Quel avenir pour une Direction du Numérique pour l’Education (DNE) ?

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Créée sous le gouvernement précédent avec l’appui de V. Peillon alors ministre de l’éducation, la Direction du Numérique pour l’Education (DNE) présentait l’intérêt de mettre en évidence la question du numérique, comme un objet un peu à part. L’omniprésence du numérique dans la société imposait alors une réflexion spécifique et non intégrée à la DGESCO sous la forme d’une sous-direction (SDTICE). Cela signifiait qu’une vision émergeait qui tentait alors de rapprocher les moyens techniques (l’informatique) et l’acte d’enseigner (la pédagogie). Après une première directrice (C Becchetti-Bizot) en charge de la création de cette direction, l’orientation que l’on peut qualifier de pédagogique semblait dominante. L’éloignement de cette première directrice au profit d’un des responsables de la partie informatique du ministère de l’éducation (M. Jeandron) signait un retour de balancier vers la technique. Ce deuxième directeur, s’il a laissé libre court à la partie pédagogique qu’il ne connaissait pas, a surtout poussé les avantages vers des systèmes informatiques issus des grandes entreprises, les fameuses GAFAM. C’est cette orientation qui lui a valu devoir laisser sa place, il a d’ailleurs confirmé son orientation politique en étant embauché par Amazon soi-même. Est alors arrivé Jean Marc Merriaux, qui avait dirigé Canopé et effectué sa restructuration. Celui-ci, toujours en poste à ce jour, a donc pris la place de son prédécesseur en essayant, semble-t-il de retrouver un équilibre au sein de cette direction en la restructurant. Ce mouvement qui semble être presque terminé n’a bien sûr pas fait que des heureux, ou des malheureux. Mais il marque aussi une nouvelle inflexion dans la politique ministérielle autour du numérique.

Si ces mouvements internes à une administration dite « Centrale » intéressent peu ou pas les enseignants, ils sont pourtant des indicateurs d’orientations politiques et générateurs d’interrogations en regard de ce qui se passe dans les académies, les établissements etc… C’est pourquoi à partir d’une analyse des décisions prises depuis 2018 par le ministre on peut s’interroger sur l’avenir de la DNE. Regardons de près les différents points qui nous amènent à nous interroger.
– Le retour de l’informatique et de la programmation dans les programmes de l’école primaire et du collège,
En arbitrant pour l’informatique comme contenu disciplinaire, le ministre répond implicitement à un renoncement de pilotage sur le plan pédagogique.
– Mise en place d’un enseignement obligatoire en classe de seconde (SNT) et d’un enseignement de spécialité en première et terminale (NSI) (Capes à venir)
En mettant en place une nouvelle discipline et en s’appuyant sur un CAPES, le ministre confirme l’orientation prise qui fait de la connaissance de l’informatique le BA ba de la culture numérique.
– La relance, récente, de la certification numérique PIX
En relançant (dès l’année scolaire 2020 – 2021) la certification des compétences numériques et donc du PIX, désormais extérieur au ministère (Start’up d’Etat), le ministre entérine le fait de compétences numériques spécifiques qui viennent compléter les connaissances informatiques, mais toujours indépendamment du pédagogique.
– La limitation d’utilisation des Equipements Individuels Mobiles dans les établissements
Seule l’exception pédagogique permettrait de déroger à cette interdiction, sous réserve que ce soient les établissements qui le choisissent, autrement dit cet aspect du pilotage de la DNE n’a plus d’intérêt au niveau national
– L’organisation interne de la DGESCO pose question, quid de Daniel Lacroix (sous-directeur DGESCO) ?
On peut s’interroger sur le fait que dans l’organigramme de la DGESCO, le DNE (JM Merriaux) soit directement rattaché au SG et au DGESCO, mais aussi sur la nomination récente de D. Lacroix, ancien directeur de Canopé par Intérim comme chef de service. N’y a-t-il pas là doublonnage

Pour notre part, observant de très près depuis plusieurs années le développement de la DNE, du ministère et suivant en même temps les dimensions politiques d’une part, mais aussi les acteurs de terrain, on constate que la fin du plan Hollande initié en 2015 indique aussi la fin d’un besoin de support au sein d’une direction spécifique qui irait sur le champ pédagogique. Pour le dire autrement ces évolutions ont vidé de son sens la raison d’être de la Direction du Numérique pour l’Education.
Constatons aussi la faible visibilité de cette Direction auprès des acteurs au sein des établissements, en particulier au cours de ces derniers mois. Le ministre a la main, et la stratégie présentée par la DNE ne porte pas réellement une vision spécifique. Les opérateurs complémentaires du ministère sont aussi à interroger : que devient Canopé ? Comme le CNED va-t-il pouvoir se positionner dans les temps à venir selon les scénarios présentés par le ministère.

Cette analyse est forcément tronquée, nous n’avons pas accès à un grand nombre d’informations. Par contre nous tentons ici d’exprimer un ressenti sur le pilotage du numérique éducatif depuis maintenant trois années. En ne parvenant pas à exprimer une vision plus large que celle lisible dans les dispositions prises depuis trois années, on peut penser que la question de l’éducation au numérique est en train d’échapper au monde scolaire, au moins en partie… Quant aux Etats Généraux du Numérique Educatif (dont l’idée aurait été soufflée au Ministre par le Directeur de la DNE lui-même) on peut se demander si ce ne sera pas le lieu, le moment d’annoncer une reprise en main au niveau central. A moins qu’une décentralisation accrue ne vienne donner aux collectivités des possibilités pour piloter un système qui depuis de nombreuses années se trouve soumis aux « idées » d’en haut et souvent sans concertation réelle….

 

A suivre et à débattre

BD

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