Convergence à venir, peut-être anticiper…

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La lecture de la presse spécialisée récente confirme la poursuite de l’idée de convergence. Actuellement on voit apparaître sur le marché aussi bien des téléphones mobiles aux capacités d’ordinateur portable, mais aussi des tablettes numériques et des livres électroniques. Les fabricants savent que le marché de ces outils est temporaire en attendant la convergence probable et prochaine.
Ainsi les tablettes numériques (archos, ipod touch, etc…) permettent-elles d’accéder à Internet et donc de lire en ligne des contenus. Dans le même temps les ebooks (kindle, sony reader) proposent aussi d’accéder à des contenus en ligne mais pré organisés pour ces liseurs. Les uns sont en noir et blanc (problème encre électronique) les autres en couleur (problème de lisibilité en pleine lumière). Dans le même temps les ordinateurs portables, netbook et autres smartphones proposent des fonctionnalités proches des uns et des autres. D’ici quelques années on ne pourra que constater la convergence continue et l’intégration de ces capacités dans la même machine nomade. Encore une fois, seule la taille de l’écran sera discriminante. Dans le même temps l’ergonomie risque de continuer son évolution, mais pour rendre encore plus facile l’usage de ces outils.
Quelles questions peut poser à l’avenir cette convergence ? La première c’est l’enfouissement de plus en plus profond de la technique pure. Autrement dit processeur, disque dur, octets etc… auront disparus de la surface des écrans (et c’est bien avancé). La seconde est l’impossibilité pour l’utilisateur de base de saisir la réalité des flux et des traitements qu’ils subissent derrière l’écran (ou tout autre système interface). La troisième c’est la présence immédiate à proximité de toute situation de ces outils et donc la possibilité d’enrichir l’environnement présent d’objets virtuels distants. La quatrième est une conséquence des trois premières : quels besoins en éducation ?
1 – On peut comparer l’évolution de l’informatique avec celle de l’automobile au moins partiellement. Regardons comment l’intégration technique a rendu opaque à l’usager un grand nombres de caractéristiques de l’automobile. Mais une des caractéristiques matérielles de l’automobile limite inéluctablement cette opacité du fait des lois de la mécanique entre autres, et par exemple de l’usure de la matière (problème des pneus…) qui font qu’il est toujours nécessaire d’aller voir derrière le tableau de bord dans de nombreuses circonstances. Or dans le monde des TIC, regardons les enregistreurs et leur évolution depuis la fin du XIXè siècle par exemple, l’enfouissement technique depuis le tambour de cire molle jusqu’à l’enregistrement de ma voix sur l’ordinateur portable ou le téléphone mobile est constant et dématérialise de plus en plus une fonction qui a nécessité de nombreuses manipulations encore récemment (comparez un studio télévision de 1980 et le même en 2010 pour la même fonction). La disparition progressive de la surface des écrans de la présence possible des éléments technique fondamentaux est un fait important qui rend l’accès même à ce qui apparaît sur ces écrans de plus en plus facile.
2 – Si sur le terminal lui-même les contraintes usager s’estompent, derrière l’écran et loin de là, la réalité des flux et de leur traitement s’est considérablement complexifié tout en restant invisible. A l’époque de la mécanographie et de ses salles d’opérateurs(trices) et ce n’est pas si vieux (encore dans les années 70) il y avait des témoins de cette saisie, des flux et de leur traitement, on pouvait encore les matérialiser. Mais là encore l’automatisation des traitements et l’amélioration de la cohérence de la chaîne depuis la saisie jusqu’à l’accès utilisateur final a rendu de plus en plus difficile la perception de ces flux. L’exemple de la saisie des impots par Internet et de la chaîne informatique qui suit jusqu’au prélèvement bancaire sont de plus en plus invisible. Déshumanisation diront certains, virtualisation diront d’autres, dans les deux cas, a-perception des faits intermédiaire au profit du résultat. Le traitement, le processus disparaît en tant que tel, c’est en quelque sorte le retour à la boite noire du magicien
3 – L’environnement quotidien est de plus en plus peuplé d’écrans et l’enquête 2008 sur les pratiques culturelles des français le confirme sans appel. Nier cette réalité revient à refuser d’admettre un changement culturel profond. Résister c’est vouloir se donner le droit de réfléchir avant d’agir dans un monde incertain. Adopter c’est accepter de prendre le risque c’est aussi expérimenter. Outre la proximité des écrans c’est leur mobilité, on parle de technologies embarquées. Lorsque l’on parle du cartable numérique ou de l’ordinateur portable du collégien, on entre dans cette dynamique. On peut même penser, pour surfer sur une mode émergente, que les écrans mobiles de proximité sont les porteurs de la « réalité augmentée ». L’élève dans la classe dispose avec l’écran de son smartphone d’un moyen redoutablement efficace d’augmenter la réalité que tente, souvent de manière très modeste, de lui proposer l’enseignant. Celui-ci d’ailleurs, avec un TBI et un ordinateur relié à Internet tente d’en faire autant, conscient de cet écart. Nous ne nous hasarderons pas à la science fiction, comme d’autres ont pu le faire, l’imagination des auteurs et des chercheurs y suffit bien, mais le réel est notre quotidien et celui-ci est un juge impitoyable des errances de l’imagination, technicienne ou non. L’omnimobilité qui émerge autour des terminaux mobiles intelligents (TMI ???) bouleverse à terme le quotidien. Tous les débats du moment, bien que sur des éléments partiels de cette convergence, en montrent l’émergence. La convergence continue et la proximité quotidienne de ces objets ne fera qu’en accentuer l’importance.
4 – Quels besoins d’éducation devant un tel phénomène. La bataille continue de faire rage entre éducation aux médias (dernière étude rendue sur l’éducation aux médias http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/societe-pour-politique-education-aux-medias.html?xtor=RSS-13 après de nombreuses autres…) la formation à l’informatique (l’EPI revient encore une fois sur le sujet lors du prochain salon Educatice), la formation à l’information (confère les travaux de la fadben sur le sujet ainsi que les propos de P Duplessis ou O Le Deuff, par exemple). On le voit le chantier est ouvert et concurrentiel et cache de nombreux intérêts catégoriels voire économiques…. Pendant ce temps le monde scolaire poursuit lentement son évolution et se questionne sur toutes les sortes de portables à autoriser. En effet le problème le plus important pour l’école est la « perte de contrôle » de la situation pédagogique. Depuis son arrivée dans les classes avec des initiatives comme IPT en 1985 en France, c’est cette question du « contrôle du groupe classe » qui est en arrière plan de tous les débats sur la place des TIC (et non pas l’intégration) dans l’enseignement.
Si toutes sortes de portables arrivent dans l’espace classe, s’en est fini du monopole. En effet, l’espace temps de la classe est bien celui d’un monopole de l’enseignant. En réalité, l’enseignant représente le monopole institué, mais en réalité il ne l’est pas toujours et probablement de moins en moins dans les temps à venir. L’enjeu de nos réflexions pédagogique doit aussi tourner autour de cette question : quel monopole dans l’espace scolaire ? Avec l’irruption des CDI, une partie de ce monopole a été localisé et encadré. La télévision, source de trouble majeur, a purement et simplement été rejeté. L’ordinateur a été longtemps enfermé dans les « salles spécialisées ». La portabilité et les connexions sans fil vont amener progressivement au centre des débats la question de savoir « comment enseigner quand on n’a pas le monopole ni le contrôle ? » Cela est antinomique avec la fonction traditionnelle de l’enseignant, relayé en cela par les deux préoccupations prioritaires des débutants dans le métier : est-ce que je contrôle le groupe classe ? Est-ce que je maîtrise les contenus enseignés ? A partir de ces deux questions il est aisé d’imaginer que d’autoriser les jeunes élèves  avoir sur eux une machine qui risque de mettre en cause le monopole et le contrôle ne peut que mettre à mal le modèle scolaire actuel. A moins que l’on ne parvienne à transférer vers la fonction d’encadrement et de guidance l’essentiel de la tâche des enseignants, les débats risquent d’être encore vifs pendant assez longtemps.
A suivre et à débattre
BD

2 Commentaires

  1. Merci beaucoup pour cette réflexion.
    Je tente de faire un lien entre la question de la mobilité, celle de l’ouverture (matérielle et logicielle), et celle de l’acquisition d’une « culture numérique approfondie » (où je retrouve l’EPI) – c’est dans cet article au sujet d’OLPC :
    http://www.interdisciplines.org/mobilea2k/papers/2

    • Evelyne Vincent sur 30 octobre 2009 à 18:20
    • Répondre

    « comment enseigner quand on n’a pas le monopole ni le contrôle » : cette phrase m’interpelle…j’ai envie de répondre comment apprendre sans s’émanciper ? Donc enseigner requiert de refuser tout monopole sinon c’est de l’endoctrinement au pire de l' »encroûtement » au mieux…maîtriser des contenus me semble par contre indispensable…réfléchir aux finalités de l’enseignement-éducation aussi, sur le long terme avec les acteurs de terrain et de préférence en phase avec une société humaine qu’il vaudrait mieux éviter de voir sombrer dans la robotisation …

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