser entraîner dans les « à peu près » trop souvent médiatisés. Certains y cherchent des vérités définitives, mais loin de tout relativisme ces ouvrages, comme celui dont nous parlons, apportent surtout la « bonne distance » nécessaire au débat. En effet, avec pédagogie (les synthèses de fin de l’ouvrage ou la bibliographie abondante), l’ouvrage consacré aux écrans apporte des éclairages d’origines scientifiques diverses (sciences cognitives, sciences sociales, sciences de l’éducation et de la formation, sciences de l’information et de la communication).

 

Parmi les chapitres proposés, citons en particulier ceux qui concernent la relation entre numérique et apprentissage, numérique et culture des jeunes, développement et construction de la personne jeune. Les débats sur la place de toutes les sortes d’écrans dans la vie quotidienne sont davantage portés par des ressentiments personnels, des difficultés éducatives vécues, que sur des analyses approfondies. Saluons ici la qualité de cet ouvrage). Jadis, à propos de la télévision dans les années 1970 – 1980, la médiatisation l’emportait sur la raison (cf. « Les nouveaux modes de comprendre », MF Kouloumdjian, P. Babin, Bayard 1983), aujourd’hui rien ne semble changer comme on le voit aussi à propos des agents conversationnels (ChatGpt).

 

Oui mais, les médias sont friands de ce sensationnalisme

 

Un récent article du journal Le Monde ( https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/05/21/numerique-a-l-ecole-la-suede-juge-les-ecrans-responsables-de-la-baisse-du-niveau-des-eleves-et-fait-marche-arriere_6174171_3244.html   intitulé « La Suède juge les écrans responsables de la baisse du niveau des élèves et veut un retour aux manuels scolaires » réactive les débats sur la place à donner aux moyens numériques à l’école. Avec ce titre qui parle des « écrans » on entre de manière tronquée dans un débat qui est beaucoup plus large mais qui, ici, semble surtout empreint d’une vision politique du monde actuel et de ses évolutions, en particulier en Suède. En effet, après de nombreuses années d’encouragement dans les utilisations des moyens numériques à l’école par les gouvernements en place, des voix qui se sont élevées ont obtenu des retours positifs de la part de dirigeants situés sur la droite de l’échiquier politique. Il semble bien qu’il faille comprendre cette décision comme un choix lié aux comparaisons internationales d’une part, à des pressions de certains experts et/ou scientifiques, et à une conception éducative plutôt de type retour au temps d’avant, celui du papier : ils choisissent de remettre en place les manuels papiers.

Amalgame et politique

Malheureusement, l’article cité ne permet pas de voir clair dans les arguments des uns et des autres, associant les termes lectures, écrans, niveaux etc… C’est au coeur de cette phrase :  » C’est aussi en raison, selon elle, de l’omniprésence des écrans que les élèves ont perdu l’habitude de lire, que les enseignants utilisent des polycopiés (faute de manuels) et que les parents sont incapables d’aider leurs enfants. » que l’on perçoit cette analyse qui embarque nombre de questions. Mais comme d’habitude, deux dimensions sont mises de côté, au moins au travers de l’article, celui de l’évolution numérique du quotidien des sociétés actuelles et celui de la parentalité en difficulté face aux usages des moyens numériques.

Des choix et des contextes, les comparaisons internationales sont toujours à contextualiser

 

Si nous faisons un parallèle avec la France, nous nous rendons compte que d’une part le numérique y est nettement moins présent, en particulier dans les pratiques des enseignants (hormis les vidéoprojections, interactives ou non) et que d’autre part si les politiques vantent la nécessaire adaptation à un monde (économique) numérisé, la plupart des acteurs décisionnels sont dans un embarras face aux écrans de toutes nature comme en a témoigné la médiatique décision de JM Blanquer à propos des « téléphones portables » à l’école.  Cette décision est bien à inscrire dans le même mouvement que ce qui se passe en Suède, pays qui a promu une dynamique industrielle et économique forte autour du numérique avant de freiner pour l’école, mais la France est, à l’envers, en train d’essayer de s’installer dans le paysage industriel numérique, alors que les choix du numérique pour l’école remontent au début des années 1980, mais sans jamais rencontrer une adhésion générale. Il semble d’ailleurs qu’en Suède aussi, il y ait un écart entre les discours et les pratiques réelles. Seule nouveauté, le retour aux « livres scolaires » pour lutter contre les moyens numériques d’une part, mais aussi les photocopies d’autre part. Ces dernières sont d’ailleurs une question récurrente pour les gestionnaires, aussi en France, qui voient, eux aussi, la facture des photocopies rester très élevée.

Les usages numériques dans la population : complexité ? Pour aller plus loin dans la réflexion

 

La décision de la Suède, si tant est qu’elle soit effective et mesurable réellement, risque d’avoir un écho médiatique aussi chez nous. Car le débat reste vif et la réalité des pratiques très contrastée et surtout rarement approfondie, même par les chercheurs… de manière suffisamment ouverte pour mettre de nombreux paramètres sur la table, préférant souvent analyser tel ou tel aspect sans prendre en compte les contextes, aussi bien personnels (familiaux) que professionnels (emplois et administration) si tant est que ce soit possible. La lecture de l’ouvrage coordonné par Anne Cordier et Séverine Erhel vient combler ce manque qui, souhaitons-le, amène à d’autres publications pour permettre à chacune et chacun de s’y retrouver.

 

 

Liste des questions abordées dans le livre « les enfans et les écrans » :

 

  • Les écrans altèrent le développement de l’enfant et de l’adolescent
  • L’usage du numérique favorise le développement de troubles neurodéveloppementaux
  • L’usage du numérique fait diminuer l’intelligence des enfants et des adolescents
  • Les écrans altèrent les relations au sein de la famille et déstabilisent la parentalité
  • Les jeux vidéo sont nuisibles par la santé physique et psychique des enfants et des adolescents
  • Les jeunes sont crédules face aux écrans
  • Les écrans sont responsables d’une inculture adolescente
  • Les dispositifs numériques sont inefficaces pour apprendre
  • Apprendre en s’amusant avec le numérique est un mirage
  • Les réseaux sociaux altèrent les liens sociaux des adolescents

 

A suivre et à débattre

BD

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