Normes explicites ou implicites

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Dans le domaine de la maîtrise des TIC circulent dans le système éducatif des normes explicites (certifications, référentiels) et des normes implicites… (activité et discours des acteurs du système sur les compétences des jeunes, codes communs aux acteurs du système). Les normes explicites (B2i et autres PCIE etc.) sont plutôt orientées vers la techniques, les normes implicites sont surtout culturelles, sociales et cognitives.
Faut-il parler d’intégration des jeunes dans la société de l’information ou dans la société tout court ? Faut-il parler de maîtrise technique ou maîtrise de l’environnement numérique ? Faut-il parler de formation au numérique ou à une société numérisée ?
Le système scolaire est redoutable. Il est capable d’imposer ses normes explicites aux acteurs sans se soucier des réalités quotidiennes. Il suffit de regarder comment les enseignants « tordent » les prescriptions pour en comprendre  les réalités. Autrement dit, l’enseignant est celui qui doit être capable d’articuler le prescrit avec le réel, et pas seulement celui de sa personne, mais aussi celui de son environnement, élèves, collègues, institutions…. Le développement des TIC dans le système scolaire est à ce sujet particulièrement remarquable tant il est illustratif de la difficulté à articuler ce prescrit et ce réel. Si à l’origine du B2i en 2000 on pouvait en comprendre le bien fondé, force est aujourd’hui de le remettre en cause non pas dans sa finalité, mais dans son opérationnalité. Son intégration au socle commun de connaissances et de compétences l’enfoui dans une logique qui est encore loin d’être en place et qui risque de lui faire perdre sa dynamique aussi modeste soit-elle. L’absence de références explicites, à ce jour, à la nécessité de le prendre en compte de manière spécifique au lycée, mais aussi au collège, la collision avec les concurrents que sont l’éducation aux médias, l’éducation à l’information et l’éducation technologique.
En fait, on s’aperçoit que dès que l’on repense la mise en oeuvre d’une politique d’accompagnement des TIC en éducation, on entre d’abord par un cadre prescriptif qui s’applique à une réalité qui est peu ou pas analysée : celle des jeunes, celles des enseignants, celle des institutions, celle des structures scolaires. Du coup se creusent des inégalités importantes sur l’ensemble du territoire et finalement les coûts sont importants pour des résultats peu analysés. Évidemment tout le monde pensera que ce propos est trop radical et que de nombreuses études sont faites. Alors comment expliquer la réalité quotidienne que nous observons ?
Si nous dépassons notre proposition initiale des normes explicites et des normes implicites, nous pouvons nous apercevoir que les normes implicites sont beaucoup plus puissantes que les normes explicites. Ainsi le formatage scolaire imposé par certains manuels scolaires traditionnels (papier ou non) est-il porteur d’un modèle implicite jamais discuté. De même en est-il de l’architecture scolaire ou encore de l’organisation du temps. De même en est-il aussi de l’équipement des établissements scolaires dans le domaine des TIC. Il suffit de reprendre l’exemple de la salle informatique, du TBI/TNI, de l’ENT entre autres pour comprendre que nous sommes là en présence normes implicites qui s’articulent plus ou moins avec des normes explicites.
Si les normes sont aussi puissantes que cela, c’est qu’elles ne sont pas discutées, surtout quand elles sont implicites, mais pas seulement, certains étant contents d’avoir une norme pour les encadrer. Dans une époque ou l’efficacité de l’État est mise en cause, le réflexe est de passer à des modèles applicatifs des normes de plus en plus contraignants. Ainsi le décideur souhaite-t-il voir appliquer sa décision…. Même si celle-ci n’a pas de sens sur le réel. Penser pour les autres, tel est l’usage des normes dans nos sociétés. Et tant pis si dans la réalité il y a distorsion.
Le problème posé par les TIC au système éducatif vient du fait que la norme économique et technique a imposé ses logiques au développement des usages et que les usagers ont bien compris comment cette norme pouvait leur servir. Malheureusement, le système éducatif, souvent réticent à des curiosités vers les pratiques non académiques, est aujourd’hui dépassé par cette vague. Les propos tenus sur le sujet sont le reflet de ce conflit de normes. Résistant sur ses normes le système éducatif n’a pas encore compris, au delà des discours, que c’est une ère nouvelle faite en particulier d’autonomie qui s’ouvre. Or l’autonomie c’est bien le fait que la norme n’est plus préexistante à la personne mais que c’est la personne qui construit elle même ses normes en lien avec le collectif pour ensuite les mettre en oeuvre. Ce qui se passe à ce sujet sur les réseaux sociaux est très illustratif de ce phénomène. Que ce soit pour les jeunes ou pour les adultes, chacun d’abord, puis collectivement ensuite, nous tentons de construire des édifices de pratiques normées (provisoirement et de manière fluide). En constant mouvement cette pratique sociale est déroutante pour les systèmes les plus prescriptifs. Le raidissement apparent de l’État (derrière un discours pourtant à l’opposé) se basant sur des bras institutionnels agissant puissants mais parfois occultes est à l’opposé de ce mouvement. En éducation il en est de même et dans le monde scolaire les choses sont encore plus sensibles.
C’est probablement pourquoi il est temps de repenser globalement, au delà des intérêts des lobbies de tous poils, le sens d’une éducation qui accompagne la construction par chacun de son autonomie plutôt que celui d’une éducation qui impose la compétence d’autonomie… et les normes sont pour quelque chose là dedans….
A suivre et à débattre
BD

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